Le Bad DomSpace
Note 1 : Dans le présent document, les termes employés pour désigner des personnes sont pris au sens générique, ils ont à la fois la valeur d’un féminin et d’un masculin.
Note 2 : Dans cet article, je vais essayer de vous parler de ce que j’ai appelé le “Bad DomSpace”.
C’est en observant lors de soirée BDSM, l’attitude et le comportement de certains couples ou Tops, que je suis arrivé à différencier deux types d’attitude chez les Tops : les Maîtres et les Dominants :
- Les Maîtres sont dans la recherche de maîtriser ce qu’ils font, de maîtriser leurs actes, actions avec une énorme bienveillance à l’égard de leur soumise/esclave. Leur recherche est de maîtriser leurs pratiques pour le “bien être” de leur bottom, pour amplifier les émotions et faire vivre, intensifier la vie de leur relation;
- Les Dominants eux, sont dans un jeu, comme le dit M. Foucault, ci-dessous, un “jeu d’échecs”.
Chez les Dominants, j’ai observé que leur attitude avait comme conséquence deux types de comportement opposé, qui les conduit dans deux types différents de DomSpace :
- Le “Right DomSpace” : un DomSpace engendré par un “jeu” dont le Top accepte les trois types d’issus possible : Gain, Perte, Nul ou Égalité. L’important pour lui est le jeu et non le Gain ;
- Le “Bad DomSpace” : un DomSpace engendré par une recherche de Gain à n’importe quel prix, même au prix de l’intégrité mentale ou physique de la personne soumise. Pour lui, elle doit impérativement perdre !
Michel Foucault caractérise avant tout le masochisme comme un comportement ludique ouvert et dirigé par le rapport de passivité-autorité. La “différance” (concept que les mots et les signes ne peuvent jamais pleinement réaliser de suite ce qu’ils signifient, mais ne peuvent être définis que par le biais de recours à d’autres termes desquels ils diffèrent, dixit wikipédia) de l’acte, le suspens, caractéristiques du sm, peuvent en effet s’entendre comme une tentative d’érotisation des pesanteurs qui obèrent si souvent les échanges conflictuels, les rivalités pour le pouvoir érodant la vie des couples : « Le sadomasochisme n’est pas une relation entre celui (ou celle) qui souffre et celui (ou celle) qui inflige la souffrance, mais entre un maître et la personne sur laquelle s’exerce son autorité. Ce qui intéresse les adeptes du sadomasochisme est le fait que la relation est à la fois soumise à des règles et ouverte. Elle ressemble à un jeu d’échecs, en ceci que l’un peut gagner et l’autre perdre. Le Maître peut perdre, dans le jeu sadomasochiste, s’il se révèle incapable de satisfaire les besoins et les exigences de souffrance de sa victime. De même, l’esclave peut perdre si elle ne parvient pas à relever, ou si elle ne supporte pas de relever, le défi que lui lance son Maître. Ce mélange de règles et d’ouverture a pour effet d’intensifier les rapports sexuels en introduisant une nouveauté, une tension et une incertitude perpétuelle, dont est exempte la simple consommation de l’acte. »
Pour M. Foucault, le SM est l’érotisation du pouvoir, l’érotisation de rapports stratégiques, mais il reste toujours un rapport stratégique fluide : le rapport peut s’inverser et dans le rapport stable les protagonistes savent toujours qu’il s’agit d’un jeu. Ce jeu ne reproduit pas véritablement pour lui la structure du pouvoir, étant capable de procurer du plaisir sexuel ou physique. C’est un processus d’invention qui utilise de nouvelles parties du corps, des parties bizarres de ce corps. Pour lui, dans le sm, les jeux stratégiques font partie intégrante du sexe. M. Foucault ne pense pas que le sm se résume à un produit de tendances inconscientes sadomasochistes : « Je pense que le s/m est beaucoup plus que cela ; c’est la création réelle de nouvelles possibilités de plaisir, que l’on n’avait pas imaginées auparavant. ». Il demeure un MAIS quand même…
L’image pornographique que véhicule le BDSM prend très certainement racine dans cette intensification des rapports sexuels générée par ce “jeu d’échecs”. Pour certains et certaines le BDSM est une sexualité amplificative et alternative.
C’est dans ce “jeu d’échecs” que la notion de domination (Dominant) prend sa racine. Le Dominant va chercher par tous les moyens à ne pas perdre ! Le fait que la soumise (esclave) refuse de perdre, va pousser le Dominant dans sa domination, qu’il interprètera ce refus de perdre comme une “provocation” !
Lorsque le dominant est mauvais joueur, qu’il sort du “jeu”, et prend au premier degré le refus d’échec de la personne soumise/esclave, il a le sentiment de perdre dans ce jeu, là il va entrer dans ce que je nomme un “Bad DomSpace”, il n’a plus conscience de ce qu’il fait, il devient dangereux, car il sort du jeu pour entrer dans une violence. C’est que trop tard qu’il prendra conscience de ce qu’il vient de faire, mais ce sera déjà trop tard !
Chez les bottoms (soum ou esclave), en les observant leur comportement, il est difficile de voir une quelconque obéissance et/ou soumission à leur Top. Il n’y a aucun allocentrisme. On observe surtout une obéissance et/ou soumission à leur égo, certaines vont même jusqu’à prendre l’étiquette d’esclave afin de mieux provoquer (comme dans le sport, on peut observer certains sportifs provoquer leur adversaire avant et pendant) pour leur faire perdre tout leur moyen, afin de s’assurer plus facilement de la victoire. On retrouve là aussi des soumises mauvaises joueuses qui sont dans le refus de perdre ! Elles n’ont pas conscience de la dangerosité de leurs attitudes et comportements si elles ont comme partenaire un Dominant mauvais joueur ! Le résultat de leur scène peut être dramatique, qui des deux acceptera le premier de perdre et à quel moment ?
One thought on “Le Bad DomSpace”
Analyse très pertinente, comme d’habitude …
Et une invitation à lire ou relire Foucault , merci.