Le lâcher prise pour retenir l’emprise dans une relation Maître/soumise
Ci-joint le texte d’une soumise novice : allotei, en réponse à une demande de ma part sur le lâcher prise et l’emprise :
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Un bout de ma réflexion sur un sujet proposé par Maître Baïkal.
Le lâcher prise pour retenir l’emprise dans une relation Maître/soumise.
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Ce qui se cache derrière la rébellion : une incapacité de lâcher prise, une impossibilité de lâcher prise ou la crainte de perdre ses propres prises / l’emprise ?
Quelques constats :
- Être dans le refus de l’emprise de l’autre et pourtant la désirer éperdument.
- Cette sensation de ne plus pouvoir/vouloir l’accepter et cette crainte incommensurable qu’elle disparaisse.
- Tenir tête pour Le (re)tenir dans ma tête ?
Le refus de l’autorité
Je tente de comprendre ce qui se joue dans ces moments où, bien que ma soumission ne soit pas remise en cause, au fond de moi je refuse. Je veux Son autorité, et en même temps je la réfute. Je voudrais qu’Il ait sans cesse le dessus sur moi et parallèlement je lutte quotidiennement, non pas contre Lui, mais contre moi. Contre cette volonté de tout ressentir de Sa part sans chercher, contre cette facilité où je n’aurai pas à faire l’effort de Lui donner ce dessus mais bien qu’Il le prenne par Lui-même.
Qu’est ce qui se cache derrière cela ? J’ai essayé de comprendre en mettant en parallèle mes ressentis, les émotions qui m’animent, cette rage, ces doutes, ces joies, ces peines, ces peurs et des pistes de réflexion trouvées au détour de Nos conversations, au détour de Ses articles.
Si on part du principe que l’une des principales finalité de la soumission est le lâcher prise alors qu’est ce que cela implique. Cela implique de céder le contrôle, de le Lui offrir mais offrir ce contrôle, Lui donner les clés pour lire encore et encore en moi comme dans un livre ouvert, ne serait-ce pas perdre mon libre arbitre ? Perdre ma faculté de réfléchir ? D’agir sur moi-même ? Finalement, dans tout cela, le point commun c’est la peur, la peur de perdre, et surtout la peur de me perdre. De perdre mon égo, de perdre ce moi omniprésent et qui est mis à mal dans cette recherche de vie allocentrée. Ainsi, qu’ai-je peur de perdre : mon égo ou Lui ? Mes prises ou Son emprise ?
Dans les cordes, sous les impacts, sous Sa main, à l’écoute de Sa voix, sous Son regard, je lâche prise, je Le laisse tout contrôler mais au fond il y a cette forme d’insécurité personnelle qui est toujours là. Evoluer dans mon BDSM c’est aussi devenir davantage avertie, ouvrir davantage ma réflexion sur ce monde et finalement la duperie a de moins en moins sa place.
Me mentir à moi-même, c’est Lui mentir. Ne pas regarder la vérité en face, c’est comme vouloir Lui cacher cette vérité, Lui montrer « ma vérité ».
Ainsi je ne perds pas réellement ma faculté de réflexion, elle est même décuplée et plus acérée. Plus on vit son BDSM et plus finalement on conscientise pleinement le choix que l’on fait de se soumettre ou de subir.
Le contrôle de soi dans le lâcher prise
Je trouve que le paradoxe est énorme entre cette recherche de lâcher prise, cette rébellion intérieure contre soi pour tout céder et en même temps ce contrôle de soi complétement nécessaire dans notre soumission. Car si je ne me contrôle pas, ce sont mes torrents d’émotions qui se déversent. Je me dois de leur faire barrage. Et parallèlement, je désire les vivre ces émotions, les vivre pour Lui et les Lui offrir, tendre toujours à ce lâcher prise, à ce don plus pur.
C’est là où pour nous soumises, il faut prendre conscience de quelque chose, dans ce don, dans ce pouvoir décisionnel qu’on Lui laisse. On perd ce contrôle de la finalité de nos actions. On ne cherche pas/plus à avoir l’ascendant inhérent à toute relation dès lors que deux personnes sont ensemble, on ne cherche plus ce contrôle de l’Autre selon nos volontés. La fuite de ce contrôle est notre leitmotiv. Mais je me dois de garder et/ou (re)prendre mes responsabilités, mon contrôle de moi-même pour être.
Se soumettre, lâcher prise c’est assumer le contrôle pour être et rejeter de soi le contrôle pour avoir.
L’amalgame est facile, car dans les deux cas on parle de contrôle, ce n’est que le verbe, l’auxiliaire qui est/va devenir notre compagnon de vie, de voyage, qui change.
Ainsi pour nous soumises, la prise de conscience serait que le contrôle de soi n’est pas l’inverse du lâcher prise ; tout comme l’autonomie n’est pas l’inverse de la dépendance.
De l’irrationnel …
(En référence à l’article sur le lâcher prise) Je pense qu’il y a chez pas mal d’entre-nous (bien que je ne m’appuie sur rien de fondé indépendamment de ma subjectivité) une forme de crainte de lâcher car il y a la crainte illusoire d’une séparation. Dans le lâcher prise, la prise n’est pas celle du Maître, c’est la prise de l’égo. La séparation existe, mais l’illusion serait de croire qu’on se sépare du Maître alors que ce qui fait mal c’est de se séparer de soi. Notre égo prend constamment des claques.
Se rebeller c’est ramener l’Autre à soi, c’est surtout s’assurer qu’Il ne nous a pas oublié, que notre présence est bien réelle dans Son paysage et s’assurer, par Ses réactions qu’Il est bien présent dans notre environnement.
