Attitude et comportement dans et vis-à-vis du BDSM et des cordes
Note 1 : Dans le présent document, les termes employés pour désigner des personnes sont pris au sens générique; ils ont à la fois valeur d’un féminin et d’un masculin.
Note 2 : Dans cet article, je vais parler de ma vision des attitudes et comportements dans et vis-à-vis du BDSM et des cordes et du changement que cela demande et/ou apporte.
À première vue, attitude et comportement n’ont aucune différence et désigne, en psychologie, une seule et même chose : l’état d’esprit qui caractérise la réaction d’une personne face à une situation ou une interaction interpersonnel. Et quand on dit « je n’aime pas ce comportement » ou encore « il n’a pas la bonne attitude », on se réfère à cette réaction inappropriée face à un événement, en général une difficulté. Mais ce serait réduire le sens de ces termes : il existe bien une différence entre attitude et comportement.
Définir l’attitude n’est pas simple car cette variable explicative du comportement fait appel à des croyances, des sentiments et des prédispositions qui diffèrent d’un individu à l’autre. Mais une chose est certaine : l’attitude va souvent influencer nos choix et guider nos comportements.
“Notre attitude envers les autres, détermine leurs attitudes envers nous.” Earl Nightingale
“L’attitude est le pinceau de l’esprit. Elle colore toutes les situations.” Alexander Lockhart
“La connaissance des êtres, l’étude de leur comportement est le commencement de la sagesse.” Madeleine Ferron
“Un comportement allant à l’encontre des us et coutumes est accepté quand il est dicté par la sincérité et la bonté.” Zhang Xianliang
L’attitude
Le concept d’attitude restera l’un des grands concepts de la psychologie sociale américaine. Thomas et Znaniécki (1910, 1920) définissaient la psychologie sociale comme l’étude scientifique des attitudes.
La notion d’attitude est apparue d’abord en psychologie générale pour “expliquer les variations de réponse d’un sujet à un même stimulus lorsque l’attention de sa perception est attirée sur tel ou tel aspect” . (Mathieu et Thomas, 1995, p.393). Le concept a été repris en 1918 par des psychologues Thomas et Znaniécki, pour comprendre le phénomène d’intériorisation d’une culture par les membres d’une société. Pour ces auteurs, “les conduites ne peuvent s’expliquer seulement en terme de besoins mais en référence aux objets et aux valeurs qui spécifient ces besoins” (Thomas et Znaniécki (1910, 1920), cités par Maisonneuve, 1982, p.109). Ils relient donc valeurs sociales et attitudes psychologiques et décrivent l’attitude comme “un état d’esprit envers une valeur” (Thomas et Znaniécki (1910, 1920), cités pas Thomas et Alaphilippe, 1993, p.8). Dès lors, les travaux sur les attitudes vont prendre une place primordiale au sein de la psychologie.
En 1935, Allport note que “c’est le concept le plus indispensable de la psychologie sociale contemporaine” (p.109). La mise au point d’échelle de mesure des attitudes a été un facteur important de développement de ce concept.
La conception la plus ancienne considère que toute attitude comporte trois composantes : cognitive, affective et conative (comportementale) :
- La composante cognitive comprend les opinions du sujet sur l’objet d’attitude, les associations d’idées que cet objet provoque, le rapport que le sujet perçoit entre l’objet et ses valeurs personnelles ;
- La composante affective comprend les affects, les sentiments, les états d’humeurs que l’objet suscite ;
- La composante conative (comportementale) consiste en une disposition à agir de façon favorable ou défavorable vis-à-vis de l’objet.
Une autre conception consiste à définir l’attitude par sa composante évaluative (Eagly et Fishbein, 1993). En ce sens, l’attitude est seulement une disposition globalement favorable ou défavorable envers un objet. Les questions se portent sur la structure interne de l’attitude, portent dès lors sur les relations entre attitudes et croyances, et entre attitudes et comportement. L’attitude serait, d’après ce modèle, une conséquence des croyances du sujet.
