Passion BDSM vs Amour
Note 1 : Dans le présent document, les termes employés pour désigner des personnes sont pris au sens générique, ils ont à la fois la valeur d’un féminin et d’un masculin.
Note 2 : Dans cet article, je vais essayer de vous parler de la Passion BDSM versus Amour selon mon point de vue, qui n’a pas valeur universelle.
Note 3 : Je tiens à remercier ma soumise : allotei. Sans elle, je n’aurai pas toutes ces conversations si utiles et si intéressantes qui me et nous poussent dans des réflexions. Ces articles étant fréquemment l’aboutissement d’une réflexion.
Je vais tenter par cette réflexion de vous montrer mon cheminement qui conduit de l’amour, à l’amour passionnel, pour finir sur la passion BDSM.
Sur les réseaux sociaux BDSM, je lis fréquemment des annonces, des descriptions de personnes cherchant un/e personne soum ou Dom, et dans leur description, l’individu déclare re-chercher l’amour. Si ce n’est pas exprimé clairement, entre les lignes c’est ce que l’on peut lire. On ne lit pas leur passion du BDSM, ni même une passion amoureuse, mais une recherche d’amour.
Ils expriment par là, non pas qu’ils veulent aimer une personne, mais qu’ils veulent être aimés.
Mais aimer (amour) pour certains, ne serait-ce pas une manière de guérir ?
Les blessures internes que portent ces personnes, ne seraient-ce pas des blessures d’amour ? C’est-à-dire des blessures de lien, une souffrance dans les relations affectives : solitude, insatisfaction, manque de tendresse, incompréhension, difficultés d’acceptation de l’autre ou par l’autre… Et ceci, même si cela ne concerne pas en premier lieu le lien d’amour. Il semblerait que l’amour soit la toile de fond.
Même s’il est vrai que la nourriture d’une relation BDSM est aussi une nourriture d’amour, un amour qu’on reçoit et qu’on échange. Mais on donne aussi de l’amour ! Une relation BDSM est une relation allocentrée, on attend donc pas de l’amour pour en donner, on donne de l’amour et en retour on peut en recevoir. Mais si l’unique motivation est de recevoir de l’amour, forcément le risque est de ne pas trouver d’alter égo, de rester seul.
Ces personnes semblent ne pas avoir compris que dans leur cas guérir n’est pas d’être aimé, mais d’oser aimer sans attendre un quelconque retour ! Cela ne veut pas dire que c’est aimer sans retour, que c’est un amour agapé (amour universel, désintéressé et qui fait de la place).
Pour eux, la condition du bonheur est de re-trouver une complétude qui les libérerait de leur solitude. Ils croient et se comportent comme si le bonheur venait d’un amour exclusif et définitif représenté par une personne unique, qui seule serait capable de les apaiser en restaurant une sensation d’unité.
La relation BDSM est une recherche du 1 + 1 = 1 (deux personnes se comportent comme si, ensemble, elles ne formaient qu’une seule personnalité complète). Cette relation, symbiose, n’est viable qu’à partir du moment où chaque individu est actif dans sa posture. L’individu passif ne mettra pas en œuvre la gamme complète de ses états du Moi. Il sera sous emprise, il y aura une dépendance et la dépendance prolongée n’est accordée qu’en échange d’une obligation. Or, les obligations s’accompagnent de ressentiment, ce qui empêche l’intimité. La dépendance engendrera une symbiose pathologique.
La rancune est accumulée et déniée, dans le cas d’une symbiose pathologique. cette rancune est liée à l’exclusion d’une partie du Moi et donc à la méconnaissance et l’insatisfaction de nombreux besoins. De cela l’intimité en souffrira.
Cette forme de relation re-cherchée de l’amour, en fait, exclut l’autre ! L’autre n’est pas aimé en tant qu’il est autre justement, c’est-à-dire différent. Il est voulu pour prolonger un fonctionnement dans lequel soi et l’autre ne sont pas vraiment ou totalement différenciés… Essentiellement, on n’aime que soi, rétabli dans sa complétude. Ou plus exactement, on aime un complément de soi, en ce sens que l’autre est chargé de manifester la partie de soi qui est reniée.
