Les formes de pouvoir & la « connexion » dans la relation
Il y a un « pouvoir sur » et un « pouvoir pour » , et le « pouvoir de » . Dans la réalité d’une relation Top/botton, D/s ou M/s, le Top, Dom ou Maître/sse à ces trois « pouvoirs ».
« Pouvoir sur »
« sur » dans le sens : au dessus de.
C’est un pouvoir égocentré1 : tout est ramené à soi.
Ce pouvoir fait allusion à sa puissance, à sa force.
La puissance désigne sans équivoque un élément caractéristique d’une entité individuelle ; elle est la propriété d’un objet ou d’une personne et fait partie de sa nature ; elle peut se manifester dans une relation avec diverses personnes ou choses, mais elle en demeure essentiellement distincte.
Dans la réalité, la personne bottom, soum ou slave va toujours chercher à nous donner un « pouvoir sur » elle. Si l’on accepte ce pouvoir, elle aura réussi à atteindre notre orgueil, notre prétention, etc. Lutter contre ce « pouvoir sur » , c’est refuser d’inverser les rôles, refuser de laisser au bottom, soum ou slave un « pouvoir sur » nous. Psychologiquement on ne prend jamais un « pouvoir sur » autrui, c’est toujours autrui qui nous donne un « pouvoir sur » lui. Avoir un « pouvoir sur » c’est perdre notre Top, notre domination, notre maîtrise.
« Pouvoir de »
Le « pouvoir de » faire faire.
C’est un pouvoir nynégocentré2 : c’est un pouvoir autoritaire : une autorité de compétence.
C’est à dire un pouvoir Ici et maintenant (latin hic et nunc) est une expression utilisée pour désigner la position spatio-temporelle, la personne reste ancré dans la réalité présente.
Sa caractéristique essentielle est que la personne soumise, bottom ou slave reconnait la personne Dom, Maitre/sse ou Top inconditionnellement ; aucunement besoin de contrainte ou de persuasion.
Le mépris est ainsi le plus grand ennemi de l’autorité, et le rire est pour elle la menace la plus redoutable.
« Pouvoir pour »
C’est un pouvoir allocentré3 : c’est un droit, un pouvoir que donne la personne soum, slave, bottom à une personne Top, Dom ou Maitre/sse pour elle, pour la faire évoluer, pour l’élever, pour la guider dans le temps.
Le « pouvoir pour » correspond à l’aptitude de l’homme à agir de façon concertée. Le « pouvoir pour » n’est jamais une propriété individuelle.
Lorsque les jeux s’approchent, se rapprochent du EdgePlay, voire sont dans le EdgePlay, faire la différence entre le « pouvoir sur » et le « pouvoir pour » , c’est justement ce qui nous permet de garder une totale lucidité et conscience de « ce qui est en train de se passer ou qui va se passer », donc d’assurer une plus grande sécurité et protection pour la personne bottom, soum ou slave.
Lukes a initialement développé sa théorie du pouvoir dans son livre Power: a radical view (1974) et a récemment rediscuté sa théorie dans la seconde édition du livre Power: a radical view second edition (2005). Lukes y fournit une synthèse sur les récents développements des théories du pouvoir.
Cette théorie considère que les gens sont contrôlés par trois types de pouvoir :
- par le pouvoir de décider et d’imposer une décision ;
- par le pouvoir d’éviter certains sujets en les sortant de « l’ordre du jour » ;
- par un pouvoir idéologique. Cette dernière dimension repose sur le pouvoir d’influencer les pensées et les souhaits des gens, sans qu’ils s’en aperçoivent, si bien que les gens finissent par faire des choses opposées à leurs intérêts. Dans cette troisième dimension principalement, le pouvoir n’est plus considéré comme propriété d’une personne mais comme un ensemble idéologique flottant, qui s’accommode plus ou moins avec les intérêts de différents groupes sociaux.
Le « pouvoir de » faire-faire quelque chose à quelqu’un ou quelque chose à quelque chose. Les Tops, Dom ou Maître/sses ont ce « pouvoir de » , mais le « pouvoir pour » permet d’inclure l’intentionnalité dans le « pouvoir » . Le « pouvoir de » autorise le Top, Dom ou Maitre a ne pas s’inclure dans ce qu’il va se passer. Il poussera donc le jeu vers un gaming, alors que le « pouvoir pour » guidera le jeu vers un playing.
Il y a donc une distanciation dans la forme de « pouvoir de » . La distanciation est un principe théâtral lié au départ à la dramaturgie. Ce principe de distanciation, développé dans le paradoxe du comédien de Diderot, s’oppose à celui d’identification illustré par Horace dans son Art poétique où il prête ces mots au spectateur s’adressant à l’acteur: « Si vis me flere dolendum est primum ipsi tibi. » (Si tu veux que je pleure, tu dois d’abord souffrir toi-même). On trouve une position intermédiaire chez la comédienne Marguerite Moreno, citée par Jules Renard dans son Journal (6 décembre 1895 ) : « Un acteur n’est jamais dans la peau de son héros, mais il n’est plus dans la sienne. Quand je joue Monime, je ne pense pas à Monime, mais je ne suis plus Moreno. Je suis métamorphosée en je ne sais quoi de vibrant, de surexcité, d’embêté ».
