C’est quoi pour toi être la propriété d’un Maître ?
Texte de ma soumise allotei
A la suite de quelques échanges virtuels, on m’a posé une question : c’est quoi pour toi être la propriété d’un Maître ?
Je me suis d’abord demandé ce que cachait cette question chez mes interlocutrices et me suis ensuite questionnée sur cette intéressante question et sur la notion sous-jacente d’appartenance.
Quand j’ai reçu cette question, j’y ai décelé une forme de crainte. Parce qu’appartenir cela fait peur et qu’en tant que soumise, dans ce désir de soumission, notre pire ennemi c’est nous-même. Et ce nous-même peut vite être influencée tant positivement que négativement par une personne qui ferait de ce nous-même une Sienne sans âme, sans pensée, sans raison et sans réflexion.
Cette crainte est d’autant plus légitime que le net regorge de témoignage de soumises et soumis maltraité.es, détruit.es par le Top. Et dans une culture où le « ni Dieu ni Maître » est omniprésent et où le féminisme a davantage de portée extrémiste qu’humaniste, cela devient compliqué de savoir où se placer dans cette notion d’appartenance et d’y voir les limites qui délimitent bien ce qui est de l’ordre du sain et du malsain.
VS
Pour moi l’appartenance ne peut exister sans la notion d’obéissance totale voire quasi absolue. J’entends déjà certain.es me dirent, « mais s’Il te dit de sauter d’un pont, tu ne vas pas le faire sous prétexte de soumission ». Et évidemment je souris car je lis souvent des questions de ce genre qui manquent de bon sens. Être soumise ne veut pas dire être décérébrée. Si je suis accrochée à un élastique, que toute ma sécurité est assurée, bien sûr que je peux Lui obéir, j’ai confiance, il est garant de ma protection et je sais que tout est fait pour que ce saut d’un pont soit sans danger (à 99,9%). Mais si je suis à Ses pieds, qu’il n’y a rien qui me protège, je suis quand même assez grande, et normalement pas trop mal cortiquée pour me douter que si je saute : je meurs. A un moment, si la règle du bon sens ne régit pas notre vie BDSM, il me semble que c’est là où il faut se poser les bonnes questions.
Dans cette notion d’appartenance, il y a aussi cette question d’emprise, une emprise qui terrifie, qui fait peur car même si on garde le contrôle de soi-même, de ses pensées, de sa réflexion, de certains pas de sa vie, on sait pertinemment que Lui a une emprise sur nous qui pourrait nous faire faire des choses qu’au fond de nous-même ne nous sont pas acceptables. Encore une fois, la frontière est ténue, le bon sens doit régir cette emprise et il me semble primordiale d’avoir conscience de cette emprise. Elle n’est pas formellement contrôlable (sinon nous ne serions pas « sous emprise ») mais elle est intellectualisable. J’ai conscience de Son emprise, conscience de ce « pouvoir » qu’Il a sur moi et que personne d’autre ne détient. J’ai conscience qu’entre Ses mains j’ai déposé les clés de mon âme mais c’est toute la confiance que je Lui voue qui m’a permis de faire cela.
Au départ d’une relation, la confiance n’est pas acquise et elle ne l’est jamais vraiment. Qui pourrait dire que suspendue à 1m50 du sol, avec en dessous d’elle un carrelage bien rigide ou des rochers, ne se demande pas parfois si elle ne va pas s’écraser au sol ? Qui ne se demande jamais si un impact dans le dos ne va pas venir la marquer ou lui laisser des séquelles ? Il me semble essentiel de continuer à se poser ces questions tout en offrant son infaillible confiance au Top à qui l’on appartient. Ces questions sont vraiment source de réassurance au quotidien car à chaque fin de corde, je suis intacte, heureuse et jamais blessée, après les impacts, parfois ma peau est à peine marquée malgré l’intensité. Ce sont toutes ces preuves au quotidien qui font grandir infiniment la confiance en l’Autre et qui nous assure sans faille de la sécurité et protection qu’Il nous donne. J’imagine que pour certain.es aller se questionner c’est remettre en question le Top et finalement ne serait pas une marque de confiance. Mais je souhaiterais questionner celles et ceux qui parviennent à avoir cette confiance aveugle et connaitre concrètement leur rapport à la vie, et à leur corps.
A titre personnel, je ne suis pas soumise à des fins d’autodestruction, là serait peut-être la différence entre celles et ceux capables d’avoir confiance sans même avoir été questionnée intérieurement cette confiance et moi-même. Je pense aussi que les histoires de vie font que la confiance est aussi plus facile à donner que d’autre. Et enfin, nous savons tous que la confiance se donne aussi vite qu’elle se reprend. Je ne désire pas Lui reprendre mon entière confiance, ainsi je m’assure qu’elle reste toujours bel et bien intacte à chaque instant.
