Le désir dans le BDSM ou dans les cordes
Note 1 : Dans le présent document, les termes employés pour désigner des personnes sont pris au sens générique, ils ont à la fois la valeur d’un féminin et d’un masculin.
Note 2 : Dans cet article, je vais essayer de vous parler du désir dans le BDSM ou dans les cordes selon mon point de vue.
Un nouvel article qui parle du désir dans le BDSM ou dans les cordes https://nawajutsu.fr/desir/
Le désir se présente dans toutes ses formes allant de l’insatiabilité irrémédiable du corps jusqu’à la dimension fantasmagorique de Superman. Le désir a des ailes, car il propulse la vie psychique de l’être humain.
Voilà ce que nous dit le dictionnaire : “Désirer provient du mot latin desirare qui signifie littéralement “cesser de contempler l’étoile, l’astre”, d’où moralement constater l’absence de, avec une forte idée de regret. Mais l’idée première “regretter l’absence” a tendu à s’effacer derrière l’idée positive et prospective de “chercher à obtenir, souhaiter”, déjà usuelle en latin et qui correspond au sémantique astral (demander la lune etc.) C’est ce sens qui est passé en français spécialisé pour aspirer aux faveurs d’une femme, dans un contexte galant, ce type de contexte étant plus nettement différencié pour désir”. Donc sur son chemin, alors qu’il se voyait atteindre les étoiles, il rencontre obstacles, douleurs, frustrations ; il rencontre la sexualité.
Le désir est une donnée essentielle, universelle et singulière, qui confronte tout individu à la part insondable de son être. En tout état de cause, le désir reste un précipité énigmatique qui se dialectise avec le plaisir, le manque, le besoin, l’interdit et l’idéal, sans jamais s’y dissoudre. Son armature et sa nature foncièrement déroutantes impliquent un mouvement de vie, une mise en jeu perpétuelle, une promesse…
Apparté : Le désir paraphilique de certains BDSMistes
Parler du désir, c’est donc exposer les fondements de l’être. C’est à partir de ce fond énigmatique que l’on peut interroger le désir d’être chez des BDSMistes pour lesquels la pâleur de la vie, exposée sans aucun relief, ne peut se construire que dans de forts mouvements entraînant des passages à l’acte variés auto ou hétéro-agressifs.
Pour certain BDSMiste, le perçu, “l’à-voir pour de vrai”, que ce soit pour une personne Dominante ou une personne soumise , consiste à consommer l’objet comme on se consolerait par anticipation du désespoir qu’occasionnerait la perte irrémédiable de tout désir. De la position dépressive non assumée, ils passent aisément dans les registres des aménagements état limites, pervers ou narcissiques qui ont en commun de se garantir contre la séparation, l’altération voire la mort de l’objet. Chez ces BDSMistes, la logique de l’espoir se substitue à l’instauration du désir qui s’est jadis inscrit comme une pièce tragique indicible et effrayante, la jouissance se présentant comme le seul gain narcissique compensatoire et légitime. Dans ce contexte, le désir s’apparente à une lutte serrée, parfois fatale, qui oppose Éros à Thanatos. Pour ces BDSMistes la quête de l’émoi le plus singulier, le plus secret, reste la seule possibilité d’un plaisir liminaire égalable à la recherche du bonheur. L’émotion devient un facteur d’accomplissement, une condition d’émergence de l’être, l’élément le plus basal de la volonté et du besoin d’être.
Pour ces BDSMistes, leur BDSM s’apparente à des paraphilies.
Pour les BDSMistes dits “normaux”
Qui décide ? Le BDSMiste (Dominant ou soumise) ou le désir ? En effet, autant le BDSMiste est lié dans son désir à l’Autre, autant il essayera sans cesse de s’en dégager. Le désir est désir de l’Autre, mais aussi désir d’échapper à ce désir. Et c’est dans ce paradoxe, que le BDSMiste pourra décider de son désir, dans l’écart entre sa position Dominante ou soumise et la contingence de sa décision. C’est bien en effet le désir inconscient qui guide le BDSMiste, qui décide pour lui, en même temps que la personne Dominante ou soumise se met à désirer à partir de ce qui l’anime à son insu.
Dans le BDSM, comment pouvoir décider de quelque chose qui nous échappe, ou pour le dire autrement, comment assumer ce qui nous oriente à notre insu ? Comment passer d’un BDSMiste aux prises avec ses symptômes et la compulsion de répétition, à un BSMiste qui puisse décider de son désir ?
Paradoxe ou mise en opposition entre deux pôles, le désir se dessine dans la tension entre ses contraires, il ne peut s’appréhender que dans une bipolarité qui seule permet de le circonscrire.
Ainsi le désir chez Lacan est à la fois dépossession de l’Être et réduction de l’Autre, il est à la fois défense et transgression. Il n’a pas d’objet, mais entretient un rapport avec celui-ci via la pulsion. Il est fini et infini. Fini, car il résiste sur le même point de fixation, sur ce qui le cause, infini, car le manque ne sera jamais comblé et le désir insistera sans cesse. Mais le désir ne peut s’appréhender sans la répétition. Le désir ne peut se penser sans son articulation à la jouissance, ce que Freud nommait “l’au-delà du principe de plaisir” . C’est un des apports majeurs de Lacan.
