Erreur, faute et échec dans le BDSM ou dans les cordes
Note 1 : Dans le présent document, les termes employés pour désigner des personnes sont pris au sens générique, ils ont à la fois la valeur d’un féminin et d’un masculin.
Note 2 : Dans cet article, je vais essayer de vous parler de l’erreur, de la faute et de l’échec dans le BDSM ou dans les cordes selon mon point de vue.
L’échec est au succès ce que le succès est à l’échec, c’est à dire pour reprendre les dire de Pierre Corneille “A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire”.
Tout le monde, au cours de son existence connaît des échecs, c’est inévitable. Sans les chercher, les échecs et les erreurs font partis de notre environnement, de notre existence.
Il est important de ne pas porter un regard accusateur, de ne pas porter de jugement, de ne pas railler autrui.
Einstein disait : “une infinité de succès ne suffiront jamais à prouver que j’ai raison, tandis qu’un seul échec peut prouver que j’ai tort”. L’échec quand il instruit son auteur, quand il est exploité et dépassé, se révèle souvent extraordinairement utile, il est constructif, il est au coeur même de la construction du progrès.
S’enfermer dans une attitude de déni ou de refus d’envisager l’idée d’un échec ou d’une erreur ne sera jamais une attitude constructive ou aidante.
C’est l’échec qui portera l’individu vers l’expérience. Cicéron disait : “C’est le propre de l’Homme de se tromper, seul l’insensé persiste dans son erreur.”
Le problème dans le BDSM ou dans les cordes, c’est que si apprendre, c’est rectifier ses erreurs (et donc pouvoir en faire), répondre aux attentes de notre soumise ou future soumise c’est ne pas faire d’erreur. On se retrouve dans une situation anxiogène et paradoxale. L’apprentissage progresse pourtant par enchaînement d’erreurs et d’essais et ce sont ces erreurs qui sont formatrice pour devenir une personne expérimentée !
le souci souvent vient des égo, des orgueils et des prétentions mal placés, combien de personnes dominantes sur les réseaux sociaux ou dans le monde réel se targuent d’avoir des années d’expérience ? Du fait qu’être un grand Maître, être un grand acteur dans le BDSM ou dans les cordes, c’est ne pas faire d’erreur, ils se ferment la porte à une évolution de leur BDSM, de leurs cordes, de leurs pratiques par un orgueil mal placé. Ils préfèrent paraître que progresser. La “compétition”, la “concurrence”, la performance l’emportent très systématiquement sur tout autre considération. Ils en arrivent à confondre la sécurité avec l’intelligence.
Dans le BDSM ou dans les cordes, en tant que Grand Maître, l’erreur étant accompagnée d’une empreinte morale, d’une démystification du Grand Maître que je suis, l’erreur est donc perçue négativement.
Quelle différence faire entre l’erreur, la faute et l’échec ?
Erreur
Il vient du latin error qui désigne le fait de se tromper, de commettre une maladresse, mais peut aussi renvoyer à un état (être dans l’erreur). Etymologiquement aussi, dans l’erreur on a la notion d’errance (errer).
Faute
Elle vient du latin fallita un dérivé du verbe fallere : c’est le fait de manquer à une règle, qu’elle soit morale ou technique (faute d’orthographe). Il y a aussi le concept de défaut, de manque (manque d’argent).
Echec
Il vient du persan shah, donc du jeu d’échec. Le terme renvoie au concept d’insuccès, de manque de réussite.
Ces trois termes : erreur, faute et échec se comprennent uniquement par rapport à leur revers :
- L’échec renvoie au succès escompté d’une action ;
- L’erreur à la vérité ;
- La faute à un code moral ou éthique.
L’erreur est liée à la compétence, la faute est liée à la performance.
Nous sommes responsables de nos fautes en ce que nous sommes censés connaître les règles, la faute est donc volontaire, que l’erreur est involontaire.
Ego mal placé = illusion de compétence
Le souci avec l’erreur dans le BDSM ou dans les cordes est un révélateur, et en ce sens il perturbe autant l’image que veut se donner la personne, une image de compétence, qui n’est autre qu’une illusion de compétence dans ce cas, mais aussi ses connaissances, capacités et compétences.
Pourtant l’erreur un indice important comme témoin pour repérer les difficultés, là où l’accent doit être mis pour évoluer. L’erreur génère la progression car sans elle, la personne dans le BDSM ou les cordes peut reproduire inlassablement sa motricité habituelle.
Si la personne n’a pas de moyen pour dépasser l’erreur, elle peut mener à l’échec, c’est à dire à l’incident ou à l’accident. L’erreur dans ce cas provoquera le découragement et alterera la confiance en soi et en l’autre.
L’erreur dans la communauté BDSM française, est fortement liée à la société française. Dans cette culture française, ne pas atteindre un objectif est considéré comme un échec. L’individu a le sentiment de perdre de la valeur, la personne dominante ou soumise, l’encordeur ou l’encordée aura l’impression de perdre ou de n’avoir aucune valeur.
