Le syndrome de la princesse dans le BDSM
Note 1 : Dans le présent document, les termes employés pour désigner des personnes sont pris au sens générique; ils ont à la fois valeur d’un féminin et d’un masculin.
Note 2 : Dans cet article, je vais parler de ma vision du syndrome de la Princesse.
Je vois de plus en plus de personne dans le BDSM partir dans une dérive, voire même de se tromper totalement, leur recherche de BDSM se fait pour de mauvaises raisons. Ils ne font qu’alimenter le syndrome de la princesse chez les personnes qui se définissent comme soumise, ou certaines soumises se trompe dans les fondations même du BDSM, ce n’est pas la recherche du Saint Graal, du prince charmant (sans oublier que Maître(sse), Dominant(e) ou soumis(e) n’est pas un titre que l’on s’octroie, c’est un titre que qui nous est donné par nos actes, et par nos comportements et attitudes)
Blanche Neige et le Dominant
Je vais commencer par vous raconter une histoire : Blanche Neige et le Dominant.
C’est l’histoire d’un roi qui perd sa femme et se remarie. Sa nouvelle épouse, dévorée par le désir de rester la plus belle de toutes, tient sa belle-fille à l’écart. Lorsqu’elle découvre, grâce à son miroir magique, que celle-ci, en grandissant, est devenue plus séduisante qu’elle-même, elle décide de la faire souffrir, pour l’enlaidir. Mais le dominant chargé de cette besogne a pitié d’elle et la laisse s’enfuir. Après avoir traversé une forêt terrifiante, Blanche-Neige rencontre sept nains généreux qui lui permettent de survivre dans la forêt inconnue. Hélas, la marâtre aux pouvoirs de sorcière la retrouve et lui fait croquer une pomme ensorcelée. Seul le baiser d’un homme aimant, un prince charmant pourra rompre le mauvais sort.
Avec Blanche Neige et le Dominant, une nouvelle femme est arrivée.
La belle-mère de Blanche Neige est fâchée avec la vie sous toutes ses formes et son accession au trône plonge le royaume dans une désolation générale. Les plantes se dessèchent, les arbres meurent, les hommes maigrissent et dépérissent…
Le père de Blanche Neige a été incapable d’empêcher que sa fille soit enlevée et violée par un vieux roi. Il a fallu qu’elle se défende seule, et on comprend qu’elle l’a tué, s’est emparée du pouvoir, et a décidé de faire de même avec tous les souverains des royaumes voisins. Elle s’introduit auprès d’eux en faisant croire qu’elle a été victime d’un mauvais sort ou d’un ravisseur. Le roi qui croit la délivrer est séduit par sa beauté et l’épouse. Elle le tue le soir même de leurs noces et s’empare ainsi de la couronne.
Le prince charmant rappelle maintes fois à Blanche-Neige combien ils étaient proches l’un de l’autre dans l’enfance, elle lui rétorque à chaque fois qu’ils n’arrêtaient pas de se disputer. Même l’instant ou Blanche Neige est séduite reste très ambigu, car ce n’est pas le prince qu’elle embrasse en réalité, mais sa belle-mère qui a pris son apparence pour l’inviter à croquer la pomme… C’est tellement ambigu, qu’il est difficile de savoir si Blanche-Neige cède à la séduction du prince ou à un enchantement que sa sorcière de belle-mère lui aurait jeté en prenant l’apparence de celui-ci.
C’est à cet instant, que le Dominant arriva dans la vie de Blanche Neige. Alors que le prince charmant n’a rien d’autre à proposer à Blanche-Neige que son amour et sa main, le dominant, lui, va lui apprendre à se battre. Est-il pour autant une nouvelle image de celui que la jeune fille attend ? Pas vraiment. Car s’il est efficace et courageux, il est aussi mauvais garçon, joueur et alcoolique. C’est à lui qu’il reviendra pourtant de donner le baiser salvateur… dans des conditions bien difficiles.