Je lis souvent « oui mais comment savoir si je peux Lui faire confiance ? ». J’ai envie de répondre sarcastiquement : en ouvrant les yeux. Ou plutôt en réfléchissant, et revient une fois de plus la notion de bon sens et de conscience de ce que l’on vit. Si des clochettes sonnent en nous-même, ce n’est pas pour rien. Tant chez le Top que chez nous les soumis.es. Au début d’une relation, ces clochettes doivent être écoutées mais ce n’est pas pour autant qu’une confiance ne peut pas s’offrir dès les premiers instants. Elle s’offre, mais se contrôle dans la mesure où on doit rester conscient de l’avoir donnée totalement, mais qu’elle peut être brisée. Cette conscientisation de notre soumission permet de se prémunir d’éventuels « fracas ». Tant chez l’Un que chez l’autre.
Lui appartenir c’est donc Lui obéir et avoir cette confiance consciente à Son égard.
La confiance n’est pas unilatérale, ainsi mon obéissance Lui permet à Lui d’avoir confiance en moi. Il sait que je Lui dirais si quelque chose ne va pas, Il sait que s’Il m’ordonne de me déplacer, je Lui obéirai sur le champ. Il sait que s’Il me cherche, qu’Il n’a qu’à claquer des doigts pour que j’arrive auprès de Lui. Cette confiance qu’Il a en moi, vient nourrir sa protection et l’assurance pour Lui qu’Il est en mesure de toujours me protéger et d’assurer ma sécurité. Et cela, n’importe où, n’importe quand, même en dehors d’un moment purement BDSM.
Lui appartenir c’est aussi Lui offrir mon exclusivité BDSM et me concernant, ma vie sous tous ces pans. Il a le pouvoir décisionnel sur tout (excepté professionnel et familial). Cette appartenance me protège des risques que je peux prendre dans la vie, Il m’éclaire de Sa maîtrise, de Sa sagesse, de Son vécu sur la vie, de Son analyse pour m’aider à faire les meilleurs choix possibles. Mais j’ai le droit de ne pas être d’accord et d’exprimer ce désaccord. Cela n’empêche qu’Il garde ce pouvoir décisionnel et que ce sont des dialogues et échanges qui permettent ensuite une décision commune et acceptée de ma part.
On pourrait penser qu’accepter ce n’est pas se soumettre mais je ne définis pas la soumission comme le fait d’accepter sans réfléchir et dans la contrainte. La vie nous soumet à nos pulsions, le travail nous soumet à des contraintes, les impôts nous soumettent aux paiement … et tout ça il nous est difficile de les contrôler, on n’a pas le choix.
J’ai fait le choix de me soumettre, j’ai fait le choix de Lui remettre les clés de mon âme entre les mains, j’ai le choix d’être totalement vulnérable à Ses pieds car Lui seul a ce pouvoir de faire tomber chacune de mes carapaces et armes. Ce sont des choix que j’assume car ce que je vis à Ses pieds est source d’un immense bonheur, ce que je vis humainement me fait m’épanouir et grandir dans ma vision du monde, de la vue. Ce choix je ne l’ai pas fait sous la contrainte, sous emprise. Je l’ai fait de moi-même, dans un dialogue avec moi, dans une réflexion que j’ai menée seule et qu’ensuite je Lui ai offert.
Il m’a aussi offert ce dialogue mené personnellement en Lui-même et tout s’est uni. C’est peut-être quand tout ne s’unit pas qu’il ne faut pas insister. Car après il faut assumer ses choix et je crois, à titre personnel, que c’est le plus difficile : rester en cohérence permanente entre ses choix, ses actes, ses pensées et ses paroles.
Il est très facile de penser être soumise et de ne pourtant pas l’être une seule seconde, mais il est difficile de lutter contre la facilité, parfois le confort, parfois son caractère, son impulsivité. Mais quand la lutte est réussie, alors quel bonheur … Parce que cette lutte je la mène pour Lui mais aussi pour moi, pour être en accord avec moi-même, en accord avec mes choix.
Son collier me rassure, Sa laisse me guide et Son BDSM donne un sens à la vie, il va au-delà de la simple séance et de l’extase tant psychique que parfois physique que les pratiques procurent.
Lui appartenir, pour moi, c’est être fière, de Lui, de ce qu’Il est, de Son BDSM, de chaque instant de vie vécu à Ses pieds, et d’être fière de mes choix, de ma soumission et du sourire qui naît sur Son visage, et le mien.
Pour pousser ma réflexion, je me suis demandé quelle était la distinction entre appartenance et propriété ?