On peut penser le désir dans son rapport à la castration, au manque, au “désêtre”, comme le nomme Lacan, c’est-à-dire en quelque sorte à la limite. Le désir peut être inséré entre besoin et demande, celui qui persiste malgré toute satisfaction, nous amenant à penser le désir comme relancé sans cesse par l’alternance satisfaction/insatisfaction et non par la nostalgie d’une première satisfaction. Selon Lacan, le désir est pervers et perverti. Il est pervers en cela qu’il est désir de jouissance, il est pourtant perverti par le langage. On peut aussi penser le désir dans son articulation au manque, à la béance. Le désir est en effet à la fois celui qui fait oublier la béance initiale et constitutive du BDSMiste et en même temps il la découvre.
Quand est-il de la la question de la castration et sa dialectique délicate de l’être ou de l’avoir (le phallus) pour cheminer vers l’objet cause du désir, objet a tout aussi paradigmatique de l’apport de Lacan et ont la même origine, mais là où la pulsion tourne indéfiniment autour d’un objet qui ne l’apaise jamais, le désir en ce qu’il est lié à la castration est fini et renonce à une jouissance totale. C’est enfin la question du désir de son propre corps, c’est-à-dire celle du narcissisme : le trajet qui propulse dans le meilleur des cas du moi idéal (narcissisme primaire) qui tire la personne Dominante ou soumise en arrière (son aliénation à l’Autre) à l’idéal du moi (narcissisme secondaire) qui le projette en avant.
Si l’on regarde l’articulation du désir avec la jouissance, on pourrait dire que la personne Dominante ou soumise est un BDSMiste tiraillé, tendu tout au long de son existence BDSM, entre désir et jouissance. Le désir et la pulsion de mort sont indissociables, agissent en même temps selon Freud. Le désir est toujours associé à une volonté de destruction. La personne Dominante ou soumise souffre et pourtant jouit de sa souffrance, même si la jouissance est différente entre une personne Dominante et une personne soumise. La jouissance est aussi depuis Lacan “J’ouïs-sens”, marquant ainsi combien le langage est le point d’arrimage du désir. Elle nous amène aussi à penser combien le désir vise la jouissance tout en l’empêchant. Le désir “pur”, celui qui se confondrait avec la jouissance, ne pouvant être qu’incestueux et meurtrier. Pour certains chercheurs, la jouissance sexuelle demande la destruction du moi, que la simulation n’est pas la frigidité et que le partenaire en tant que petit autre permet aussi au sujet dans la jouissance de s’affranchir de l’Autre et non pas seulement d’être convoqué comme ersatz des fantômes de la scène œdipienne. Plus le BDSMiste se perd dans l’autre et plus son corps ex-siste. Il ex-siste en-corps (ex-siste : selon Lacan, distinction entre être là et exister c’est-à-dire être hors : ex-sister. Lacan écrit ex-sistence pour en faire valoir le fondement topologique (topologie : étude d’un lieu) ; en-corps : encore ! en-corps, le mystère du corps parlant : le hors sens de l’en-corps, mais tente de le com-prendre (com : avec) pour de vrai avec l’Autre.)
Comment penser le double mouvement qui d’une part amène un BDSMiste à être dirigé/décidé par son désir inconscient (c’est l’expérience ordinaire de la souffrance/jouissance procurée par le symptôme/compromis), mais qui pourra tout aussi bien à la fin d’une analyse l’amener à décider son désir ? C’est bien sûr alors toute la dimension de “traversée du fantasme” qui se dégage, à entendre non pas comme dépassement ou transgression, mais comme possibilité pour un BDSMiste de s’ouvrir aux trouvailles de la logique de son désir inconscient. Il ne s’agit pas de rendre conscientes les pensées inconscientes, mais de s’ouvrir au désir comme acte du BDSMiste, acte de décision du désir, désir comme invitation à la jouissance nouée à son impossibilité, à savoir la castration.
Conclusion
N’oublions pas que sans désir, pas de motivation, sans motivation pas de projet, de perspectives à court ou moyen terme et, dit-on, au bout du compte pas de sens choisi à l’existence ! Le désir est en quelque sorte l’amorce de la mise en mouvement du BDSMiste, de la prise de conscience de lui-même et de son individualité parmi les autres, de sa capacité créatrice. Plaisir et déplaisir mêlés se trouvent réunis ; le désir est alors comme une tension, “un déplaisir plein de plaisir”, une tension comme une recherche inaccessible.
Source : Danielle Bastien, Dominique Besnard, Silvia Lippi, Magali Ravit.
2 thoughts on “Le désir dans le BDSM ou dans les cordes”
je me rends compte grâce à cet article que j’ai beaucoup d’étoiles, ce n’est peut-être pas bon car je risque de ne pas trouver le bon cap qui m’amènera au but du plaisir, en tout cas, merci pour cet article très explicite sur la manière de diriger son désir pour atteindre son déplaisir menant au plaisir !
Merci