Dans cette histoire, Blanche-Neige et le Dominant ne sont pas seulement une histoire sans sexe, c’est aussi une histoire sans homme : les hommes y sont réduits à de simples figurants, voire à des armures vides comme dans les pièges tendus par la belle-mère…
Les pères, d’abord, ont disparu. Les maris ? Le seul à y être représenté se retrouve avec un poignard planté dans le cœur le soir de ses noces. Les amants possibles ? Les deux héroïnes les laissent tomber sans regret pour accomplir leur destinée… Et les frères ? La belle-mère a fait du sien son chevalier servant, pour ne pas dire son esclave dévoué. Plus encore : les hommes disparaissent du processus de filiation. On chercherait en vain un mot ou une phrase pour évoquer leur rôle. En revanche, la filiation entre mère et fille est soulignée dans le cas des deux héroïnes.
Du côté de Blanche-Neige, trois gouttes de sang perdues par sa mère à cause d’une rose d’hiver accordent à sa fille un enchantement positif. Quant à la belle-mère, ce sont trois gouttes de sang versées par sa mère dans du lait et bues un soir de carnage qui lui ont conféré ses pouvoirs démoniaques. Trois gouttes de sang sur la neige d’un côté, trois gouttes de sang dans le lait d’un autre. Et ces trois gouttes insistantes semblent rappeler les “trois gouttes” de sperme qu’un père, même de passage, consent toujours à déposer même s’il brille ensuite par son absence. C’est là qu’intervient le dominant, seul héros masculin de l’aventure. À un moment où l’on pourrait croire qu’elle va se donner à lui, il lui dit : “Ne te fais pas d’illusion.” Pas d’illusions ni sur le sexe, ni sur l’amour, ni sur le coup de foudre, ni sur les hommes… Alors que de lui, Blanche-Neige pourrait peut-être entendre un message différent, il contribue à écarter la rencontre amoureuse des projets désirables. La seconde partie du message du dominant est plus claire encore : “Tu es petite, tu es fragile, laisse ton ennemi s’approcher tout contre toi, et plante lui ce poignard entre les côtes.” Blanche-Neige saura s’en souvenir.
Sa récompense ? C’est à lui qu’il reviendra de rompre le sortilège et de réveiller la princesse par un baiser sur la bouche. Le problème est qu’il n’en saura jamais rien : le réveil est en effet différé, la princesse se réveille après qu’il soit sorti de l’église où était déposé son cercueil, et elle apparaît sur la place après qu’il s’en est lui-même éloigné. Et elle, le sait-elle ? Rien ne le dit non plus. En tout cas, une fois sacrée reine sans roi, elle ne fera aucun pas vers lui. L’histoire se referme sur leur solitude à tous deux, aussi étrangers l’un à l’autre qu’avant leur première rencontre. L’amour ne pèse décidément rien face aux barrières sociales, et surtout au désir de pouvoir…
Ainsi, la belle-mère veut venger sa mère et prendre la place de son meurtrier, le roi. Blanche-Neige veut venger son père et prendre la place de ce dernier. Aucune de ces deux femmes ne cherche à prendre la place de leur mère. C’est le père qui détient le pouvoir dont il faut s’emparer. Ainsi apparaît dans cette histoire un nouveau choix qui s’offre à l’adulescente d’aujourd’hui. À l’époque de Freud, la fille entrait dans l’Œdipe en décidant de s’identifier à sa mère et de séduire son père, puis en sortait en décidant de séduire un autre homme. Dans Blanche-Neige et le Dominant, l’héroïne ne cherche à séduire personne et décide de prendre la place de son père.
Finalement, la mère de Blanche-Neige qui désirait ardemment avoir un garçon et qui accouche d’une fille peut se déclarer heureuse que le ciel ne l’ait pas exaucée. D’abord, parce que seule une fille a le pouvoir de rompre la magie des sorcières : aucun “prince” , aussi charmant fût-il, n’y peut rien. Et ensuite parce que sa fille deviendra reine sans qu’aucun prince charmant vienne l’empêcher de faire ce qu’elle veut. Car si les soumises savent maintenant attraper les dominants par leur orgueil, elles sont tout aussi capables de ne pas se laisser prendre par eux. Avec Blanche-Neige et le Dominant, l’adulescente est invitée à troquer son rêve de robe de princesse pour celui d’une couronne royale.