En psychologie sociale, le concept d’attitude renferme une signification très précise qui en fait le concept central, et un des instruments essentiels du psychosociologue. L’attitude est donc directionnelle et sous-tend une intention d’une personne face à une autre personne ou à un objet ou, plus couramment, comme un sentiment positif ou négatif vis-à-vis d’un objet extérieur. Elle est aussi un affect associé à la représentation cognitive d’un objet ou, plus couramment comme un sentiment positif ou négatif vis-à-vis d’un objet ou d’une classe d’objets. L’attitude est perçue comme un état interne résultant de l’apprentissage ; persistante, elle exerce une influence directrice et dynamique sur la conduite.
Les composantes des attitudes face au BDSM ou aux cordes
- La composante cognitive, c’est-à-dire une connaissance, une croyance quelconque concernant le BDSM ou les cordes. Les idées, connaissances, croyances sur le BDSM ou les cordes peuvent posséder plusieurs caractéristiques :
- Elles peuvent être vraies ou fausses : cette caractéristique a beaucoup d’influence sur nos attitudes, car les croyances par exemple déclenchent un processus cognitif qui intègre cette information dans le schème cognitif et permet aux individus d’avoir des comportements qui oscillent à la même vitesse que leurs croyances, idées et connaissances.
- Elles peuvent être simples ou complexes : si les sujets ne sont pas sensibilisés et informés sur le BDSM ou sur les cordes, leurs croyances au sujet du BDSM ou des cordes sont simples, c’est-à-dire peu nombreuses, peu diversifiées, peu nuancées. Les termes BDSM ou cordes évoqueraient chez certains individus des croyances, idées, connaissances infiniment plus complexes que chez d’autres individus qui sont effectivement et régulièrement informés sur le BDSM ou sur les cordes. Les attitudes des individus qui reposent sur des idées, connaissances et croyances simples face au BDSM ou aux cordes sont probablement plus sujettes et favorables au changement, car leur base est facile à démolir parce qu’elle est rarement conforme à la réalité.
- Elles peuvent être importantes : des convictions profondes concernant le BDSM ou les cordes peuvent jouer un rôle extrêmement important dans la vision qu’une personne a du BDSM ou des cordes. Les attitudes qui reposeraient sur de telles convictions seraient donc très difficiles à changer. Il est vrai que cette dimension cognitive à elle seule ne suffit pas pour susciter le changement de comportement qui est un comportement qui procure du plaisir et des sensations fortes. D’où la nécessité de s’intéresser à la composante affective des attitudes.
- La composante affective, c’est-à-dire l’attrait ou la répulsion que le sujet éprouve envers le BDSM ou les cordes, le port du collier et le comportement de soumission ou de domination. Elle comprend les affects, les sentiments, les états d’humeur, les émotions qui surgissent lorsque l’individu est placé devant une scène BDSM ou de cordes. L’objet d’attitude face au BDSM ou aux cordes est un objet qui suscite du plaisir. Car, le problème du BDSM ou des cordes est celui du comportement sexuel et du comportement “dangereux” . La composante affective qui intervient dans l’élaboration des attitudes (préventives ou défensives) face aux BDSM ou aux cordes ne devrait pas passer outre le fait que le plaisir procuré par l’activité, est important pour garantir l’équilibre corporel et psychologique du sujet. Il faut mettre tout de même un accent particulier sur les émotions et/ou les sentiments. Le terme “émotion” ou “sentiment” implique ordinairement une réaction somatique, comme par exemple un changement de rythme des battements du cœur ou de rythme respiratoire. Tout comme les idées, les connaissances et les croyances, les émotions possèdent des caractéristiques très importantes pour l’édification des attitudes :
- Elles peuvent être favorables ou défavorables, c’est-à-dire que l’individu ”se sent bien” devant certaines scènes BDSM ou de cordes, alors qu’il peut être malheureux ou mal à l’aise devant d’autres éléments qui interviennent dans le BDSM ou les cordes. Les émotions à elles seules ne peuvent pas permettre de prédire les actions ou réaction du sujet. Mais il est vrai que les émotions, sentiments, affects, suscités par le comportement sexuel, sont capables d’influencer la formation des attitudes du sujet face au BDSM ou aux cordes.
