La sagesse dans le BDSM
Note 1 : Dans le présent document, les termes employés pour désigner des personnes sont pris au sens générique, ils ont à la fois la valeur d’un féminin et d’un masculin.
Note 2 : Dans cet article, je vais essayer de vous parler de la sagesse dans le BDSM ou dans les cordes selon mon point de vue.
La sagesse a-t-elle sa place dans le BDSM, dans les cordes ? Si oui, laquelle ? Comment ? Pourquoi ? Quand ? Où ? On pourrait reprendre le QQOQCCP (Qui ? Quoi ? Où ? Quand ? Comment ? Combien ? Pourquoi ?), défini par le rhéteur grec Hermagoras de Temnos et transmis par saint Augustin : “Quis, quid, quando, ubi, cur, quem ad modum, quibus adminiculis”.
Qu’est-ce que la sagesse ?
Dans le BDSM, on pourrait dire que la sagesse est le résultat d’une recherche personnelle et ardente de l’essentiel qui consisterait à se mettre profondément en cause soi-même par la voie de la raison et/ou de la méditation.
Cet essentiel pour la personne soumise serait la servitude envers sa personne dominante. Quant à la personne dominante, cet essentiel serait la servitude et la sécurité de la relation BDSM.
Elle permet d’atteindre un état de lucidité et de bonheur par acceptation de ses propres souffrances et amour profond.
Définition
Sagesse prend racine dans le latin “sapienta”, elle est relative à l’intelligence, au jugement, au bon sens, à la prudence, au savoir, à la science, à la philosophie.
Souvent la sagesse est utilisée pour désigner une personne qui est raisonnable, qui fait preuve de modération dans ses désirs. Dans l’antiquité, dans les traditions elle se rapporte au savoir, à la science, à la philosophie, la connaissance parfaite, englobant généralement l’idée de vertu. Elle désigne aussi celui qui est un sage, qui réalise un type moral idéal, qui parvient à la vertu.
Dans son expression philosophique :
- Un adage nous dit : “Philosopher, c’est apprendre à mourir”, on peut en déduire que pour certains c’est l’art de vivre et de mourir accompli ;
- La connaissance de soi, la recherche de soi ;
- Le sens de la méditation, du recueillement, de l’intériorité, de l’interrogation ;
- Le sens des valeurs, de leur authenticité, et de leur place ;
- Le jugement et l’ouverture d’esprit ;
- La délivrance de l’esprit ;
- la citation socratique : “Je sais que je ne sais rien” ;
- …
La sagesse est donc à la fois contemplation et action.
Pour Aristote, la sagesse est un habitus, une disposition de l’esprit, une vertue intellectuelle. L’habitus peut être inné ou acquis par l’exercice. L’habitus se définit par son acte, et l’acte par à son tour est défini par l’objet.
Selon les philosophes du XIIIè siècle, il y a cinq grandes vertus : sagesse, intelligence, science, art et prudence qui seront par la suite divisés en deux groupes : la fonction spéculative : sagesse, intelligence et science et la fonction pratique de l’esprit : art et prudence.
La voie de la sagesse n’est pas celle des sciences exactes !
Une histoire de connaissance de soi
Tout le monde s’accorde à dire que pour cheminer vers la sagesse, il faut d’abord se connaître soi-même. Socrate le premier à dire : “Qui est-tu, toi qui sais ?” La quête du soi débouche sur celle de l’Homme et du sens de la vie. pour cela il faut délaisser les influences dogmatiques, politiques et religieuses, les carcans familiaux et personnels, les préjugés et les peurs. La quête du soi ouvre l’esprit vers une forme de liberté, elle permet de libérer son âme.
Sur le front du temps de Delphes, on peut lire : “Gnothi seauton” en grec, “Nosce te ipsum” en latin ou “Connais-toi toi-même” devise dont Socrate avait fait sienne.
Nietzsche, 2500 ans plus tard contestera cette devise, en transforma : ”chacun est à soi-même le plus proche” en “chacun est à soi-même le plus lointain”.
Descartes en fera le fondement de sa métaphysique, le cogito : “je pense, je sais que je pense, c’est une certitude”.
Pascal disait : “Il faut se connaître soi-même ; quand cela ne servirait pas à trouver le vrai cela sert au moins à régler sa vie ; il n’y a rien de plus juste”.
Saint Augustin : “Au lieu d’aller dehors, rentre en toi-même : c’est au coeur de l’Homme qu’habite la vérité”.
Spinoza : “Nous nous croyons libres que parce que nous ignorons les causes qui nous font agir”.
Pindare (poète lyrique grec 518 av J. C. – 438 av J. C.) : “Horizon des possibles”, “deviens ce que tu es”.
Montaigne : “Le pire état de l’Homme, c’est quand il perd la connaissance et gouvernement de soi”.
Une histoire de tempérance
La vertu consiste à se satisfaire de ce qui est raisonnablement à notre portée, ce qui permet d’éviter de se perdre dans des objectifs inatteignables, des paradis artificiels ou des fantaisies impossibles, la vertu protège donc l’âme des tourments destructeurs.
La tempérance nécessite un effort, car le plaisir est de l’ordre du naturel.
La tempérance conduit sur le chemin de la sagesse.
La tempérance n’a rien à voir avec une forme d’ascétisme ou d’austérité. Spinoza a lui-même dénoncé la confusion qui assimile la tempérance à une volonté de se priver de plaisirs et de jouissance.
La tempérance n’interdit pas de jouir, bien au contraire : elle invite à jouir mieux, à cultiver. André Comte-Sponville dans son Petit traité des grandes vertus (PUF, 1995) a donné cette définition de la tempérance : “la modération par quoi nous restons maîtres de nos plaisirs au lieu d’en être les esclaves. C’est jouissance libre, et qui n’en jouit que mieux puisqu’elle jouit aussi de sa propre liberté.” Celui qui pratique la tempérance connaît le goût raffiné d’une jouissance “plus pure ou plus pleine.” Plus pure, plus joyeuse, plus sereine parce que libre de toute dépendance.
Aristote : “Cette ligne de crête entre les deux abîmes opposés de l’intempérance et de l’insensibilité, entre la tristesse du débauché et celle du peine-à-jouir, entre le dégoût du goinfre et celui de l’anorexique. Quel malheur de subir son corps ! Quel bonheur d’en jouir et de l’exercer.”
Spinoza : “La tempérance est une régulation volontaire de la pulsion de vie, une saine affirmation de notre puissance d’exister, et spécialement de la puissance de notre âme sur les impulsions irraisonnées de nos affects ou de nos appétits.”