La culpabilité dans le BDSM ou dans les cordes
Note 1 : Dans le présent document, les termes employés pour désigner des personnes sont pris au sens générique, ils ont à la fois la valeur d’un féminin et d’un masculin.
Note 2 : Dans cet article, je vais essayer de vous parler de la culpabilité dans le BDSM ou dans les cordes selon mon point de vue.
La culpabilité, pourquoi se sentir coupable ? Est-ce utile de se sentir coupable, dans une relation, dans une scène, dans une corde, lorsqu’on est soumis, Dominant ?
C’est pourtant fort désagréable de se sentir coupable, mais ce sentiment nous permet justement de distinguer le bien du mal, et il nous permet de vivre en société.
Qu’on en soit conscient ou pas, qu’on le veuille ou pas, le BDSM, les cordes et le savoir s’élaborent en relation avec un autre.
Nous instruisant dans le BDSM ou dans les cordes, nous sommes souvent étonnés par notre goût, notre attirance pour ces pratiques alternatives. Mais qui que nous sommes, le fait de se rencontrer virtuellement ou réellement, nous permet de trouver des choses agréables et intéressantes à nous dire, car nous éprouvons l’impression de nous comprendre à demi-mot. Et pourtant nous n’avons quasiment jamais pratiqué ensemble.
Cet amical sentiment d’appartenance à un collectif qui reste malheureusement peu défini, vient de ce que nous sommes certains de partager des expériences similaires ou comparables. Forcément, pensons-nous naïvement, puisque nous avons à parler d’une même réalité BDSM ou de cordes. Nous nous lisons, nous nous écoutons, nous nous regardons les uns les autres, nous avons des interlocuteurs communs et nous nous référons à des lectures sur lesquelles nous imaginons, quelques mots suffisent à nous le laisser croire, porter des vues proches. Nos pratiques, également, se ressemblent. Le paradoxe, qui demeure impressionnant, est que les réalités BDSM ou de cordes sont ou devraient être les mêmes et pourtant fréquemment nous avons le sentiment de ne pas appartenir au même monde, ou de ne pas pratiquer la même chose.
On pourrait se plaire à pouvoir lire dans les rencontres virtuelles ou réelles, un processus de formation d’un savoir universel sur le BDSM ou sur les cordes.
Pratiquer du BDSM ou des cordes, cela éveille-t-il le sentiment du péché, le sentiment de la honte, le sentiment de culpabilité ? Sont-ils liés, reliés à une société, une humanité judéo-chrétienne ? Sont-ils liés, ou reliés aux pays, sociétés développées ? Est-ce les jugements de valeur de notre entourage, de notre environnement, de nos amis, familles qui nous donnent ces sentiments de honte, du péché, de culpabilité ?
Si l’on attend des autres qu’ils théorisent, on soupçonne aussi leurs idées, parfois à juste titre, de dissimuler des jugements de valeur négatifs, tout à la fois irrecevables et fascinants.
Pourrait-on penser ainsi que les autres au gré des circonstances, pourraient servir de faire-valoir ou bien de repoussoir ? Ceux qui espèrent une appréciation positive restent-ils sagement cantonnés dans l’enrichissement de leurs théories établies de longue date ? L’inventivité, les remises en cause feraient-elles à leurs yeux l’objet d’une surinterprétation péjorative, vulgaire, qui confirmerait l’inaccessibilité de la réalité, de la pratique pour certains ? Les théories qui nous sont étrangères doivent-elles, pour demeurer valides, rester lointaines ou très abstraites ? L’inaccessibilité de la réalité, de la pratique, pour certains, serait-elle à la source de malentendus constants ?
Est-ce une preuve pour certains d’avoir des soupçons ? Il y a toujours des soupçons sur des personnes qui sont dans les actions ou dans les actes, comme il y a aussi toujours des soupçons sur les personnes qui pratiquent du BDSM ou des cordes. Mais ces soupçons sont-ils moraux, symboliques ou factuels ? On retrouve toujours le même problème, quand on est soumis aux institutions de l’assistance, de la méconnaissance, de l’inculture, du virtuel, il y a toujours des effets et des conséquences néfastes sur les choses que je ne connais pas, ou que je ne pratique pas réellement, forcément si je ne fais pas, ou si je ne connais pas, c’est que c’est immoral ou dangereux !
La culpabilité est une expérience émotionnelle désagréable, relativement fréquente, qui fait intervenir une autoévaluation de nos actes. Pour l’éprouver, nous devons avoir la sensation d’avoir transgressé une norme morale. Et cette transgression doit être de nature à avoir causé du tort à autrui. Pour ces raisons, la culpabilité est parfois qualifiée d’émotion morale, autoconsciente, mais aussi d’émotion sociale, puisqu’elle exige une forme de confrontation avec autrui et l’environnement extérieur. Le sentiment de culpabilité a t-elle une utilité sociale ? Les émotions morales auraient notamment pour fonction de guider nos comportements vers l’intérêt collectif, au détriment de l’intérêt individuel.
Pourquoi nous donne-t-elle toujours ce même besoin, ce même désir, celui de vouloir réparer une faute ? Loin de n’être qu’une scorie mentale à éliminer à tout prix, la culpabilité nous sert d’alerte quand une personne a subi un dommage et qu’un comportement doit être effectué pour rétablir la situation. La capacité d’éprouver ce type d’émotions n’est pas innée et passe par un apprentissage dans la petite enfance. De sorte que certaines personnes sont ensuite davantage susceptibles que d’autres de ressentir la culpabilité.