- Elles peuvent être intenses ou superficielles. On peut évidemment s’attendre à ce que nos attitudes sexuelles face au BDSM ou aux cordes aient plus d’influence sur notre vie et soient plus difficiles à modifier lorsqu’elles s’accompagnent d’émotions vives et profondes. Le plaisir, la satisfaction qu’accompagne le comportement doivent être pour beaucoup dans la résistance à la persuasion et au changement de comportement chez les individus. Les personnes qui assouvissent pleinement leurs satisfactions seraient plus réfractaires au changement que les personnes insatisfaites. Il est vrai que cette affirmation peut être taxée d’erronée, mais il est aussi vrai que la procuration du plaisir réalisée pendant des comportements justifie la résistance à l’adoption de l’abstinence comme mode de prévention (Noumbissie, 2004).
Toutefois, pour clôturer cette partie sur la composante affective des attitudes, mentionnons que le plaisir y joue un rôle très déterminant. Le plaisir, précisons-le, fait référence à un état affectif positif qui se présente chez l’individu comme un sentiment de joie, de satisfaction et de contentement (Mehrabian, 1976). Baker, Levy et Grewal (1992) définissent le plaisir comme étant le fait de se sentir bien dans un environnement. Le plaisir est instantanément reconnu par soi-même et par autrui. Selon Mehrabian et Russel (1974), les termes bipolaires de l’axe du plaisir sont heureux versus malheureux, réjoui versus contrarié, satisfait versus insatisfait, content versus mélancolique, plein d’espoir versus désespéré et détendu versus ennuyé. Selon qu’on appartienne à tel ou tel axe du plaisir, cette appartenance influe nos attitudes face aux comportements.
- La composante conative (comportementale), c’est-à-dire non pas une action, mais une tendance à l’action. Elle correspond aux intentions ou aux décisions relatives à l’action et semble, a priori, liée aux deux autres dimensions. Il s’agit aussi des actions du sujet. Elle consiste en une disposition à agir de façon favorable ou défavorable vis-à-vis du BDSM ou cordes. Si l’attitude est favorable, l’individu sera tenté de poser des comportements préventifs comme l’abstinence, la fidélité. Si par contre l’attitude est défavorable, l’individu s’opposerait aux sensibilisations relatives au BDSM ou aux cordes.
La théorie de l’équilibre
Heider (1946) est le premier à formuler une théorie de la consistance cognitive : “l’équilibre cognitif” . D’après cette théorie, si une contradiction existe entre les jugements ou attentes d’une personne concernant un aspect de son environnement social et les implications des jugements ou attentes relatives à d’autres aspects de cet environnement, on peut observer une modification des rapports entre les éléments de l’environnement ou encore une modification de la représentation que la personne s’en fait afin de restaurer l’équilibre. Selon Heider, les individus recherchent l’ordre, la symétrie et la cohérence entre les éléments de leur environnement. Si une contradiction apparaît, des forces tentent de restaurer l’équilibre soit en modifiant les rapports entre ces éléments, soit en modifiant la représentation que la personne s’en fait.
La théorie de la dissonance cognitive
La théorie de la dissonance cognitive a été énoncée par Festinger (1957). La dissonance cognitive est un état psychologique qui s’apparente à celui de l’âne de Buridan. L’âne de Buridan a autant soif que faim et se trouve placé à équidistance d’un seau d’eau et d’un picotin d’avoine. Il hésite entre satisfaire d’abord la soif ou la faim. Un état similaire est traduit par Descartes (1953) parlant de la “liberté d’influence” , où l’individu est placé dans une situation d’égal attrait entre deux choix.
