La little
Note 1 : Dans le présent document, les termes employés pour désigner des personnes sont pris au sens générique, ils ont à la fois la valeur d’un féminin et d’un masculin.
Note 2 : Dans cet article, je tente d’expliquer la posture de la little, son lien avec le Daddy dans le RolePlay., dans une relation BDSM, selon mon point de vue et mon expérience.
J’aborde dans cet article les littles dans le contexte de la théorie de l’attachement de Bowlby.
« Little child, Little child, Little child, won’t you dance with me ? » Little Child, The Beatles
Qui sont ces personnes qui se définissent en termes de littles ?
Le terme little vient de la communauté BDSM.
Le DSM-V (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux) ne classe pas les littles comme « anormal », comme une paraphilie.
Le BDSM est une dynamique relationnelle entre un Dominant et un dominé. Little est une parmi toutes les « personnalités » qu’un pratiquant peut prendre.
Les adultes consentants dans cette catégorie se classe parmi les AgePlayers ou AdultBabys dans le monde anglo-saxon pour désigner ceux qui pratiquent la régression, tandis que les termes Big ou Daddy désignent ceux qui la font subir. Le AgePlay, AdultBaby, Big ou Daddy font partis d’une sous-catégorie du BDSM qu’on appelle RolePlay.
Bowlby comprend très vite que la constitution d’un lien d’attachement chez les êtres humains est complexe et se construit progressivement sur plusieurs mois. Si les bébés naissent bien avec une prédisposition innée à s’attacher, c’est par la répétition des moments partagés, des soins prodigués qu’un enfant s’attache à un adulte. Il définit deux indices qui caractérisent une relation d’attachement pour l’enfant : la proximité et la sécurité, et il proteste en cas de séparation.
Bowlby, avec sa théorie de l’attachement, nous démontre que le besoin de sécurité émotionnelle est un besoin vital.
On peut voir le comportement de little comme le comportement du daddy comme une recherche d’attachement selon la théorie de Bowlby. La relation BDSM a pour but aussi de favoriser la proximité entre le Dominant et le dominé. Le BDSM répond donc au besoin de proxémie des protagonistes.
Dans le fait de se définir soumis ou Dominant au sein de la relation, cela engendre un lien fort entre eux deux. La little (soumise) obtiendra un réconfort lui permettant de retrouver un sentiment de sécurité interne face aux éventuels dangers de son environnement.
La personne Dominante sera la figure d’attachement. La little, dans son RolePlay, donne le sentiment de rechercher, de compléter les pièces manquantes du puzzle de son enfance, tandis que le Daddy, dans son RolePlay, compense ses propres besoins paternels, voire maternels aussi.
Dans sa théorie, Bowlby suggère aussi que la personne qui s’occupe de son enfant doit fournir un amour inconditionnel, une sécurité et une sûreté, et proteste en cas de séparation. L’enfant se sentira abandonné, peu sûr de lui et mal aimé, ce qui fait que l’enfant considère la société comme indigne de confiance. Bowlby affirme aussi que ce traumatisme précoce influence les relations futures de l’enfant. Il semblerait que l’expérience d’attachement affecte le cortex préfrontal orbital, qui joue un rôle vital dans le développement de la maturité.
Les personnes qui se situent dans le BDSM comme soumises, et qui ont une forte peur, appréhension de l’abandon iront aisément se réfugier dans la posture de little. Une manière pour elles d’exprimer leur insécurité, leur peur de l’abandon, la recherche d’amour inconditionnel et de confiance.
C’est aussi cette recherche d’amour inconditionnel qui pousse les littles vers la bratitude. Elles tentent par cette attitude de multiples provocations afin de mettre à l’épreuve l’amour inconditionnel et la confiance de la personne Dominante.
Dans une relation d’AgePlay, le doute s’instaure fréquemment sur le but recherché de la little, dans les différentes provocations. La personne qui n’est pas dans le rôle de Daddy peut aisément traduire les comportements et attitudes de la little comme une recherche de destruction du couple, pour se prouver, pour prouver au monde que les liens d’attachement n’existent pas, que ce ne sont là que des illusions.
Bowlby nous dit aussi que la recherche de tissage de liens fait partie de la guérison, de la régression de la déchirure passée et vécue.
Pour Freud, la régression de l’âge était un mécanisme de défense inconscient qui protégeait le moi du stress ou de la colère. De même, Jung pensait que la régression de l’âge avait le potentiel de nourrir l’esprit et le développement ultime. La régression pourrait stimuler les câblages créatifs de l’esprit, ce qui pourrait conduire à la réalisation de soi. Il croyait que cela pourrait aboutir à un niveau de conscience plus élevé qu’auparavant si nous pouvions reconnaître le potentiel.
Les littles apprennent-elles à se reconnecter entièrement avec leur enfance par des expériences BDSM qui se traduisent par des traumatismes d’attachement ?
Rulof a écrit que certaines littles dans l’AgePlay revivent leur enfance, tandis que d’autres la réécrivent, ou dans le cas du Daddy, ils nourrissent leur capacité à s’en soucier.
Pour Winnicott, le jeu est aussi un état d’esprit qui se maintient tout au long de la vie.
Pour Huizinga, jouer est en soi une thérapie, que le jeu est un comportement archaïque hérité. Il a expliqué que la chasse était une sorte de jeu archaïque avant d’être une notion culturelle. Il en déduit que le jeu est un comportement ancien pour chaque individu, que le jeu peut être une liberté, comme il peut aussi être une fuite de la vie.
Une personne little peut sortir de sa recherche de figure d’attachement, comme elle peut sortir de sa bratitude. Il lui faudra déjà comprendre et accepter d’être dans cette recherche-là. Elle devra trouver les causes, devra faire un travail sur elle et c’est à partir de cet instant-là, qu’elle pourra décider de sortir de cette recherche. Elle seule détient les clés de son avenir, de son état.
Le Daddy aura une influence sur son état, mais ne le détermine pas complètement. Chaque relation construite, au fur et à mesure, influencera la relation suivante, et ainsi de suite. Le modèle interne est donc en perpétuelle évolution. En conclusion, le Daddy ne l’aidera jamais à sortir de son état, au contraire, l’enfermera dans une spirale négative, elle sera davantage prisonnière de sa recherche de figure d’attachement.
Avec un Daddy, la little ne trouvera pas ce besoin de sécurité émotionnelle malgré qu’il soit un besoin vital. Au contraire, le Daddy par cette spirale négative, par le jeu, par l’acceptation de sa bratitude ne fera que la maintenir dans une insécurité émotionnelle.
Lorsque la little n’est pasconsciente qu’elle est dans cette recherche d’attachement, la relation avec le Daddy aura de forte chance d’être toxique, et malheureusement aucun des deux protagonistes, la plupart du temps, n’en aura pas conscience.
Source : Bowlby, Brown, Freud, Huizinga, Rulof, Tuna et Winnicott.