Quelques définitions (Larousse et Wiktionnaire) :
Appartenir : « Être la propriété légitime de quelqu’un, que celui à qui est la chose l’ait en sa possession ou non. »
Appartenance : « Fait d’appartenir à un groupe, à un ensemble »
Propriété : « Fait de posséder en propre ; droit de jouir et de disposer de biens. – Ce qu’on possède en vertu de ce droit. »
Dans ces deux définitions nous notons bien la notion de droit et celle qui, probablement dérange, de propriété.
Dans la société individualiste actuelle, il est compliqué d’accepter pour beaucoup le fait d’appartenir, d’être la propriété de quelqu’un ou d’un groupe. Toujours le « Ni Dieu ni Maître » omniprésent. Pourtant nous pourrions légitimement faire l’analogie entre le fait d’être dans la communauté BDSM, d’appartenir donc à un groupe ayant pour pratique et philosophie de vie le BDSM et le fait que l’on possède des codes, des rituels qui sont la propriété du groupe, et dont, nous sommes, pas ricoché, la propriété.
Ce qui dérange possiblement c’est l’idée de ne plus jouir de ses propres droits, de sa volonté, de sa décision et d’être en quelque sorte un « objet » entre les mains du Top. Mais à moins d’être dans une relation d’objetisation, la soumission n’est en rien le fait d’être l’objet ou la chose d’un Top qui fait ce que bon Lui semble et à sa guise.
Enfin, ce que je trouve très intéressant dans ces définitions c’est la notion de légitimité et de « droit ». On retrouve expressément la notion de choix et de consentement. J’ai fait le choix de me soumettre à ce Maître, Il a donc un droit légitime d’agir en tout maîtrise pour la relation et par écho, sur/pour/envers moi.
C’est un droit que je Lui ai donné en Lui offrant ma soumission. Il m’a offert le droit de Lui appartenir, je Lui offre en contrepartie le droit de m’avoir en propriété.
Si c’est la notion de pouvoir décisionnel sur la vie qui dérange, j’en viens à questionner sur le fait de « pourquoi se soumettre ? » dans ce cas. Se soumettre pour en réalité tout contrôler de la relation et de ce qui y est vécu, ce n’est pas se soumettre. Je fais le choix qu’Il ait ce pouvoir décisionnel sur ma vie et Il a accepté ce pouvoir.
Si nous ne pouvons pas accepter cela, pour moi, on en revient au fait de se mentir à soi-même et de vouloir vivre du BDSM, sa soumission, sans prendre la responsabilité de ses choix, de ses pensées et de ses actes.
L’appartenance n’enchaine pas, elle libère.
On a pris un bateau, on a choisi la destination .. mais après on devient libre de vivre tout ce que l’on veut durant ce voyage à durée indéterminée .. on connait la destination, on sait où l’on va avec Lui et ensuite vient les flots de la vie, de la richesse de l’infini dans le BDSM pour vivre un voyage sans nul autre pareil.
Lui appartenir c’est avoir fait ce choix que ce serait Lui et cette direction .. la Sienne, celle qui m’a proposée dans le contrat .. et que j’ai acceptée.
Quand la direction n’est pas celle que l’on souhaite, alors libre à nous de ne pas prendre ce bateau et d’attendre sur la rive. Celles et ceux qui font des choix malgré leur bon sens, leur réflexion, ne sont-ils pas en grande partie responsable d’une destination non désirée ou d’un naufrage à un moment donné ?
Je Lui appartiens et parce que c’est Lui, j’ai la joie et parfois la peine de pouvoir lutter contre mes démons, parce que c’est Lui je kiffe être au sol malgré le confort du sofa qui me tend les bras, parce que c’est Lui j’ai cette envie de hurler, de vouloir tout détruire autour de moi quand j’ai mal, parce que c’est Lui cette douleur je la déteste et en même temps la fait être ma meilleure amie. Parce que c’est Lui qui fait que je voudrais qu’on me détache mais c’est parce que c’est Lui que quand les cordes quittent progressivement mon corps je voudrais qu’Il ne les défasse. Parce que c’est Lui que j’ai choisi et parce que c’est Lui qui m’a acceptée. Sans Lui ma soumission n’existerait pas.
C’est ça, pour moi, Lui appartenir.
2 thoughts on “C’est quoi pour toi être la propriété d’un Maître ?”
Encore un texte rempli de bon sens. Allotei, merci de partager ta vision et réflexion sur ce sujet. Comme d’habitude je me retrouve totalement dans ce que tu écris. Est ce étonnant ? En tout cas je prends toujours un plaisir immense à lire tes articles et ceux de Maître Baïkal.
Merci à V/vous.