L’échec ou l’erreur nous met face à nous-même, face à nos propres limites, cela touche donc l’estime de soi. Afin de garder son estime de soi, bien des personnes dans le BDSM ou dans les cordes préfèrent l’illusion de compétence à la remise en question.
L’erreur pour la personne soumise, pour la personne dominante, pour l’encordeur, ou l’encordée permet d’établir un diagnostic, c’est-à-dire qu’il assure une forme de visibilité de l’écart à l’objectif que la personne souhaite atteindre et permet l’identification de la difficulté qu’il a.
L’erreur se retrouve être dans le cas de l’apprentissage d’une pratique ou d’une corde, un indicateur de processus :
- Pour l’encordeur ou la personne dominante un appel à modifier ses conduites motrices et/ou sa connexion ;
- Pour la personne soumise ou encordée, un appel à modifier sa posture de conduites (attitude et/ou comportement).
La prise de conscience de l’erreur va permettre aussi de sortir de ses représentations préalables. L’erreur permet de provoquer une première fissuration du système explicatif préalable bien ancré en la personne. Si l’on a l’impression de réussir alors qu’on est dans l’erreur, l’erreur sera reconduite.
Il est impossible d’apprendre à apprendre sans faire des erreurs, car c’est dans la confrontation à l’erreur que la personne construit des méthodes d’apprentissage plus efficaces. L’erreur est un retour réfléchi sur son action, et à l’élaboration de nouveaux moyens à mettre en oeuvre.
L’erreur concerne ce que l’on fait et non ce que l’on est
Le problème dans le BDSM ou dans les cordes avec des personnes qui se sont emmurées dans une image d’eux qui ne représente pas la réalité, c’est qu’ils ne peuvent plus accepter l’erreur. Ils prennent leurs erreurs comme des fautes, et ce justement à cause de la fausse image qu’ils ont véhiculé d’eux-mêmes. Lorsque nous sommes en pleine conscience de nous-même, alors on devient capable de faire la différence entre l’action, l’acte et ce que l’on est, car l’erreur concerne ce que l’on fait et non ce que l’on est !
L’interprétation de l’erreur, passer de sa mesure à sa nature, conditionne la capacité de l’individu à capitaliser ses expériences, c’est à dire à tirer des leçons de ce qui a été fait. Edgar Morin disait : “sans instruction pour capitaliser son expérience, on est condamné à la reproduire”
L’erreur est féconde si l’on dispose potentiellement des moyens pour la dépasser, et accéder à la réussite.
Le problème de la perspective socio-constructiviste
Dans une perspective socio-constructiviste, c’est surtout la confrontation avec les autres qui permet de surmonter ses erreurs, et c’est bien là que réside le frein pour beaucoup de personne dans le monde BDSM ou des cordes.
L’interaction sociale permet de prendre conscience de ses erreurs et de repérer les moyens susceptibles de les surmonter.
Profiter des erreurs et des réussites vécues par les autres ainsi que des débats collectifs (munchs ou autres) sont aussi des sources d’apprentissages très importantes. Pour cela, il faut que dans le BDSM ou dans les cordes, que les individus soient capables d’enlever toute connotation morale à l’erreur, pour éviter d’en faire une faute !
La perception de l’erreur permet bien de sortir de la contradiction de la répétition de l’erreur. La répétition peut donc sortir d’une stérile reproduction des actions, et déboucher sur une progression.
L’échec
Tout comme l’échec, il faut s’en convaincre, lorsqu’il instruit son auteur, quand il est exploité, il peut se révéler extrêmement utile. Gaston Bachelard disait : “Le progrès scientifique n’est qu’une suite d’erreurs rectifiées.”
L’échec invalide une orientation, là ou une succession de réussite ne suffit pas à la valider. Une série de succès conduit généralement à ne plus se poser de question, à ne plus se remettre en question, ce qui conduit à l’arrogance.
La vertu peut être corrective de l’échec, tout comme elle peut être dormitive du succès !
Le succès peut conduire des moments à une illusion de réussite, de toute puissance, donc à un relâchement de l’attention, de l’éveil, ce qui peut aisément conduire à l’incident ou l’accident.
A la différence de l’échec, le succès n’apprend pas grand chose.
Conclusion
Il est temps dans la communauté BDSM, dans les cordes de cesser de parler d’échec ou d’erreur, de les remplacer par les termes essais et tentatives.
La nature humaine, tout comme les personnes dominantes ou soumises, les encordeurs ou encordées n’étant pas parfaits, le propre de l’Homme est de commettre des erreurs car il n’est pas omniscient, mais cela ne doit pas excuser la négligence !
Nous sommes perfectibles, par contre, celui qui s’entête dans ses erreurs, sans essayer de se corriger est par contre inexcusable ! La faute morale étant de ne pas apprendre de ses erreurs.
Si l’on doit retenir une chose, c’est que l’erreur ou l’échec est une information et non une faute ! Lorsque l’on cherche des solutions, on devient plus efficace que lorsqu’on cherche des raisons à l’échec.