L’emprise dans le BDSM ou dans les cordes
Note 1 : Dans le présent document, les termes employés pour désigner des personnes sont pris au sens générique, ils ont à la fois la valeur d’un féminin et d’un masculin.
Note 2 : Dans cet article, je vais parler de ma vision de l’emprise
Avant de parler de l’emprise, qu’est-ce que l’emprise ?
Pris dans le sens italien moderne : “impresa” -> entreprise
Emprise est dérivé de l’ancienne locution militaire : Emprise chevaleresque, qui désigne le contrat moral par lequel le chevalier se lie à son suzerain et plus largement, la règle de conduite, l’entreprise qu’il se fixe comme défenseur du Christ ou encore comme serviteur d’amour de sa Dame.
Il prend sa définition dans le préfixe “en” et le radical “prise” :
- en -> du mot latin inde signifiant “de là”, “de ce lieu” , car il est employé avec un verbe exprimant un mouvement ;
- prise -> participe passé du verbe prendre : saisir, mettre en sa main, s’emparer, dominer.
Dans le BDSM ou dans les cordes, l’emprise est donc une forme de domination exercée par une personne sur une autre et qui a pour résultat qu’elle s’empare de son esprit ou de sa volonté. L’emprise signifie le lien, la connexion ou le B (Bondage) de BDSM de la personne soumise ou encordée à son Maître ou encordeur.
L’emprise est avant tout mentale : elle désigne une coupure avec l’esprit, une mainmise sur l’être, sous forme de domination, d’influence et/ou de manipulation.
L’emprise entraîne une possession. Deux stratégies sont utilisées pour atteindre cette possession :
- une stratégie exorciste : la démarche amène à souhaiter et à réaliser la libération d’un esprit que possède le sujet malgré lui ;
- une stratégie adorciste : la démarche consiste à souhaiter la possession par l’esprit.
Cas d’une manipulation
Dans le cas d’une domination sous la forme : manipulation, ce sera non seulement une mainmise sur l’être mais aussi sur l’existence et la pensée d’autrui, ce sera une forme de “mind fuck” . Le but de cette forme d’emprise est de disposer, de jouir, voire de “détruire” consciemment ou inconsciemment la personne soumise ou encordée. Dans ce cas d’emprise, l’autre est considéré non plus comme un être humain, mais comme un bien, un ustensile, une chose à sa disposition, la relation sera dans une objetisation ou dans une animalisation (je différencie l’animalisation du “pet play”). Ce sera un abus, tout basculera dans une forme déshumanisée de lien avec l’autre qui risque tôt ou tard de virer à la ligature, avec toutes les maltraitances qu’elle prétendra justifier pour mieux les faire subir à l’autre en les lui imposant.
La stratégie utilisée dans ce cas-là sera de type exorciste.
Cas d’une influence
Dans le cas d’une domination sous la forme : influence, dans l’emprise, il y aura une forme de possession, possession qui va apporter des modifications du comportement entraînant une rupture de l’individu par rapport à son passé, voire son présent.
La possession ou l’emprise dans ce cas-là, peut conduire à un “subspace” (conscience altérée).
La stratégie utilisée sera du type adorciste.
Dans le BDSM ou dans les cordes, la personne soumise ou encordée va souhaiter que la personne dominante ou l’encordeur intervienne activement sur son psyché. La personne soumise ou encordée va chercher à travers les pratiques BDSM ou de cordes à “perdre” conscience dans une forme que l’on nomme de conscience altérée (subspace), une altération de sa conscience, qui lui permettra d’entrer dans une forme de transe. Une forme de perte de son contrôle, de ses conduites, pour que ses pensées lui permettent de voyager dans un monde parallèle, dans une autre sphère, dans ce que l’on nomme une “bulle”. A cela s’adjoint une amnésie signe d’un changement radical de la personnalité altérée.
La différence entre cette conscience altérée (subspace) et l’hypnose, car souvent on me pose la question lors des mes scènes, si je fais de l’hypnose, et je réponds que c’est une conscience altérée (subspace) et non de l’hypnose.