La dissonance cognitive est une disharmonie, une incompatibilité. La dissonance cognitive est traduite comme l’état d’une personne en qui il existe des croyances, des opinions, des notions, bref des cognitions contraires ou incohérentes. Cette incohérence peut être une incohérence de rapport logique entre les cognitions, ou tout simplement une incompatibilité de contenus des cognitions. Le sujet éprouve un malaise psychologique intense.
Ce malaise psychologique s’explique, selon Festinger, par le fait que chaque individu a le souci de garder, de maintenir la plus grande cohérence interne possible. Dans la dissonance, c’est cette rupture de cohérence, de l’équilibre interne qui génère l’élaboration de nouvelles attitudes et l’abandon de certaines, du fait de la non correspondance des cognitions, qui est pénible. Pénible, parce que l’incohérence crée une tendance psychologique désagréable en l’individu. C’est dans l’objectif de diminuer cette tension que l’individu est contraint de réduire son état de dissonance.
Pour Festinger, l’état d’inconsistance est induit par le comportement du sujet lui-même, qui n’est plus dans ce cas-là un analyste, mais un acteur. En ce sens, les sujets font quelque chose qui n’est pas en accord avec certaines de leurs cognitions. Ce n’est pas une simple information qui entraîne alors cet état d’inconsistance, mais le propre comportement du sujet.
La théorie de Festinger, comme celle de Heider, a le mérite de permettre souvent d’expliquer certains phénomènes après qu’ils se soient produits. Mais, en général, ces théories ne nous permettent pas de prédire d’avance comment un individu va réagir ou se comporter dans telle ou telle situation, parce qu’il peut choisir entre plusieurs façons de rétablir son équilibre cognitif. Elles tendent, cependant, à nous démontrer que l’être humain cherche un certain équilibre, une certaine consistance logique, non seulement entre ses diverses attitudes (et leurs composantes), mais aussi entre ses attitudes et ses comportements. Aussi faut-il, pour mieux appréhender la structure des attitudes, s’intéresser aux modèles explicatifs de la structure attitudinale.
Les modèles de la structure attitudinale
Trois modèles principaux :
La formation des attitudes
La formation des attitudes est en grande partie redevable aux trois types classiques d’apprentissage :
- le conditionnement classique ;
- le conditionnement instrumental ;
- l’apprentissage social.
L’aspect le plus évident des attitudes, c’est qu’elles varient considérablement d’un individu à un autre, d’un groupe à un autre. Quel que soit l’objet d’attitude auquel on peut penser, il est toujours évident de trouver des individus qui ont des attitudes favorables et d’autres qui ont des attitudes défavorables. Les attitudes ne naissent donc pas identiques. En conformité avec le modèle tripartite de l’attitude, il faut considérer quelques processus classiques de formation de l’attitude selon les trois composantes, en favorisant toutefois les processus d’apprentissage. Ainsi, on peut distinguer :
- les sources affectives : conditionnement classique ou pavlovien ;
- les sources comportementales : conditionnement opérant ou skinnerien ;
- les sources cognitives : apprentissage social ou apprentissage vicariant ou par observation.
Les fonctions des attitudes
Pour Allport (1935), “les attitudes déterminent pour chaque individu ce qu’il verra et entendra, ce qu’il pensera et exécutera” . Les attitudes sont donc une sorte de “prêt-à-faire” nous aidant à trouver notre chemin dans un monde complexe. Dans leur formulation, Smith, Bruner et White (1956) assignent trois fonctions aux attitudes :
- adaptation sociale ;
- extériorisation ;
- évaluation de l’objet d’attitude.
Quant à Katz (1960), il mentionne les quatre fonctions suivantes :
- connaissance :
Le rôle de connaissance se manifeste de façon différente, selon les cas où l’objet d’attitude est nouveau ou familier. Dans notre population, nous aurons des sujets pour qui l’objet d’attitude (BDSM ou cordes) est familier et d’autres pour qui cet objet est nouveau.
