L’importance et la raison des codes et protocoles dans le BDSM ou dans les cordes
Note 1 : Dans le présent document, les termes employés pour désigner des personnes sont pris au sens générique; ils ont à la fois valeur d’un féminin et d’un masculin.
Note 2 : Dans cet article, je vais parler de ma vision des codes et des protocoles dans les cordes ou dans le BDSM et du changement que cela demande et/ou apporte dans une relation, dans une scène.
Note 3 : Afin de faciliter la lecture pour certaines personnes, j’ai délibérément scindé cet article en deux, une première partie qui résume, la seconde qui va plus loin dans l’explication, dans l’argumentation. Bonne lecture.
Les mots « éthique » et « morale » renvoient à une dimension importante des actions humaines, visible dans des scènes BDSM, de cordes ou du vivre ensemble.
En Résumé…
Quelque soit les pratiques BDSM ou de cordes, tant que l’on n’est pas dans du gaming (une représentation, un show, un jeu, un amusement, du vanille pimenté, etc.) que l’on est dans le playing (un art de vivre, dans une philosophie de vie), tout ce qui est fait, sera vécu cérébralement. L’utilisation du corps de la personne, l’artefact ou la corde utilisée n’est qu’une interface pour véhiculer l’intention qu’à la personne dominante ou l’encordeur à la personne soumise ou encordée. Pour que cette intention puisse être transmise correctement, il y a la nécessité d’avoir au préalable généré une connexion (voir la connexion dans le BDSM ou dans les cordes ou voir la connexion d’un point vue reliance, déliance, liance) avec la personne soumise ou encordée.
Tant que l’on reste dans du gaming, on devrait rester sur des pratiques dites “softs”, il suffit de lire le physique de la personne, de l’écouter et de l’entendre ce qu’elle nous dit pour pratiquer avec très peu de danger. Par contre, le danger viendra lorsque les gamers iront dans des pratiques plus « hards » (plus difficile à vivre pour la personne soumise ou l’encordée) ou dans les pratiques à risque, ils deviendront dangereux pour la personne soumise ou encordée.
Dès que l’on augmente l’intensité dans notre playing, on on se dirige vers du SM (des pratiques dites “hards”), du EdgePlay (pratiques à risque), on ne peut plus lire sur son physique, on ne peut plus se fier à ses paroles, surtout si la personne entre dans un “subspace”, que la relation soit en CNC, en TPE, nous n’avons plus bcp d’informations pour sécuriser la scène, d’où la nécessité d’avoir une déontologie, d’avoir un code, une charte BDSM ou d’encordage.
La déontologie, le code, la charte BDSM ou d’encordage permet d’offrir un cadre de référence, sécuritaire dans les pratiques dites “hards”, les pratiques à risque ou dans une relation CNC ou TPE pour la personne soumise ou encordée et la personne dominante ou l’encordeur.
Les codes dans le BDSM ou les cordes vont définir les valeurs pour décrire, définir les conditions morales des pratiques BDSM. Les codes permettent de donner des repères et du sens à ce qui est vécu par la personne soumise ou encordée.
Les protocoles sont un ensemble de règles et de procédures à respecter autant dans l’attitude que dans le comportement au sein d’une macro-société BDSM ou de cordes.
Conclusion
Les codes et les valeurs permettent de positionner le care dans nos pratiques.
Les codes donnent des repères et du sens, les protocoles définissent les attitudes et les comportements des personnes soumises, des personnes dominantes, des encordeurs et des encordées.
Souvent lors de soirées BDSM ou de cordes, je vois des scènes ou les actions perdent leur sens, les personnes soumises, dominantes, encordeurs ou encordées ont perdu ou n’ont jamais eu de repères, et l’on voit une scène qui n’a plus aucun sens, si ce n’est des jeux entre personnes consentantes sans aucun but si ce n’est : s’amuser. Ces personnes n’ont jamais su ou ont toujours ignoré les codes et protocoles BDSM.
Toutes ses scènes sans sens, avec aucun repère me donnent le sentiment d’une rupture d’un équilibre si précieux que la personne dominante ou l’encordeur cherche, recherche et continue chaque jour à cimenter dans sa relation. Comme mon grand-père dirait : « il faut une étincelle pour allumer un feu, et il faudra des canadairs pour l’éteindre… » , en une soirée, des individus par leur gaming peuvent détruire des semaines ou des mois de travail, de sueur, de remise en cause sur l’équilibre de la relation BDSM. Il faudra que la personne dominante ait atteint un niveau de Maitrise suffisant afin de ne pas laisser cet environnement détruire l’équilibre qu’il a su générer.
Du fait d’intenses, fortes émotions que peut vivre une personne soumise ou encordée dans une relation du type : playing, cet équilibre tient toujours sur un « fil de rasoir ». Le déséquilibre n’est jamais très loin. Dans la recherche de protection et de sécurité, la personne dominante dans une relation BDSM tiendra fréquemment sa personne soumise éloignée des gamers ou des soirées gamings.
