La trahison dans le BDSM ou dans les cordes
Note 1 : Dans le présent document, les termes employés pour désigner des personnes sont pris au sens générique; ils ont à la fois valeur d’un féminin et d’un masculin.
Note 2 : Dans cet article, je vais parler de ma vision de la trahison.
Trahison, vient du verbe trahir, du latin “trādere” c’est un dérivé de “dăre” (donner) avec le préfixe “trans” (traverser, aller au-delà, dépasser), C’est donc l’action d’une personne qui trahit.
La trahison interroge les rapports entre les individus. La trahison questionne l’appartenance et le lien entre deux ou plusieurs individus. La rupture qu’implique toute trahison suppose toujours la préexistence d’un lien, d’une connexion dans le BDSM ou dans les cordes.
La trahison existe dès qu’il y a une rupture d’un lien basé sur la confiance et la loyauté, et cela même si les actes mis en cause sont bien relatifs à un contexte, et sont donc susceptibles de varier.
Dans le BDSM ou dans les cordes, la trahison est axée sur une désertion, défection, modification de l’engagement, une rupture physique ou spatiale de l’engagement d’un des deux individus dans la relation BDSM ou de cordes. Dans le BDSM, il y a deux individus : une personne soumise et une personne dominante.
- La soumission est l’acte de se soumettre, c’est donner l’acte décisionnel à la personne dominante choisie.
- La domination est l’acte de dominer, de soumettre, c’est décider pour la personne soumise choisie.
de plus,
- La personne soumise sert la personne dominante.
- La personne dominante sert la relation.
sans oublier que
- La personne soumise doit une dévotion, une obéissance totale, aveugle à la personne dominante.
- La personne dominante en échange de la dévotion, de l’obéissance totale et aveugle doit impérativement sécuriser et protéger la personne soumise.
Il y a donc des devoirs, des obligations et des droits dans une relation BDSM, idem dans les cordes.
Avant que la relation ne prenne consistance, la personne dominante et la personne soumise dialoguent. Ils se mettent d’accord non pas sur la posture, non pas sur les devoirs, obligations et droits de chacun, mais simplement sur le positionnement du “curseur” dans la relation. Ils dialoguent notamment sur les limites des obligations, devoirs et droits dans la relation qu’ils souhaitent vivre, en sachant pertinemment que ce curseur, ces limites ne sont pas figés dans le temps.
Il y a donc rupture de l’engagement lorsque la personne soumise ou que la personne dominante produit une soustraction physique et/ou mentale, un “exit” au sens large si l’on prend la terminologie d’Hirschman. C’est-à-dire lorsque la personne soumise ou que la personne dominante sort des obligations, des devoirs ou des droits définis à l’origine ou dans l’espace de développement généré au cours du temps. La trahison fait que la personne soumise ou dominante ne peut plus réguler les interactions au sein de la relation, et/ou avec l’environnement, car la personne soumise ou dominante est sortie de l’engagement prédéfini. L’espace de développement qui avait été défini par des frontières, frontières qui sont le fruit d’une histoire, d’un passé, des expériences vécues au sein de la relation. Frontières qui permettaient de définir, qui délimitaient la relation. La personne soumise ou dominante est sortie de cette frontière, elle s’est “expratriée”.
La trahison suppose donc une différenciation initiale entre un “N/nous” et un “E/eux” ainsi qu’un “mouvement” de l’intérieur vers l’extérieur (l’acte de trahison). On peut caractériser ce “N/nous” comme étant une forme ou un ensemble de relations qui se constituent, s’autonomisent et se renforcent par différenciation avec l’environnement. Cette différenciation suppose donc l’institution concomitante d’une frontière délimitant l’identité du “N/nous” , son espace de développement, permettant ainsi la régulation des interactions avec l’environnement.
Certainement que c’est cette différenciation avec l’environnement qui produit autant de formes de BDSM qu’il y a de pratiquants.
La rupture suppose une rupture cognitive et/ou intellectuelle sur le mode de l’avant/après. Cette cognition et/ou cette intellectualisation de la relation produit, produisent elles aussi autant de formes de BDSM que de pratiquants.
Ainsi, à partir du moment où la relation, ce “N/nous” est formé et institué, c’est-à-dire dès qu’il acquiert une certaine consistance, un certain nombre d’expériences (pratiques, représentations, routines, actions…) ne peuvent être partagées légitimement avec un tiers extérieur par la personne soumise ou dominante sans violer du même coup les frontières symboliques de la relation, du “N/nous” .
La confiance et la loyauté se comprennent dans la relation BDSM non comme des propriétés de la relation mais comme des processus : non seulement ils conditionnent l’émergence et la conservation du “N/nous” (il faut bien faire confiance pour s’engager dans une relation, et, sans un minimum de loyauté, la relation ne “tient” pas), mais sont aussi des normes prescrites par le “N/nous” . Ainsi, sincérité, dévouement, fidélité, confiance… ne sont pas seulement attendus, voire “exigés” mutuellement par les membres de l’ensemble : ils sont également vécus, c’est-à-dire alimentés et renforcés par des pratiques et une histoire communes. La norme quant à la pratique du lien est donc sans cesse expérimentée, retravaillée et donc réaffirmée par les acteurs qui en sont partie prenante.
Petitat (1998) a dit que la trahison implique une relation triangulaire entre deux amis et un “étranger” . L’un des deux dans la relation, dans le “N/nous” , rompt la relation et s’en va pactiser avec l’étranger. Il trahit.
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