Gerard et Orive (1987) font bien comprendre ce qu’il y a de particulier dans le rôle de connaissance de l’attitude vis-à-vis des objets nouveaux. Dans de telles situations, l’individu ressentirait un impérieux besoin de formation d’attitude puisqu’il ne dispose pas d’une attitude toute prête. Dès lors, il s’efforcera de recueillir de l’information afin d’en arriver à l’impression de pouvoir réagir de façon non ambivalente vis-à-vis de l’objet. Selon cette perspective, l’information première, et aussi la plus nécessaire, serait de type affectif (Zazonc, 1980). Selon Gérard et Orive (1987), le résultat de cette saisie émotionnelle rapide de l’objet constitue la détermination d’une orientation non équivoque vers l’action (unequivocal behavioral orientation) ou, une structuration cognitive achevée. Cette approche met en évidence la procédure de formation des attitudes chez les individus qui voient, entendent ou suivent pour la première fois des messages sur le BDSM ou les cordes. ; - adaptation :
La fonction d’adaptation est une reconnaissance du fait que les gens élaborent des attitudes favorables à l’égard des objets qui satisfont leurs besoins et des attitudes négatives vis-à-vis de ceux qui sont associés à des frustrations. Elle vise les attitudes qui maximisent les récompenses et réduisent au minimum les punitions. Le modèle d’attitude proposé par Fishbein et Ajzen (1975) permet de mesurer les conséquences prévues négatives et positives, d’un comportement donné quant à un objet cible. Les attitudes jouent donc un rôle d’adaptation sociale en permettant la maximisation de l’acceptation et de l’approbation des autres. Elles aident à adopter des stratégies appropriées d’échange social. Ainsi, certains adolescents affectionnent les comportements sexuels parfois désordonnés de leurs idoles : une telle attitude contribue à renforcer l’identité personnelle par l’identification à des modèles attrayants. Selon Snyder et DeBono (1989), les personnes dont le trait de monitorage de soi est élevé ont tendance à adopter des attitudes dont la fonction dominante est l’adaptation sociale. Comme les sujets de monitorage élevé, disent-ils, sont très attentifs aux indices situationnels pour définir leur présentation sociale, ils préfèrent les annonces publicitaires qui présentent l’image sociale associée à l’utilisateur du produit (artefacts BDSM ou cordes), en revanche, les individus dont le trait est peu élevé prêtent plus attention aux annonces qui mettent en relief la qualité et les valeurs évoquées par le produit ; - expression des valeurs :
Le troisième rôle rempli par les attitudes concerne l’extériorisation des croyances et des valeurs centrales ainsi que de l’image de soi. Selon l’approche fonctionnaliste, une gratification est ainsi obtenue par la simple expression d’attitudes qui nous distinguent d’autrui. Selon cette approche, soutenir une position controversée témoigne souvent d’attitudes centrées sur des valeurs. Par exemple, l’attitude provient d’un individu qui peut n’avoir aucun lien avec la connaissance de femmes ayant eu recours à l’avortement ; une telle attitude peut simplement être l’affirmation des valeurs religieuses. Cette approche est intéressante parce que ce modèle théorique tient compte de l’influence des valeurs (culturelles, morales, sociales…) dans l’élaboration des attitudes des individus ; - défense du moi :
D’inspiration psychanalytique, la fonction de défense de soi est aujourd’hui considérée sous la rubrique du maintien de l’estime de soi (Greenwald, 1989 ; Shavitt, 1990). A cet effet, nous retenons que nos attitudes peuvent augmenter ou protéger notre estime de soi contre des menaces extérieures ou des conflits internes. Ainsi, on peut posséder des attitudes négatives à l’égard de certaines personnes non à cause de frustrations de leur part, mais comme moyen de satisfaire un besoin, de se sentir bon ou supérieur à elles.