Je vais ci-après, essayer de vous définir, de montrer les différences entre la morale, l’éthique, le code, le protocole, la charte, la déontologie, ainsi que les dilemmes éthiques, les enjeux éthiques, et le pluralisme des valeurs.
En détail…
Morale et éthique
Pour certains penseurs, « morale » et « éthique » ont la même signification : le premier provient du mot latin mores et le second du mot grec êthos qui, tous les deux, signifient « mœurs ».
Pour d’autres, ces termes prennent des sens différents et ne sont pas équivalents. Au Québec, notamment, une distinction s’est imposée (définition qui me convient mieux dans le BDSM ou dans les cordes) :
La morale réfère à un ensemble de valeurs et de principes qui permettent de différencier le bien du mal, le juste de l’injuste, l’acceptable de l’inacceptable, et auxquels il faudrait se conformer.
L’éthique, quant à elle, n’est pas un ensemble de valeurs ni de principes en particulier. Il s’agit d’une réflexion argumentée en vue du bien-agir.
L’éthique propose de s’interroger sur les valeurs morales et les principes moraux qui devraient orienter nos actions, dans différentes situations, dans le but d’agir conformément à ceux-ci.
Dilemmes éthiques
Dans les débats contemporains, il est souvent question de dilemmes éthiques ou moraux, qu’on appelle aussi « conflits de valeurs ». Il s’agit de situations où les valeurs et les principes entrent en opposition et rendent les décisions difficiles.
L’individu se trouve divisé entre des principes ou des valeurs auxquels il accorde de l’importance. On dit de telles situations qu’elles comportent des enjeux éthiques.
Enjeux éthiques
On est en présence d’un enjeu éthique lorsqu’une valeur ou un principe moral est mis en jeu dans une question ou une situation.
Par exemple, on dira que la liberté de choix est un enjeu éthique soulevé par des BDSMistes ; ou encore que le BDSM soulève ou comporte des enjeux éthiques. Parfois, on utilise le terme « enjeu éthique » pour parler, par extension, de la question ou de la situation elle-même : par exemple, on pourrait dire que l’esclavage est un enjeu éthique dans le BDSM.
Déontologie
L’éthique doit aussi être distinguée de la déontologie. Mais qu’est-ce que la déontologie ?
Le terme « déontologie » vient du grec deontos, qui veut dire « devoir ». Dans son sens courant, il renvoie aux obligations que des personnes sont tenues de respecter.
La déontologie dans le BDSM est l’ensemble des règles et devoirs qui régissent la pratique du BDSM ou des cordes dans son fonctionnement interne comme dans ses relations avec l’extérieur.
Les obligations partagées par un groupe reflètent des valeurs ou des principes jugés fondamentaux. On les consigne parfois dans un code de déontologie, aussi appelé « morale professionnelle » . Bien que la déontologie soit très présente dans divers milieux, malheureusement dans le BDSM ou dans les cordes beaucoup de personnes ne sont pas encadrés par des codes ou par des protocoles.
Codes
Les codes, généralement fixés par des anciens ou par des personnes expérimentées, exercent deux fonctions principales : protéger les individus et préserver la réputation des personnes. Ces deux valeurs sont menacées lors d’une infraction à un code.
Un code est un recueil de lois.
Chartes
Une charte est une discipline pratique et normative qui se donne pour but de dire comment les êtres doivent se comporter.
On assiste actuellement à un développement considérable des chartes éthiques et codes de conduite au sein des cordes ou du BDSM. Les groupes ou association dans les cordes ou le BDSM se dotent de documents éthiques visant à intégrer davantage les principes d’une responsabilité sociale, collective et individuelle.
Ainsi, qu’il s’agisse du code de conduite, du code de bonne conduite, du code de déontologie, de charte éthique, de charte de conduite, de code de principes, ces documents sont autant de textes élaborés par les groupes ou les associations sur une initiative volontaire destinée à matérialiser la responsabilité sociale, collective et individuelle.
Ces codes et chartes correspondent à des principes qu’une société ou organisation déclare respecter dans ses activités. Plus concrètement, il s’agit de l’énoncé « des normes et des principes régissant la manière de conduire une société, un groupe, une organisation » .
Par « code » j’entends : un corps cohérent de textes englobant selon un plan systématique l’ensemble des règles relatives aux pratiques BDSMiste ou aux pratiques de cordes.
Le terme « charte » constitue l’acte de l’Ancien droit qui accordait un titre ou un privilège. En droit anglo-saxon, ce mot désigne davantage l’acte fondamental relatif aux libertés publiques. Sur le plan international, il s’agit encore de l’acte constitutif d’une organisation internationale telle la Charte des Nations -Unies.
Protocole
Le protocole dans le BDSM ou dans les cordes permet de définir les règles à observer en matière d’étiquette, dans les relations sociales dans une société BDSM et vanille.