“À l’inverse des émotions qualifiées de primaires, comme la peur, la colère, la tristesse ou la joie, ressenties très tôt dans le développement de l’enfant, les émotions autoconscientes, comme la honte et la culpabilité, apparaissent plus tardivement, en général autour de l’âge de 3 ans.” Aurélien Graton
“Pour éprouver de la culpabilité, une personne doit tout d’abord être capable de bien évaluer son propre comportement comme étant la cause du tort, et d’avoir connaissance des normes morales susceptibles d’être violées. Celles-ci nous viennent de notre famille, des institutions scolaires et plus largement de la société dans laquelle nous vivons. De plus, dans la petite enfance, la culpabilité n’est pas encore identifiée comme une émotion à part entière et tend à se confondre avec la honte. Et ce qui les différencie en premier lieu, ce sont les actes qui en découlent : alors que la culpabilité s’accompagne d’un désir de réparer la faute commise, de restaurer une relation abîmée, la honte donne plutôt envie de fuir et de se cacher.” Aurélien Graton
La culpabilité est donc tournée sur autrui, alors que la honte est plus délétère et plus centrée sur soi. On retrouve beaucoup ce sentiment de culpabilité dans dans les pays occidentaux et individualistes, dans les pays catholiques, car le recours à la culpabilité s’inscrit dans un contexte culturel. Dans une culture plus collective, leur cohésion sociale se structure autour de la honte. Cet aspect est très important notamment dans les cordes, les cordes dans le shibari, le kinbaku, l’aibunawa, la semenawa… prennent racines sur une culture collective, on retrouve bien dans leur corde cette recherche de la honte. C’est cet aspect-là, qui bien souvent génère une énorme barrière dans la compréhension des cordes, pour les personnes qui n’ont pas compris ces différences culturelles. Le recours à la culpabilité est un moteur de l’altruisme dans des religions comme le catholicisme, qui mettent particulièrement l’accent sur les notions de péché et de confession.
Une personne qui a peur cherchera à fuir, quand d’autres deviendraient coléreux, voire agressive, une personne qui se sent coupable cherchera à réparer son erreur ou sa faute. La soumission n’est pas à mon sens une bonne manière pour réparer son erreur ou sa faute ! Mais la domination ne l’est pas plus !
La meilleure manière à mon sens, est déjà de rétablir le lien avec la personne que l’on pense lésée, mais fréquemment en prenant du recul, on prend conscience que la plupart du temps, la personne qui cherche à réparer son erreur ou sa faute, est en réalité dans un triangle dramatique, la personne lésée, c’est elle !!! La culpabilité renforce le sentiment de responsabilité personnelle envers autrui : en allemand, le même mot, Schuld, désigne ainsi tout à la fois la dette et la culpabilité. Normalement la culpabilité a un impact sur les actions futures en diminuant le risque de récidive du comportement fautif. Pour les psychologues, la culpabilité représente un puissant exhausteur d’altruisme en augmentant notre tendance à réaliser de bonnes actions ultérieurement.
On retrouve toujours ce même principe dans la culpabilité : la personne qui se sent coupable cherche à faire diminuer son ressenti émotionnel négatif, en se donnant “bonne conscience”, C’est ainsi que la porte s’ouvre en grand sur le triangle dramatique : le coupable devient la victime et la victime devient le coupable ! Car pour certains la culpabilité est si désagréable à ressentir que la seule perspective de devoir y faire face conduirait à éviter toute conscience de cette culpabilité, et si la victime reste présente dans sa vie, alors le coupable fera un transfert sur la victime, le triangle dramatique est bien mis en place ! La “réactance” entretiendra ce triangle dramatique (privé de liberté ou trop contraint, le coupable cherche à retrouver une marge de manœuvre, quitte à agir à l’opposé de ce qu’il devrait faire. La réactance agit donc comme un mécanisme de défense lorsqu’une personne perçoit une menace trop forte à sa liberté d’action. c’est un processus que connaissent bien certains fumeurs qui ont envie d’allumer une cigarette dès qu’on leur conseille d’arrêter…)
Quant aux personnes victimes de ce triangle dramatique, souvent elle n’arrive pas à remettre les choses dans le bon ordre, et à voir qu’en réalité, ce sont-elles les victimes, du coup elles sont incapables de “réparer” leurs fautes ou erreurs, elles vont s’infliger des punitions autant psychologiques que physiques ! Ce phénomène est appelé “effet Dobby” (Guilt, Depression & The Dobby Effect, Part I et The Dobby Effect Part II: Analyzing Dobby) par les psychologues. Ces victimes se retrouvent dans une situation ou la difficulté majeure vient du fait que si le ressenti émotionnel est, quant à lui, bien présent, la réparation directe, est, quant à elle, impossible.
Voilà pourquoi pour ma part je refuse de faire du BDSM ou des cordes thérapeutiques ! Je refuse que ces personnes, qui se “sentent coupables” (alors qu’en réalité ce sont des victimes !), se mettent dans une posture soumise, et viennent chercher par un faux masochisme : des autopunitions ! Pour ma part le masochisme doit être pleinement et consciemment consenti, ce n’est pas un moyen de s’auto-punir ! Ceux qui me connaissent, m’entendent souvent dire : pour faire du BDSM ou des cordes, il faut un esprit sain dans un corps sain !
Existe-t-il, avez-vous connu des comportements punitifs de type « effet Dobby » chez les personnes dominantes ? Chez les switchs ?
Et vous… ?
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