Je préfère analyser les attitudes en utilisant la taxinomie de Katz. Cependant, grâce à la prépondérance de l’approche cognitive des dernières décennies, la fonction de connaissance bénéficie, pour moi, d’une attention privilégiée et compte tenu du fait qu’elle soit une composante considérable des attitudes vis-à-vis du BDSM ou des cordes.
Attitude et comportement : symétrie et asymétrie
Les chercheurs se sont longtemps intéressés aux attitudes dans l’espoir de mieux expliquer le comportement. La corrélation attitude-comportement est plus envisageable lorsque l’une et l’autre se trouvent au même niveau de spécificité (Fishbein et Ajzen, 1975). Comme mentionné un peu plus haut, avec la présentation de la définition de l’attitude selon Allport (1935), la relation attitude- comportement est partie intégrante de la définition de l’attitude, notamment dans la composante conative (comportementale). De plus, le postulat de la consistance attitude-comportement est sous jacent aux théories du changement d’attitude. L’intérêt considérable aux attitudes provient en grande partie de ce qu’elles devraient normalement permettre de prédire les comportements des individus. Il ne faut pas oublier que les attitudes ne sont pas les seuls déterminants des comportements. C’est ainsi que plusieurs études ont toutefois démontré que la relation attitude-comportement est souvent moins forte que ce que l’on avait cru autrefois.
Pourtant, sur le plan empirique, on retrouve des indices fiables de la validité prédictive de l’attitude au regard du comportement. Rajecki (1990) rapporte une analyse des sondages effectués par la firme Gallup de 1936 à 1984 relativement aux élections présidentielles américaines, soit 25 élections. L’écart moyen en pourcentage entre les résultats des sondages précédant immédiatement l’élection et les résultats lors des élections est de 2,1 points ; cet écart pour les cinq élections les plus récentes se rétrécit et atteint une marge de 1,2 point. Cette étude nous permet de conclure que l’attitude est indispensable pour prédire le comportement. C’est-à-dire que connaissant l’attitude, il est possible de prédire le comportement. Cette causalité linéaire entre attitude et comportement n’est pas vérifiée dans des situations où le comportement est entièrement influencé par des variables intermédiaires entre attitude et comportement. Parmi ces situations, nous pensons aux situations dans lesquelles se manifestent les comportements sexuels.
Afin de rendre compte des déterminants qui échappent à la volonté, Ajzen (1985, 1987) a proposé la théorie du comportement planifié, ce qui ajoute une variable prédictive au modèle de l’action raisonnée.
Ce facteur, comme présenté un peu plus haut est le contrôle comportement perçu. Il reflète l’expérience passée, les obstacles et les barrières ressenties face à la réalisation de l’action cible. En conséquence, plus l’attitude et la norme subjective seront favorables à un comportement et plus grande sera l’impression de contrôle quant à ce même comportement, plus l’intention d’agir sera forte. Il s’avère donc que le comportement soit prédit par l’intention. Mais la question reste, toutefois, celle de savoir : Quel rôle peut exercer le facteur du contrôle perçu, en particulier, si cette impression de contrôle s’avérait irréaliste ?
Le poids de l’attitude dans la détermination du comportement peut être variable, selon que l’attitude est ou non mentalement accessible au moment de l’acte. Ce phénomène est courant dans la détermination des attitudes des individus vis-à-vis du BDSM ou des cordes. Cette réalité acquise qu’est l’attitude joue un rôle de médiation entre les facteurs internes et les facteurs externes sans toutefois se réduire aux uns et aux autres. Elle n’est pas d’emblée un comportement, elle est un organisateur de comportement et une conduite symbolique préparant l’action par anticipation, elle permet également d’orienter et de soutenir le comportement. Dans le cadre du BDSM ou des cordes, je considère l’attitude dans sa dimension prédictive, c’est-à-dire comme intention d’agir et reste fidèle aux principes fondamentaux de la théorie du comportement planifié d’Ajzen et Fishbein.
