Le paradoxe BDSM
Si j’étais fumeur, je serais informé en permanence que fumer tue, mais je ne réduirais peut-être pas ma consommation de cigarettes : les images médicales repoussantes me paraîtraient si irréalistes et grossièrement alarmistes que je les cacherais ou m’en amuserais. Je me dirais que si c’était vraiment dangereux, l’État-providence, si soucieux du principe de précaution, aurait pris de réelles mesures pour assainir les cigarettes ou en interdire la vente. Il me faudrait produire un effort pour assimiler les preuves et changer drastiquement mes habitudes.
Dans le BDSM ou dans les cordes, c’est pareil : tant que tout le monde se voile la face, que les associations ne se remettent pas en question, tant que personne ne fait un travail sur soi, afin d’endiguer tous les actions, les actes qui sont dangereux, les atteintes à l’intégrité physique ou morale, alors personne ne se montre raisonnable et agit autrement que pour se donner bonne conscience.
Des matérialistes et hédonistes nous ont exhorté à jouir sans entraves, tout à coup il faut respecter une discipline de tous les instants. Des mystiques New Age nous ont expliqué que la clef du bonheur et de la sagesse résidait dans la concentration sur l’instant présent, soudain il faut penser aux autres, les aider, et les sauver, mais je vous jure que je fais ce que je peux. Comme vous. Et ça n’est pas assez. Ça ne sera, peut-être, jamais assez.
Voilà tout le paradoxe BDSM : nous sommes conscients que la maison brûle, mais pour l’instant nous sauvons le feu.