L’amour manque et met les individus en recherche et donc en mouvement. Les difficultés naissent lorsque ce mouvement tend vers une forme de relation aimante exclusive. Ils développent alors des caractéristiques moins enviables comme l’insatisfaction permanente avec souvent possessivité et jalousie. La non-viabilité de cet amour apparaît dès lors qu’ils obtiennent ce qui leur manquait (quand Eros a consommé, il s’ennuie !). In fine, cette dynamique conduit vers la mort ; “comme dans Roméo et Juliette, il faut que les héros meurent pour que le manque ne soit jamais comblé” Luc Schreiden.
Si le manque est l’essence de cette forme d’amour, il risque de prendre des formes extrêmes : la passion. L’amour fou qui exalte mais qui aussi torture et affole.
J’ai déjà observé des individus (soum ou Dom, voire switch la plupart du temps) en couple ou recherche de one shot, qui sont dans des kinks (ceux que je nomme : les gamers), qui peuvent se résumer à la rencontre d’enfants avides. On comprend que la douleur et le manque seront plus souvent au rendez-vous que la joie.
Ne peut-on aimer que dans le manque et ne jamais se poser pour se délecter, profiter dans le bon sens du terme, jouir et aimer quand même ?
Il y aura joie, plaisir, jouissance quand on cessera d’espérer autre chose que ce que l’on a. Si en présence d’un individu nous sommes occupés par des regrets, par un manque, par une insatisfaction, par d’autres projets (l’herbe étant toujours plus verte dans le pré d’à côté), alors nous ratons à coup sûr le plaisir ou le bonheur de la rencontre.
Dire “Je t’aime” dans le manque, c’est demander à l’autre de dire “Moi aussi !”. Dire “Je t’aime” dans la joie, c’est dire “Il y a une joie en moi et la cause de ma joie, c’est que tu sois là…”. Ce n’est plus demander, c’est remercier. Ici, ce n’est pas parce que ça me manque que j’aime ; c’est ce que j’aime qui parfois me manque : la joie est première.
Il faut cesser de fluctuer entre ces deux affects, entre attente et gratitude !
Donc s’il ne faut pas aller vers l’amour sans passion, peut-on alors aller vers l’amour passionnel ?
La passion, du grec pathein, souffrir, a été à l’origine des termes français “pâtir” et “pathologie”. La passion qui pousse à la folie pourrait se définir par un excès d’affects, un excès de passion. Quant à la passion qui tourne à une psychose, elle pourrait se définir comme la mise en œuvre d’un mécanisme de destruction psychique pour mettre fin à une relation fusionnelle. A. Green (1980) parle de l’importance du facteur affectif et des possibles transformations : “Que sont en fin de compte la force des pulsions, ou la nature des fixations ? Rien d’autre que l’intensité de la passion et l’attachement à son objet”. M. Aisenstein (1996) précise “[…] l’amoureux n’est plus agent mais patient de sa passion”,
Pour A. Green, c’est bien le facteur quantitatif, la force, l’excès, l’hubris, la démesure, qui, est à la source de la pulsion. Ces derniers deviennent prédominants au point de diriger le Moi dans des aveuglements de bon ou mauvais augure. Sigmund Freud, en 1923 définit le psychisme en trois instances : le Ça, le Moi, et le Surmoi. Le Ça est le siège des désirs et des pulsions refoulées, il est guidé par le principe du plaisir. Le Moi est le médiateur entre les deux autres instances, il est guidé par le principe de Réalité. Le Surmoi représente la conscience morale et l’intériorisation des interdits de l’enfance, il agit comme le juge censeur.
Dans la passion amoureuse, l’individu ne réfléchit plus avec sa raison, mais avec sa subjectivité, ses affects, ses émotions. Comme disent souvent les sages : l’amour rend aveugle et bête. La subjectivité de la personne amoureuse se trouve balayée par un tsunami de forces d’attraction. Ces forces se trouvent, en termes quantitatifs, à un degré d’échelle abrasant toutes les contre-forces que sont les défenses du Moi. Les défenses ne peuvent que céder, surtout lorsqu’elles sont soumises à de constants remaniements. Je pense que l’on peut dire dans le BDSM que les défenses du moi sont en constants remaniements.
Lorsque l’on parle de passion, on évoque aussi très souvent la souffrance qu’elle implique, notamment mais pas seulement, la crainte de l’excès, l’angoisse de la rupture ou la douleur de la non-réponse de l’objet de sa passion (En psychanalyse, l’objet désigne ce qui est visé par l’individu dans la pulsion, dans l’amour, dans le désir. L’individu choisi par le passionné comme objet de sa passion.)