Comportement comme action
L’action est un comportement intentionnel ; elle est réponse donnée par l’ego aux conditions de son environnement, mais c’est une réponse adaptative consciente, contrairement au réflexe ou à l’acte instinctif, qui sont des réponses adaptatives aussi, mais sans que la conscience intervienne autrement que spectatrice. Or, pour qu’un Homme agisse dans une situation concrète donnée, il faut qu’il ait la puissance d’agir : il y a des présupposés de l’action humaine. Ils sont au nombre de trois, que l’on peut mettre en relief par une facile expérimentation mentale :
- dans un univers où l’individu serait toujours parfaitement content de son sort, aucun acte n’aurait sa raison d’être puisqu’il aurait pour effet le passage à une moindre satisfaction ;
- un individu existant dans un tel monde ne souhaiterait rien, ne désirerait rien, n’agirait pas. Ce qui suscite l’action, c’est donc la conscience de quelque malaise, que fera disparaître l’action. Cette première condition en appelle tout de suite une autre, car si l’individu qui ressent le malaise n’avait pas l’image d’un état différent possible, état de moindre malaise ou de plus grande satisfaction, il n’agirait pas non plus.
- s’il ne se représentait pas clairement le pouvoir de son action, il n’agirait pas plus que le sage antique croyant au fatum. Conscience d’une moindre satisfaction, conscience de la possibilité d‘une satisfaction plus grande, conscience enfin d’une efficacité au moins possible de l’acte qu’il envisage, tels sont les trois présupposés permettant de définir un homo agens, tout au moins un homme capable d’agir.
De l’intention au comportement
Le behaviorisme strict rejetait la notion d’intention (intentionnalité) et lui déniait toute valeur d’explication causale. L’intention a refait surface dans la psychologie contemporaine. Dans les situations sociales, les imitations précoces, les gestes ou postures d’offrande, les désignations naturelles paraissent indiquer l’intention de communiquer. En psychologie cognitive, l’intention exprime le caractère finalisé des comportements. Ce qui veut dire que l’émetteur connaît l’effet de ses actions sur le comportement du destinataire.
Selon la théorie des comportements interpersonnels (Triandis, 1980), le comportement résulte de trois facteurs :
- soit l’intention d’adopter le comportement
- l’habitude ;
- la présence de conditions facilitant ou empêchant l’adoption du comportement.
L’intention est l’expression de la motivation à adopter le comportement alors que l’habitude est le degré d’automatisme d’un comportement dans une situation donnée.
Quatre facteurs principaux définissent l’intention :
- les composantes cognitives et affectives de l’attitude :
La composante cognitive de l’attitude est le résultat d’une analyse subjective des avantages et des désavantages qui résulteraient de l’adoption du comportement. L’individu traduit en croyance un certain nombre de conséquences avantageuses et désavantageuses provoquées par l’adoption d’un comportement.
La dimension affective est la réponse émotionnelle d’une personne à la pensée d’adopter un comportement donné. ; - les croyances normatives :
Les croyances normatives sont celles d’un individu concernant les chances qu’une personne significative pense qu’il devrait adopter ou non le comportement ; - les croyances en l’existence de rôles sociaux spécifiques :
La croyance en l’existence de rôles sociaux désigne le degré auquel une personne perçoit qu’il est approprié de réaliser le comportement pour des individus occupant une position similaire à la sienne dans la structure sociale ; - les convictions personnelles (normes morales) :
Les convictions personnelles (variables qui réfèrent au concept de normes morales dans la littérature anglophone) mesurent le sentiment d’obligation personnelle quant à l’adoption du comportement. Ce facteur se réfère aux règles de conduites personnelles ou, en d’autres termes est en accord ou non avec ses principes. De plus, les convictions personnelles se distinguent de la croyance normative. Elles ne dépendent pas de la perception de ce que pensent les autres, mais plutôt des principes personnels en regard du comportement, dans la mesure où une personne valorise la vie.
Les liens précédents étaient : l’identité BDSM ou dans les cordes, Le tempérament, le caractère et la personnalité dans les cordes ou dans le BDSM.
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