Cette histoire nous invite à voir dans ces deux femmes les deux facettes complémentaires de la passion adulescente. Si la belle-mère n’avait pas été enlevée et violée par un méchant roi dans son adolescence, peut-être aurait-elle pu devenir Blanche-Neige ? Et si Blanche-Neige avait été violée par le Dominant, peut-être aurait-elle pu devenir la belle-mère ? Leur destin les a faites opposées, mais elles sont en réalité semblables : l’une et l’autre ont besoin de l’argument d’une vengeance à accomplir pour justifier leur désir de pouvoir.
D’un côté se trouve Blanche-Neige, brûlant d’aller vers tout ce qui palpite et respire, capable d’allumer un feu avec trois brindilles dans la cellule humide et froide où elle est emprisonnée, et qui noue avec les animaux une relation fusionnelle. De l’autre, la belle-mère, dévorée par le désir d’une emprise glacée sur l’ensemble du monde qui l’entoure, aussi bien humain que non humain. Mais ces deux pôles incarnés par des personnages différents dans cette histoire ne sont-ils pas présents chez toute adulescente ? L’adulescente est partagée entre deux désirs : fusion et emprise.
Mais Blanche-Neige et le Dominant ne nous invite pas seulement à penser autrement l’adulescence. Cette histoire porte aussi un regard nouveau sur la féminité. Traditionnellement, les deux seules questions évoquées au sujet des femmes concernaient leur sexualité et leur désir d’enfant. Dans les deux cas, l’idée était qu’il fallait limiter les excès censés être inscrits dans leur “nature” : sensuelles, toujours insatisfaites, avides d’un pouvoir sans limite sur leurs enfants… Les diverses religions semblent avoir été conçues à cette fin, et une partie de la psychanalyse les a malheureusement relayées en invoquant la nécessité d’imposer des limites à leur désir d’emprise absolu sur leur progéniture.
Blanche-Neige et le Dominant montre une adulescente nouvelle, qui revendique le désir de diriger le monde. Les hommes, qui ont toujours valorisé ce désir pour eux-mêmes, auront bien des difficultés à la convaincre qu’elle se fourvoie !
Cette histoire est une adaptation de Blanche Neige et le chasseur de Serge Tisseron. Pensez-vous que l’on est loin de la réalité ? Pensez-vous que vous ne vous voyez pas dans un des acteurs de cette histoire ? Cette histoire ne vous parle-t-elle pas ?
Le syndrome de la princesse
La misère sentimentale du gentil petit Dominant puise en bonne partie ses racines dans le syndrome de la princesse, c’est-à-dire le fait de placer les soumises sur un piédestal. Cela part d’un bon sentiment, mais cache en réalité une incapacité à les considérer en tant qu’adultes. Quelque part, c’est insultant. La soumise n’est pas vue comme un être responsable, mais comme un éternel petit enfant fragile et innocent, voire comme un objet. Un exemple typique est de se sentir gêné de voir que la soumise nous vouvoie, qu’elle se mette à genoux, le gentil petit Dominant va lui demander de le tutoyer, de se relever. Il va chercher à l’acheter par les affects, mais il oublie que de demander à une soumise de le tutoyer, de ne pas se mettre à genoux, c’est faire injure à leur choix d’être dans la soumission.
En traitant la soumise comme soumise, elle réagira en soumise et non en princesse. Bien évidemment, toutes celles qui n’ont pas en elles cette capacité à se soumettre, ne réagiront pas en soumise, elles réagiront telle une princesse.
Le syndrome de la princesse chez un homme traduit donc le fait de ne pas avoir dépassé le stade de la petite enfance dans sa vision des femmes.