Du passionné, on dit très souvent qu’il subit sa passion comme quelque chose qui s’impose à lui quoi qu’il veuille et quoi qu’il fasse. Freud disait que le Moi du passionné était terrassé par l’objet (l’individu choisi par le passionné comme objet de sa passion) et plus tard, qu’il était appauvri et abandonné à l’objet. Enfin, lorsque l’on écoute ou lorsqu’on lit un passionné, on ne peut qu’être frappé par une dernière caractéristique de la passion : tant que celle-ci croît et se développe, elle constitue pour le passionné une prodigieuse source de vie et de plaisirs, les souffrances cependant n’étant pas exclues, mais lorsque l’objet (l’individu choisi par le passionné comme objet de sa passion) se dérobe ou vient à disparaître, le passionné tombe notamment sous l’emprise de dépressions plus ou moins sévères ou encore de décompensations psychotiques plus ou moins graves. Dans d’autres cas, c’est le corps qui réagit : anorexie, boulimie. Comme on le sait, il arrive que le suicide emporte le passionné, ce suicide étant parfois précédé par le meurtre de l’objet ou du tiers, cause de sa disparition.
La passion est donc un état psychique dans lequel, pour la personne affectée (le passionné), une certaine personne (choisie par le passionné comme objet de sa passion) est perçue comme la source de tout bonheur possible. La pensée de perdre le contact avec l’objet est vécue comme un malheur à peine imaginable. Les processus de pensée sont déformés et détournés dans le but d’un maintien (imaginaire) du lien avec l’objet (par le fait de penser sans cesse à lui), ceci pouvant entraîner des erreurs de jugement. Le jugement critique relatif à l’objet est inhibé. Le rapport avec la réalité ordinaire est pour l’essentiel maintenu, mais désinvesti dans les secteurs de cette réalité n’impliquant aucun lien à l’objet. Cette condition psychique s’exprime volontiers par des formules comme : “C’est par Lui/Elle que je vis” ou “Je ne peux vivre sans Lui/Elle”.
Quel rapport entre la passion et l’amour (sentiment amoureux) ?
La passion est une composante (narcissique) du sentiment amoureux. Elle est pratiquement indiscernable de celui-ci dans la phase de l’amour à l’état naissant et aussi longtemps qu’il existe une perspective d’amour partagé. Et lorsque cette perspective existe et que peut se réaliser la transition entre l’état (l’amour) naissant et l’amour institué, la composante passionnelle s’estompe au profit de l’amour.
Par contre, dès le moment où cette perspective d’amour partagé est menacée ou absente, la passion se manifeste comme distincte du sentiment amoureux. Alors se révèle une dimension de violence inhérente à la passion, volontiers caractérisée par des métaphores à caractère oral (une passion dévorante). Cette violence, en tant que phénomène intrapsychique, s’exerce à l’égard du Moi du sujet, par le fait que la pensée de l’objet prend la place de toute autre pensée (“L’objet absorbe, dévore, pour ainsi dire, le moi” Freud (1921)). En tant que manifestation interpersonnelle (entre les individus), elle peut s’exercer à l’égard de l’objet (l’individu choisi par le passionné comme objet de sa passion), comme dans la persécution passionnelle.
Ce début d’article nous ouvre la porte à quelques questions déjà : quelle est la nature de la force inhérente à la passion ? Qu’est-ce qui détermine le choix de l’objet de la passion ? Peut-on trouver un principe d’intelligibilité dans ce phénomène en apparence si irrationnel ?
D’un point de vue clinique : passion comme symptôme
Est-ce une tentative d’autoguérison ?
Peut-on comprendre la passion comme tentative d’autoguérison ? Si c’est le cas alors de quoi le psychisme tente-t-il de se guérir au travers de la passion ?
La cause de sa passion réside-t-elle dans les merveilleuses qualités que la personne passionnée impute à l’objet ? Elle ne s’accorde à elle-même que le mérite d’avoir eu l’intuition de ces qualités exceptionnelles, que les autres, y compris l’objet de la passion lui-même, semblent ne pas voir.
Comment se fait-il que la personne objet de la passion rencontrée dans les hasards de la vie, puisse répondre aux attentes du passionné ? Sans doute que les attentes sont marquées par les représentations mentales ou fantasmatiques propres au passionné, attentes qui n’ont a priori rien à voir avec la réalité de la personne choisie comme objet.
La passion est-elle due à une régression psychique ?
