La transparence dans le BDSM ou dans les cordes
Note 1 : Dans le présent document, les termes employés pour désigner des personnes sont pris au sens générique, ils ont à la fois la valeur d’un féminin et d’un masculin.
Note 2 : Dans cet article, je vais essayer de vous parler de la transparence dans le BDSM ou dans les cordes selon mon point de vue.
Tout se dit, tout se sait en temps réel, être googlelisé avant un rendez-vous, tout savoir et même ce que l’on a pas à savoir… Dans le BDSM ou dans les cordes, les relations humaines basculent fréquemment dans la mode du voyeurisme alimenté par les bien-pensants de la pensée unique, des individus qui standardisent les discours. Aller sur le terrain de la légitimité de la transparence, c’est prendre le risque d’un procès en ringardise : comment peut-on se questionner sur un sujet qui envahit tout l’espace, à commencer par ceux sur les réseaux sociaux qui ont banni la frontière entre vie personnelle et vie professionnelle ?
La question du pourquoi de la transparence est sûrement l’une des questions les plus responsables à se poser actuellement, face à une explosion des us et coutumes. Le droit de savoir, de partager, d’évaluer est de loin l’une des plus belles victoires offertes à chacun par le numérique ; un droit qui est désormais acquis.
La tentation est grande de faire du BDSM ou des cordes un “objet de consommation” comme un autre. Avec de faux postulats pour légitimer ce raisonnement : dans le BDSM ou dans les cordes tout est opaque réseaux sociaux ou réalité, il y a même une forme d’omerta. Il est même fréquent qu’on y fasse l’inverse de ce que l’on revendique, de ce que l’on exprime. Les beaux discours sur les valeurs s’apparentent à de la langue de bois. De là à élever la transparence en procureur de la bienséance dans le BDSM ou dans les cordes, il n’y a qu’un pas. Et le réel pratiquant du BDSM ou des cordes est tout désigné pour aller sur le bûcher de cette nouvelle inquisition !
L’époque veut laver plus blanc que blanc alors que le BDSM, les cordes subissent continuellement des changements divers et variés. Les pratiquants sont toujours en recherche, en quête de la performance, et doivent relever des défis inédits autant dans la scène que dans le langage par l’image… La concurrence et la compétition sont fréquentes, même si ces deux mots font partis de l’omerta qui règne dans cette société BDSM ou de cordes. Si la transparence devient un dû sociétal, le BDSMiste ou le pratiquant des cordes aurait tort de se soumettre pour autant à ce nouveau dogme, qu’est la performance pour espérer être reconnue. La transparence ne consiste pas à être mieux que tout le monde, à penser vivre un BDSM ou des cordes mieux que tout le monde. La relation n’a pas à se soumettre à cette concurrence et encore moins à cette compétition.
Être dans le BDSM, c’est quitter le monde vanille pour entrer dans le monde BDSM. Aussi le BDSMiste ou le pratiquant des cordes peut facilement tomber dans une quête continuelle de démonstrations qu’il n’est pas ou plus dans le monde vanille, qu’il appartient à une culture BDSM, mais en fin de compte qui cherche-t-il à convaincre : autrui ou lui-même ? Jamais être soi n’a pris autant de sens que dans ce monde banal qui lime les moindres aspérités au nom d’une inclusion identitaire.
La transparence est un Big Bang qui impose de repenser le sens même de la communication au profit d’une identité, une et indivisible, censée fédérer, motiver et sélectionner sans jamais rejeter.
Dans le BDSM ou dans les cordes, il ne s’agit pas de communiquer pour prouver ni même de partager pour exister mais bien de partager et d’échanger afin de construire et de renforcer la communauté auquelle on souhaite appartenir. Les pratiquants, hier ambassadeurs deviennent des influenceurs (personne qui, par son statut, sa position ou son exposition médiatique, est capable d’influencer les habitudes). Les BDSMistes ou pratiquants des cordes doivent comprendre qu’ils ne sont plus des compétences sur pattes ou compétiteurs mais des humains embarqués dans une culture alternative non concurrentielle de la culture vanille, que ces deux cultures peuvent même cohabiter.