Les psychologues mentionnent aussi la tendance à reproduire la même admiration que l’on avait pour sa maman, la plus belle et la plus parfaite des femmes. Ce complexe d’œdipe conduit à de sérieux problèmes : forte prédisposition à l’adoration (amour obsessionnel) et la souffrance qui en découle ou au contraire à une éternelle incapacité à se satisfaire d’une soumise, celle-ci ne pouvant jamais être à la hauteur de cette image de perfection féminine derrière laquelle le gentil petit Dominant court. La méconnaissance de soi empêche de voir la soumise en face de lui telle qu’elle est véritablement.
Qu’est-ce que le syndrome de princesse pour une personne soumise, il ne s’agit pas de vouloir mettre à tout prix des robes qui virevoltent et qui brillent, le syndrome de la princesse s’applique aussi à la soumise qui aime les trous dans ses jean’s et qui mieux, se trouve fort sexy avec.
L’environnement n’est pas nécessairement un château, ou un manoir ou n’importe quelle maison avec une piscine, il peut s’agir d’un banal deux-pièces.
Le syndrome de la princesse ne s’adresse pas à la part romantique des filles, mais bien à leur ego…
L’idée qu’un beau jeune Dominant avec son armure et son cheval vienne les sauver pour leur donner un baiser qui les réveille d’un long sommeil (comme Blanche-Neige) ou qu’elles passeront leur vie malheureuses à nettoyer le sol (comme Cendrillon) peut être très beau dans notre fantasme, mais dans la réalité, cela n’arrive pas. Il s’agit du désir inconscient des femmes d’êtres protégées et/ou choyées tout le temps.
Tout au long de l’Histoire, nous avons toujours entendu que, dans nos sociétés, les hommes devaient protéger et prendre soin des femmes. L’image de la femme idéale a toujours été une image de soumission et de dépendance envers sa moitié, même dans le milieu du cinéma et de la littérature. Cependant, selon les hommes, les femmes faisant preuve d’assurance et de confiance en elles ont toujours été plus attractives.
Il est certain que les hommes aiment ce rôle de protecteur, un Dominant encore plus évidemment. Cependant, ils apprécient également d’évoluer à la même allure que leur soumise.
Une soumise qui s’est fixée des objectifs et qui met tout en oeuvre pour y arriver sans dépendre de personne, est perçue comme une soumise avec qui il est possible d’évoluer et de réussir à deux.
En revanche, lorsqu’une soumise n’existe qu’à travers son Dominant, il est plus difficile d’avancer et la relation finira par s’épuiser, la routine et l’habitude prenant le pas sur l’évolution.
La plus grande erreur que commettent de nombreuses soumises est de chercher et de se fixer des objectifs uniquement au travers de leur relation, ou uniquement en obéissant sans réflexion, mécaniquement. La personne soumise ne devrait dépendre de son Dominant pour se sentir bien. La plupart des players aiment particulièrement que leur soumise soit indépendante, qu’elle sache qui elle est et où elle va, c’est-à-dire qu’elle soit dans une soumission active.
Il est très important de rappeler que porter tout le poids de la relation sur ses épaules est fatiguant et usant. La soumise qui a conscience d’avoir sa propre identité, qui respecte sa posture, celle de son Dominant, qui vit une soumission active, qui laisse l’acte décisionnel à son Dominant, mais qui l’aide à prendre les bonnes décisions, cette soumise là, sera bien évidemment recherchée par les Dominants. Elle permettra à la relation de s’épanouir et surtout de ne pas laisser s’installer la routine et l’habitude, sinon la relation deviendra vite artificielle.
On retrouve bien évidemment ce syndrome de la princesse chez les dominas. je reprends le paragraphe ci-dessus : “L’idée qu’un beau jeune soumis avec son armure et son cheval vienne les sauver pour leur donner un baiser qui les réveille d’un long sommeil (comme Blanche-Neige), etc. peut être très beau dans notre fantasme, mais dans la réalité, cela n’arrive pas. Il s’agit du désir inconscient des femmes d’êtres protégées et/ou choyées tout le temps.” Je n’irai pas plus loin sur ce terrain-là, étant mal placé pour parler des Dominas et des soumis.
Source :
http://www.lifestyle-conseil.com/
https://psychologie.aufeminin.com/
https://nospensees.fr/
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