Les sociologues M. Crozier et E. Freidberg montrent que les situations génératrices de pouvoir sont dues à la maîtrise de domaines d’incertitude dans lesquels les attitudes peuvent être ni prévues ni contrôlées. Le « pouvoir sur » poussera un individu à faire l’autruche, faire l’autruche dans le sens de croire maitriser les domaines d’incertitude dans la plus grande des ignorances. Dans la systémie, Joël de Rosnay parle d’émergence et dans l’émergence il y a l’arrivée de la complexité, repris par E. Morin. Dans une relation BDSM, la personne Top, Dom ou Maitre/sse ont un « pouvoir pour » faire émerger une forme de Gestalt. Pour tendre vers la maitrise de la complexité de cette relation, c’est limiter les risques d’incident, d’accident.
Il y a aussi cette notion de négociation dans une relation BDSM, une négociation est triangulaire : l’autre, le contrat (l’objectif que l’on souhaite atteindre) et moi. Le problème étant que si l’on ne vit notre relation que pour le contrat sans prendre en compte l’autre, il n’y aura certainement plus d’issue possible. Les 3 éléments (l’autre, le contrat (qu’il soit écrit ou tacite) et moi) sont liés par 3 relations (ses propositions, notre relation, mes propositions) :
Le concept du triangle de la négociation permet également de distinguer dans une négociation les aspects de contenu (la matière du contrat à établir) et ceux de processus relationnel (la façon d’obtenir le contrat). L’activité est de l’ordre du contenu (établir le contrat) alors que les cinq autres types de structuration du temps sont de l’ordre du processus. Prendre en compte les processus relationnels permet de mettre une logique à la relation sur les intentions relationnels. On se doit donc en tant que Dom, Maitre ou Top de prendre en compte ces deux composantes : processus et contenu.
Les temps relationnels… Eric Berne avait découvert que la façon existentielle dont deux ou plusieurs personnes gèrent leur économie de signes de reconnaissance consiste à structurer leur temps relationnel. C’est de cette façon que les gens parviennent à être reconnus, selon l’un des six modes privilégiés : l’activité, le passe-temps, le rituel, le retrait, l’intimité et les jeux psychologiques.
Le Top, Maitre ou Dom, se doit de gérer ce temps relationnel. Au fur et à mesure que l’on progresse du retrait vers les jeux psychologiques, les échanges se font plus intenses, plus dangereux aussi. Il devient de plus en plus difficile de passer du « pouvoir pour » au « pouvoir sur » et réciproquement, l’écart allant en grandissant.
De ce constat deux règles pratiques s’en dégagent :
- Se trouver en « pouvoir sur » dans les modes peu impliquant tels que le retrait ou les rituels a des conséquences moins graves que si l’on se trouve dans le bas du « compas », comme pour l’activité ou les jeux ;
- En cas de difficultés relationnelles, en particulier lors des jeux psychologiques, le Top, Dom ou Maître/sse a intérêt à remonter vers des modes de structuration moins impliquant tels que revenir à des activité, lancer une diversion (passe-temps), voir proposer une pause (retrait)…
Il y a aussi une incontournable dépendance.
- La dépendance : accepter sans discuter
- La contre dépendance : refuser, s’opposer
- L’indépendance : tirer son épingle du jeu, sans plus
- L’interdépendance : explorer les synergies
La maturité de la relation se situera au-delà de l’interdépendance, pour que le Dom, Maître/sse ou Top puisse aller vers une maitrise de sa « posture », et amener le bottom, soum ou slave une maitrise de sa « posture » aussi. Chaque passage d’un état à l’autre donne lieu à perte et gain. Nous perdons la sécurité lorsque nous quittons la dépendance, mais nous gagnons l’affirmation de soi. Nous quittons le douteux plaisir de rejeter la faute sur l’autre lorsque nous quittons la contre-dépendance, mais nous gagnons de l’autonomie dans notre posture. Nous quittons le contrôle de notre vie lorsque nous quittons l’indépendance nous gagnons la synergie. Mais au-delà de l’interdépendance, nous savons qu’il y aura toujours un « lendemain possible ».
1. Égocentrisme : Égo (du latin egō → moi ; du radical → centre ; et du suffixe isme → le processus. Donc égocentrisme → le processus de tout centrer sur moi, indépendamment du temps. (retour)
2. Nynégocentrisme : Nyn (du latin nunc) → maintenant ; égo (du latin egō) → moi ; du radical → centre ; et du suffixe isme → le processus . Donc le nynégocentrisme → le processus immédiat, maintenant de centrer sur moi, c’est à l’instant présent. (retour)
3. Allocentrisme : Allo (du grec ancien ἄλλος, allos)→ autre ; du radical → centre ; et du suffixe isme → le processus. Donc allocentrisme → le processus de centrer sur l’autre, sur autrui, indépendamment du temps. (retour)
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