Le protocole est un ensemble de règles et de procédures à respecter autant dans l’attitude que dans le comportement dans une scène, dans une communication, dans un repas, etc. au au sein d’une macro-société BDSM ou de cordes.
Pluralisme des valeurs
Chacun a sa propre opinion quant aux valeurs qui devraient guider les individus et la collectivité dans le BDSM ou dans les cordes, et chacun est libre de défendre celles auxquelles il tient. Différentes conceptions du bien commun, donc de la morale, se côtoient.
En contexte de pluralisme des valeurs, il n’est pas toujours facile de prendre des décisions collectives qui soient acceptables à tout un chacun.
La religion catholique faisait autrefois office d’autorité en matière de morale. Ses préceptes fondaient la conception de la morale de la majorité. Elle servait de ciment social et fournissait un ensemble de valeurs communes partagées.
Avec l’effritement de l’emprise de la religion, notre société, comme beaucoup de sociétés occidentales, a en quelque sorte perdu ses repères moraux. La Révolution tranquille a permis l’émergence de nouveaux mouvements sociaux et politiques qui ont conduit à poser un regard critique à la fois sur les legs (legs est un don par testament) de la religion catholique et sur les idéaux mis de l’avant par les courants de pensée naissants.
À la cohésion morale permise par le partage d’une religion a donc succédé une pluralité de styles de vie et d’idéaux où, pour ainsi dire, aucune valeur ni aucun principe n’est plus « sacré » ou « intouchable ». Les idées changent rapidement et tout semble pouvoir être remis en question : en ce sens, certains parlent de crise des valeurs pour décrire la condition morale de la société.
Cette expression évoque deux problèmes distincts :
- Pour l’individu, l’expression « crise des valeurs » traduit une dimension importante de la vie d’aujourd’hui liée à la perte des repères et du sens. Les repères moraux sont essentiels à l’agir humain, et dans la société contemporaine où l’agir précède souvent la réflexion, on a parfois l’impression que les actions perdent leur sens et ne servent pas les bonnes fins. La crise des valeurs appelle donc chacun à se questionner sur les valeurs et les principes qui doivent le guider.
- Pour la société, l’idée de crise renvoie à la rupture d’un équilibre précieux. Le consensus social sur la morale est rompu : une diversité de valeurs sont librement véhiculées. Face à ce nouvel état de choses, le retour à une idéologie (religieuse ou autre) n’est pas nécessairement souhaitable. Le pluralisme des valeurs semble aujourd’hui inévitable. Toutefois, il nous force à repenser le vivre-ensemble.
En effet, comment résoudre les conflits opposant des individus qui partagent des valeurs différentes, voire opposées ? Lorsqu’on doit prendre une décision collective, comment choisir les valeurs qui fonderont cette décision ? S’agit-il d’imposer à la minorité les valeurs de la majorité sans que celles-ci soient nécessairement « meilleures » ou « plus légitimes » au point de vue moral ? Dans ce cas, la réflexion éthique n’est-elle pas vouée à l’impasse ?
Pour éviter une telle impasse, on doit trouver un moyen de permettre à chacun, dans la mesure du possible, de vivre selon les idéaux qui sont les siens, tout en préservant l’idée que certaines valeurs ou certains principes devraient être respectés par tous. C’est ce à quoi se sont appliqués bon nombre de penseurs, qui ont tenté de trouver un fondement philosophique à la primauté de certaines valeurs ou encore à certaines manières de prendre des décisions en matière de morale.
Par ailleurs, si on ne peut pas parler de consensus social sur la morale, il serait faux de croire qu’aucune valeur ou aucun principe ne puisse être largement admis comme fondamental dans notre société. Les anciennes réflexions et pensées des premiers à pratiquer le BDSM ou les cordes sont de bons repères : les valeurs et les principes qui y sont enchâssés font office de base commune lors de la réflexion éthique, parce que la plupart d’entre nous les estiment fondamentaux. Bien sûr, cela ne règle pas toutes les difficultés, puisque deux valeurs posées comme fondamentales peuvent aussi entrer en conflit.
En conclusion
L’éthique fait donc face à un défi de taille qui demande une réflexion à la fois individuelle et collective.
Dans une société confrontée à des enjeux de plus en plus complexes, l’éthique n’est pas une garantie qu’un consensus social émergera. Il s’agit plutôt d’une démarche pour prendre une décision éclairée en évaluant les arguments opposés. Cela s’incarne généralement dans des pratiques de délibération éthique.
La principale difficulté reste souvent de déterminer, entre plusieurs valeurs importantes, laquelle ou lesquelles reflètent le mieux la société dans laquelle on veut vivre, on veut pratiquer. L’éthique ne propose pas de solutions toutes faites à ce problème. Pour parvenir à une décision, la démarche éthique s’alimente d’arguments philosophiques, de consultations publiques, d’études scientifiques, d’avis d’experts, d’écrits d’intellectuels, d’avis d’anciens, etc.
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