Cette passion est-elle due à un réveil ou renforcement d’affects issus de l’enfance ? Il y a tout de même une ressemblance frappante entre la dépendance affective de l’amoureux à l’égard de l’objet de sa passion, et la dépendance de fait de l’enfant à l’égard de son milieu parental.
Cette passion est-elle due à un changement d’étape de vie ?
Dans ce cas, la passion est mobilisée dans un contexte d’anticipation de crise, de premiers signes de crise, ou d’un aménagement installé de longue date. La crise est induite par, ou liée à la perspective d’un changement d’étape de vie qui menace cet aménagement.
Il faut relever toutefois qu’à côté de la passion liée à une crise de vie, il existe aussi le cas de sujets qui semblent devoir, pour maintenir leur équilibre et ceci de manière chronique et donc non liée à une crise, se vivre comme en état de passion, et doivent pour cela enchaîner les aventures passionnelles les unes aux autres. Mais ne sommes-nous pas tous ainsi quelque part dans le BDSM ? Les personnes qui s’auto-définissent comme zèbre dans le BDSM ne sont-ils pas en fait des personnes qui ont sans cesse besoin d’aventures passionnelles de manière chronique ?
Sans oublier que la passion peut être moteur de changement, elle a la possibilité de balayer des obstacles qui fermaient jusqu’ici la voie au changement. Elle peut également jouer un rôle conservateur, en permettant d’ignorer la menace et en donnant une réponse illusoire aux craintes suscitées par la perspective du changement. Ces aspects “progressiste” et “conservateur” peuvent d’ailleurs coexister sur des plans différents de la vie psychique, se combiner de diverses manières.
Et la dimension masochiste de la passion ?
Il ne faut pas oublier que la passion comporte une dimension masochiste. Cette dimension masochiste est manifeste dans le fait que le passionné ne redoute rien tant que la disparition, voire une diminution, de sa passion : autant il en souffre, autant il tient à sa douleur.
D’un point de vue théorique ?
La passion est-elle la réponse à une menace sur les liens ?
Lorsque nous entendons cette expression : “Sans Vous, je ne peux pas vivre”. Cette expression n’exprimerait-elle pas une ancienne menace sur le Moi du passionné et sur ses premières relations, à l’époque où ce Moi était en voie de constitution ? Une menace vécue comme vitale (“je ne peux pas vivre”). La passion serait-elle mobilisée contre la réactualisation d’une telle menace ?
Dans ce premier point, la passion se présente comme le lien le plus fort imaginable, mobilisé pour contrer la réactualisation d’une menace portant sur des liens vitaux.
Pour les personnes qui souhaiteraient aller plus loin sur ce terrain, je vous propose d’aller lire l’ouvrage de René Roussillon Agonie, clivage et symbolisation (Roussillon, 1999). Cet auteur, reprenant des formulations de Winnicott (“agonie”) et de Bion (“terreur sans nom”), propose un modèle du traumatisme primaire.
La passion est-elle liée à un fantasme masochiste réparateur ?
Face à la menace d’une destruction du lien, l’appareil psychique se mobiliserait-il en tentant de lier cette menace, c’est-à-dire d’y injecter de la libido ? Il en résulterait une érotisation de la violence (dirigée contre le Moi) inhérente à la destruction. Mais cette mesure ne peut être mise en œuvre qu’à la condition que la libido puisse se fixer quelque part, et donc que le vide laissé par la destruction du lien, ne soit pas complet, autrement dit que la menace soit incarnée par (l’ébauche d’)un objet, qui devient ainsi (l’ébauche du) partenaire d’un fantasme réparateur (ou fantasme de reliaison, ou encore fantasme masochiste).
Le fantasme masochiste assurerait-il, en attendant mieux, un lien presque hallucinatoire, censé être fort ? Alors la terreur se transformerait en jubilation, l’angoisse en plaisir.
Dans ce deuxième point, là où le fantasme masochiste réparateur assure, face à la menace de destruction du lien, (l’ébauche d’)un lien à un objet presque hallucinatoire, la passion prend la relève de ce lien, en l’adressant (imaginairement) à une personne réelle. Ceci peut rendre compte de la dimension masochiste de la passion.
Ce deuxième point fonctionne à l’opposé du premier, alors que dans le premier la passion est censée réparer les effets d’une menace sur les liens, donc aller à l’encontre d’un processus redouté, ici la passion va dans le sens d’un mouvement ébauché souhaitable, puisqu’il s’inscrit dans la suite de l’établissement d’une ébauche de lien dans ce contexte de menace.