Il y a donc derrière ce comportement de refus je pense assurément cette forme de crainte de l’abandon, cette crainte qui amène à la dépendance. Mais paradoxalement, cette dépendance on la refuse (on la sait néfaste à notre équilibre et à l’équilibre de l’Autre) et en même temps elle nous est vitale pour ne pas nous sentir abandonnée. Dépendre de l’Autre c’est se rattacher à une prise que nous n’avons plus sur nous-même, à ce contrôle que nous n’arrivons pas à reprendre sur nous.
Personnellement, dans cette volonté de vivre mon BDSM, je souhaite me libérer de cela et lâcher prise. Mais lâcher prise m’amène à craindre la séparation.
Ma rébellion intérieure serait donc le reflet de cette crainte, de cette angoisse de séparation que je vais tenter de palier en attirant Son attention, en Le rendant présent et en vivant les résultantes.
Au ration-en-elle …
Face à ce constat, je me suis interrogée sur les solutions … car faire émerger une réalité, la conscientiser c’est s’ouvrir les yeux quitte à se faire aveugler. Car c’est devoir accepter qu’on ne puisse, soit : pas y faire grand-chose, soit essayer d’évoluer.
Plusieurs facteurs sont importants pour entrer dans un processus de changement : la volonté, la remise en cause de soi avant de blâmer l’Autre, et surtout que cela soit étayé dans nos têtes d’une manière rationnelle. Car le problème derrière tout cela, est, je pense, au départ, un manque de contrôle de soi, et donc de nos émotions.
Ce n’est pas simple de contrôler ces choses qui ont justement pour principales caractéristiques d’être immatérielles, et donc « incontrôlables » d’une certaine manière. Mais cela devient possible si on change le regard que l’on va porter à la situation complexe, à la situation qui vient nous faire éprouver ce qu’on ressent.
Si l’on regarde la situation de manière factuelle : qu’est ce qui fait que j’ai réagi comme cela ? Qu’est-ce que cela est venu réveiller en moi ? Ai-je raison, rationnellement de réagir ainsi ? Ai-je des éléments factuels, indépendamment de mes ressentis, qui fassent qu’il soit légitime de nourrir ce mal être ?
Si oui, alors en discuter rapidement avec le Maître me semble être une solution et dans ce cas, écouter ses propres sonnettes d’alarme et peut-être remettre en question d’autres choses, l’accord qui avait été passé entre les deux parties, s’exprimer sur le sujet mais sans pour autant blâmer la terre entière avant de se blâmer soi-même. S’il y a colère, sentiment de trahison, rejet, c’est qu’au fond de nous, on est coupable à un moment d’avoir laissé passer quelque chose, de ne pas avoir été honnête envers nous-même et probablement envers l’Autre.
Mais s’il n’y a pas d’éléments factuels sur lesquels s’appuyer alors on a une manière de rationnaliser nos peurs, un moyen de dire à ce cerveau très malin pour tout tourner à son avantage qu’il n’a pas bien regardé, et que là, en ouvrant les yeux, il n’a aucune raison tangible pour nous empêcher de lâcher. Il n’a pas de raison pour nous empêcher de nous donner et ainsi chacune de nos peurs, ou presque, sont infondées. Si le Maître répond à Son devoir de protection, de sécurité, ainsi l’insécurité émotionnelle est contrée et c’est sur cela que l’on peut s’appuyer pour avancer et continuer cette lutte perpétuelle mais salvatrice avec soi-même.
J’ai personnellement des moments de pression intérieure qui fassent que dans les moments de fortes émotions, je suis souvent au bord des larmes. Mon éducation, la morale, mon caractère, ma fierté, mon égo sont souvent des barrières qui fassent que je ne veux pas craquer, je ne veux pas pleurer face au Maître, face aux autres. Et ainsi je deviens une cocotte-minute encore plus en pression qu’au départ. Lâcher les « perles » est un moyen de libérer les émotions afin qu’elles ne viennent en rien ternir le moment mais qu’au contraire, par cette libération, deviennent un vecteur de magnificence et deviennent salvatrices.
Dans toutes ces réflexions, j’essaye de trouver des clés concrètes, rationnelles, des moyens matériels, palpables, qui ne sont pas d’ordre émotionnel pour faire taire des craintes justement irrationnelles et être davantage en paix avec moi-même, et donc avec l’Autre intérieurement ; ce qui libère l’allocentrisme.
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Je crois que l’importance est d’être sincère, d’avoir conscience de cela et de le Lui dire. Ce n’est pas se mettre en danger, ce n’est pas donner le bâton pour se faire battre, c’est aussi donner des clés au Maître pour comprendre. Il ne s’agit pas de Le remettre en question, mais de se remettre en cause pour Lui.
Ressentir, faillir dans son esprit n’est pas un signe de faiblesse, c’est le signe que ce que l’on vit à Ses pieds est tellement grand, tellement fort, qu’on ne peut pas toujours tout gérer en soi. Mais ne pas tout gérer ne doit pas être synonyme « de redonner notre bébé intérieur » au Maître et d’attendre qu’Il gère pour nous ce que nous ne sommes pas capable de faire. C’est davantage Lui demander de nous encourager, voire de nous guider à porter le bébé et de tout mettre en œuvre, pour le reprendre à soi rapidement.
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Mandela disait « le courage n’est pas l’absence de peur, mais la capacité de la vaincre ». Il n’y a pas de peur sans soumission, ni de soumission sans peur. Il faut autant de forces et de courage pour affronter les deux et se donner pleinement. N’oublions pas qu’un wagon a besoin de deux rails pour avancer. Ainsi cela devient un chemin sur lequel il est possible de grandir et/ou de s’épanouir mutuellement.