La transparence a cela de bon : elle impose à l’individu de s’assumer avec ses défauts et ses qualités, ses rêves, ses manques et ses espérances. Elle ne peut plus se contenter de parler d’éthique, de sens, de valeurs : tout désormais est dans l’action et dans la preuve.
Nul n’est parfait et aucune culture n’est parfaite aussi en ce bas monde, l’admettre c’est déjà un formidable progrès. Le BDSMiste et le pratiquant des cordes sont plus que jamais responsables. Question de culture bien sûr.
La transparence dans les réseaux sociaux
Aujourd’hui sur les réseaux sociaux, on voit de plus en plus les BDSMistes et pratiquants des cordes en quête de transparence depuis cette dernière décennie : l’exigence de transparence absolue… et ses illusions.
La notion de transparence s’est peu à peu galvaudée. Qu’on la considère comme la solution à tous les maux, un passage obligé à l’heure des réseaux sociaux, ou bien comme un inaccessible Graal, elle imprègne à ce point les discours qu’on oublierait presque d’en interroger l’origine et le bien-fondé…
Terme issu des sciences physiques à l’origine (du latin trans-parere : laisser passer à travers, utilisé pour la première fois en 1361), la notion de transparence s’est étendue progressivement à la plupart des volets de l’activité humaine, au point d’être devenue omniprésente aujourd’hui. La raison de ce succès ? Dans son acception éthique, la transparence semble être devenue l’ultime recours des citoyens et des individus contre les dysfonctionnements économiques, sociaux, politiques ou individuels. Comme le résumait il y a quelques années Thierry Libaert, une des idées les plus répandues de notre époque consiste en effet à penser “qu‘il suffirait que tout soit transparent pour que tout fonctionne mieux”.
Échaudée par les mensonges et tentatives de manipulation à répétition, l’opinion ne tolère plus la moindre opacité, que ce soit dans la conduite des affaires publiques ou privées comme dans le BDSM ou dans les cordes. Et les acteurs qui s’obstinent à ne pas pratiquer ou rechercher la transparence paraissent d’emblée suspects.
Cette exigence de transparence n’a fait que se renforcer durant la dernière décennie, portée par l’avènement et l’envol sans précédent des réseaux sociaux. D’une information peu abondante et encore contrôlée par un nombre limité d’émetteurs, on est en effet passé à une ère de l’information libérée et à la sur-valorisation de la donnée brute.
Les internautes exigent aujourd’hui de pouvoir accéder directement à la “vérité” des fait et des chiffres, sans limite, sans médiation, sans interprétation, voire même de se mêler de choses qui ne les regardent en rien.
Il faut comprendre aujourd’hui la diffusion d’informations tous azimuts n’est pas forcément une garantie de transparence ni de véracité, au contraire…
Conclusion
Transmettre une information brute, lorsque nous n’avons pas été témoin, lorsque nous n’avons pas toutes les données, et encore plus lorsque cela ne nous regarde pas, génère une relation asymétrique où l’émetteur conserve le pouvoir ! Les récepteurs des messages demeurent impuissants, démunis et vont véhiculer des informations erronées et interprétées.
La transparence aujourd’hui dans le monde BDSM ou des cordes est vue de manière performative ou normative plutôt que formative, comme un défi à relever, comme une injonction ou un diktat extérieur. Alors que la transparence peut être envisagée comme doctrine d’action créatrice et formatrice au quotidien. La transparence recèle des opportunités de mobilisation considérables, que les BDSMistes et que les pratiquants des cordes auraient bien tort de négliger.
La transparence apporte de l’authenticité !
Source : Hervé Monier, Didier Pitelet.