Il y a sur ce point un grave inconvénient, il détourne une part importante de la libido, part que la personne n’aura pas pour continuer à se développer dans sa vie privée.
Si la passion venait d’un traumatisme ?
Freud définit le traumatisme comme une disproportion entre une somme d’excitations, entraînant une effraction des barrières de protection du psychisme, et l’aptitude de celui-ci à traiter cette excitation par la liaison et la symbolisation.
Le clivage du Moi désigne la présence plus ou moins systématique chez l’individu d’attitudes opposées, incompatibles, contradictoires, donc en principe conflictuelles, persistant l’une à côté de l’autre sans s’influencer réciproquement et aboutissant à diviser le psychisme en deux zones, dominées chacune par l’une de ces attitudes opposées, et sans contact l’une avec l’autre.
Le clivage du moi, comme le relève René Roussillon (1999) existe, au moins à l’état d’ébauche, dès les premiers stades post-traumatiques. En effet, dès ce moment, doivent coexister l’adaptation à la nouvelle situation créée par le traumatisme, et la révolte ou le refus de cette adaptation.
Le clivage se sexualise, dans le sens qu’il se charge de représentations opposées relatives à la différence sexuelle. Dans cet article, je dirais que les deux parties du psychisme reconnaissent cette absence, mais l’interprètent différemment : la part dominée par la position masochiste l’interprète comme castration, d’où la suspicion de jalousie à l’égard de la femme, son dénigrement et son exclusion.
Dans ce cas, la passion intervient ultérieurement comme moyen de traitement tardif du clivage : l’objet de la passion est supposé réunir et relier des traits symbolisant les univers respectifs qui se sont créés pour l’enfant dans les relations avec chacun des deux parents ; elle permet ainsi de créer un lien (imaginaire) par-dessus le clivage.
Dans ce troisième point, la passion est mobilisée comme tentative de traitement du clivage, dans le sens qu’elle suscite l’espoir de pouvoir créer un pont par-dessus celui-ci, voire de permettre la réunification, ceci par le fait que l’objet de la passion est supposé entretenir des liens de part et d’autre de la ligne de clivage.
Ceci a lieu à un moment de la vie où le clivage, jusque-là toléré et intégré à l’aménagement en vigueur pendant une longue période, cesse d’être aussi bien toléré en raison de l’imminence d’un changement lié à l’étape de vie.
En faisant converger ces tendances opposées sur cet unique objet, la passion tend à les réunir et à assurer ainsi (imaginairement) la restauration de l’unité du Moi compromise par le clivage. En conséquence, le principe de cette unité restaurée du moi réside dans l’objet ! Ce qui fait tenir cette construction, sa clé de voûte, serait donc cet objet de la passion, identifié à une personne particulière ? Tel est en effet le paradoxe de la passion.
Conclusion
La voie de l’Amour n’est pas une voie qui permet de se et de construire une relation BDSM, car cela conduit à une voie de garage sans issue et dans laquelle on se perd.
J’ai tenté aussi d’énumérer trois points de fixation possibles pour le développement ultérieur d’une passion. Quel point est le plus probant ? Sont-ils vrais tous les trois ? Et ces trois facteurs agissent-ils indépendamment l’un de l’autre ? Ou bien ne sont-ils que des manifestations différentes d’une même motion psychique ?
Par contre détourner la passion de l’amour, pour la tourner vers le BDSM et/ou les cordes, de mettre toute son énergie non pas dans une passion amoureuse, mais dans une passion BDSM et/ou de cordes, c’est détourner l’objet de la passion, L’individu n’est plus l’objet de la passion, mais c’est le BDSM et/ou les cordes qui deviennent l’objet. Là peut être qu’on pourra détourner les conséquences de cette passion, et rendre la relation D/s moins tendue.
Ce détournement engendrera peut-être un détachement, sera peut-être libérateur pour la personne dominante (celle qui domine ses sentiments) et pour la personne passionnée (celle qui est soumise à ses sentiments), ce qui laissera peut-être plus d’espace à chacun pour gérer, contrôler, maîtriser sa soumission, sa domination, sa maîtrise, et la relation.
Source : Marie-José Grihom, Luis Izcovich, Pascal-Henri Keller, Patrick De Neuter, Gérard Pirlot, Jean Schmid, Luc Schreiden.