Dans l’hypnose thérapeutique, le patient demande à l’hypnotiseur d’intervenir activement sur ses difficultés psychologiques. Les patients arrivent avec une représentation de l’hypnose marquée par un modèle de la possession, mais qui, dans notre contexte culturel, s’expliquerait non par l’action d’esprits surnaturels mais par des mécanismes psychologiques relevant d’une dynamique inconsciente mise en oeuvre par la suggestion et l’hypnose. Cette représentation est de type adorciste puisque, par définition, elle résulte de la demande du patient lui-même.
Dans l’hypnose de spectacle, l’hypnotiseur utilise des techniques “classiques” pour faire du spectacle, distraire et (parfois) éduquer le public. Ils ont un show à assurer. Pour cela, il existe des techniques spécifiques de reconnaissance et de sélection des “meilleurs sujets” , ceux qui démontreront rapidement les phénomènes hypnotiques nécessaires au spectacle. Grâce à l’envoûtement généré par la foule, l’hypnotisé est “emporté” dans un rôle – qu’il a accepté implicitement en venant au spectacle, puis en se portant volontaire pour monter sur scène. Tous ses amis le regardent ; il a le trac ; il a chaud ; les lumières l’éblouissent… Désorienté, l’hypnotiseur le surprend en claquant des doigts ; il se sent tomber, comme évanoui, sans même avoir entendu le retentissant “Dormez !” . C’est la célèbre “interruption de pattern” de Dave Elman (souvent attribuée, à tort, à Milton Erickson). L’ordre vient saisir le cerveau reptilien, qui fait basculer la personne en transe bien avant qu’elle ne soit même consciente de la phrase prononcée par l’hypnotiseur… Facile à réaliser sur scène, où la personne est impressionnée ; très difficile en thérapie, où le thérapeute a, au contraire, établi un climat de confiance. L’hypnotiseur de spectacle use de la “communication d’influence” à fin de divertissement malsain ou d’abêtissement, il abuse des personnes les plus sensibles ou influençables – c’est une forme d’hypnose négative de masse.
Dans le BDSM ou les cordes, la personne soumise ou encordée n’est pas guidée dans sa transe, dans ses difficultés psychologiques, elle est libre de voyager dans ses pensées où bon lui semble. La personne dominante ou l’encordeur va seulement lui ouvrir la porte de son voyage, va l’introduire dans son voyage en utilisant la douleur par le biais du SM. La personne soumise ou encordée sera dans son voyage dans une conscience altérée, car non guidée, il n’y a aucun objectif, aucun but, aucune finalité.
L’hypnose amène la personne dans une conscience modifiée, alors que dans le BDSM ou les cordes, elle sera conduite vers une conscience altérée.
Le chercheur Pierre Etevenon distingue trois types d’EMC :
- Les états de conscience naturels, désignant l’éveil, le sommeil, le sommeil paradoxal qui correspond le plus souvent à un vécu de rêve.
- Les états de conscience altérés, regroupant les pathologies mentales et neurologiques, ainsi que les intoxications sous drogue.
- les états de conscience modifiés volontairement, lors de méditations, relaxations, yoga, transe chamanique ou mystique, expérience de mort imminente, ivresse des sommets ou des profondeurs.
On commence là à se rendre compte de la dangerosité de la conscience altérée, dans cette forme d’emprise, de possession, il est très facile de franchir la frontière entre l’influence et la manipulation. La manipulation étant une influence à des fins personnels.
Dans le BDSM ou dans les cordes, cette conscience est altérée, dans le sens ou la personne encordée ou soumise vivra cette altération comme une forme de drogue. Il y a une addiction dans les cordes ou dans le SM, une intoxication sous forme de drogue mais sans drogue.
L’induction, sous toutes ses formes, et le maintien d’un rituel adorciste permet la possession d’autrui. Une manifestation de l’autre en soi (la connexion). Les comportements attendus en réponse à ces suggestions : fermeture des yeux, disparition momentanée des interlocutions, relaxation et passivité corporelle, sont supposés être le signe d’un changement d’état du fonctionnement mental, mais ils viennent aussi mettre en scène ce que pourrait-être l’entrée de l’ “autre” (la personne dominante, ou l’encordeur) au coeur du fonctionnement psychique et physique de la personne soumise ou encordée.
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