La communication : la solution miracle pour toute « bonne » relation D/s ?
Texte de ma soumise allotei.
À la suite de discussions et d’échanges de pensées sur différents tchat faisant mention de BDSM, j’ai régulièrement croisé des personnes énonçant la communication comme essentielle voire miraculeuse au sein d’une relation BDSM.
Cette notion de communication est venue interroger ma propre vision et pensée à ce sujet.
Comme tout humain, mon expérience passée m’a montré que sans parler, il est difficile d’être comprise mais aussi parfois, que trop dire pouvait se retourner contre nous. Ainsi j’en viens à m’interroger sur le juste milieu de cette communication tout en étant persuadée de l’importance presque « ultime » d’une transparence totale de la part du Maître et de la soumise au sein d’une relation D/s.
Je me demande par conséquent où se trouve la frontière, si cette frontière existe et ce que cache l’idée de communication.
Peut-on parler pour ne rien dire ?
Réfléchir à cette notion de communication au sein d’une relation D/s, me rappelle ma dissertation de philo d’il y a quelques années dont le sujet était : Peut-on parler pour ne rien dire ?
A l’époque j’avais cité des auteurs, et débattu mes vagues idées sur la vie et le sujet. Aujourd’hui, je pense que non. Si nous parlons c’est que nous disons quelque chose, un mot, un son, que quelque chose est évoquée, avec du sens ou non, en revanche, je pense qu’on peut parler sans être entendue et surtout non pas pour « ne rien dire » mais parfois pour ne pas dire. Et que le contenu de notre véritable discours ne se trouve pas dans les phrases énoncées mais bien entre les lignes, dans le non-dit explicitement.
J’ai pu observer, et le vivre personnellement, des relations où la transparence réside en maître mot à tel point que les soumises et Dominants se livrent sans phare, sans barrière mais où pour autant rien n’était débattu au sein de la relation, ou encore, qu’à un moment opportun les dires de l’U/un était détourné pour venir argumenter la pensée (souvent lors de moment de désaccord) de l’A/autre. Et que cette communication venait servir les intentions personnelles de l’U/un au détriment de l’A/autre.
Je trouve cela assez tragique que les confessions, la part belle et la part sombre de chacun soit à un beau moment, mise au-devant pour être jugée voire pour manipuler l’A/autre et lui faire justement dire ce qu’il n’a pas dit.
Face à cela je me demande aussi où est la limite entre justement ce qui est dit et ce que chacun est libre de lire entre les lignes. Toute parole ou tout écrit étant interprétable, je me rends compte que c’est très très facile de faire dire à quelqu’un une pensée, une idée voire une atrocité alors qu’il n’a jamais pensé, ni eu l’intention d’émettre pareil sens dans ses mots. On remarque d’ailleurs que cette méthode de détournement de sens est copieusement utilisée sur les réseaux. Et on remarque que ce n’est jamais pour faire dire à la personne des choses particulièrement positives … *Vous avez dit bizarre, comme c’est bizarre….*
Néanmoins, ce qui m’intéressait de creuser c’était l’importance d’aller lire en l’Autre ce qu’Il ne dit pas. Et je me questionne quant à ma soumission, comment aller lire ce que le Maître à qui j’appartiens me communique autrement que par les mots dits, énoncés.
J’ai pris conscience au fil du temps que Lui et moi parlions autant avec des mots que dans le plus beau et grand des silences, dans un regard, un claquement de doigt de Sa part, un son, une attitude, un mouvement, une moue, un faciès. Et je me dis que la clé d’une très belle connexion réside sans doute bien plus dans cette lecture de l’Autre dans sa totalité que dans l’approche dite ou écrite de Ses pensées.
Et ainsi cela m’amène, dans cette volonté de Le lire à travailler mon allocentrisme, mon centrage sur Lui et non sur mon égo. Et tout le monde sait ô combien c’est un véritable travail sur soi et que ce n’est pas toujours inné.
C’est un exercice passionnant d’observer le Maître en train de faire, en train d’interagir avec les autres et repérer des signes qu’à force de répétition on peut finir par ranger dans de nombreuses catégories notamment en relation avec des émotions ou des états d’esprit du moment.
Néanmoins pour avoir « le décodeur » il faut à mon sens d’abord prendre le temps du décodage et que cela ne se construit pas en une rencontre, en un ou deux échanges mais que cela se construit de manière plutôt infinie.
Pour moi, de plus, cela ne se construit pas qu’à sens unique mais bien justement dans la continuité d’un échange où la soumise et le Maître peuvent exprimer ouvertement à l’Un ou l’autre ce qu’I/ils ont observé de l’A/autre, la manière dont I/ils l’ont interprété pour venir affirmer ou infirmer la véracité de leur analyse de l’A/autre. C’est très facile de mal interpréter, notamment au regard de son propre état affectif, par projection de ses états d’âme sur ceux de l’A/autre, ainsi, si les D/deux peuvent s’exprimer, un peu après sur ce qu’I/ils ont vécu à tel moment, par rapport à telle phrase, tel geste, tel regard, c’est le meilleur moyen, selon moi, d’apprendre à lire l’A/autre et d’être à peu près sûr.e de ce qu’on a compris.
Une soumise qui va dire « oui Maître » à son Maître en trainant des pieds, en expirant bruyamment et en levant les yeux au ciel peut difficilement dire après coup qu’elle a exécuté la demande avec beaucoup d’envie, d’entrain et dans la joie la plus extériorisée.
Notre corps, notre visage, notre regard parlent pour Nous donc pour moi l’importance dans une relation BDSM ne réside pas tant dans ce qui sort d’une bouche ou d’un écrit, mais bien dans un ensemble, de verbal et non verbal. Et je pense que la soumise a vraiment une place privilégiée pour profiter de ce « pouvoir » communicationnel pour tenter de comprendre toujours au mieux le Maître qu’elle sert.
Je souris toujours quand les gens me plaignent d’être au sol par terre, de manger aux pieds de Maître au quotidien ou pendant les soirées, de penser que c’est une position inférieure, dégradante.
Savent-ils la chance que j’ai ?
Car de là où je suis j’observe tout, je peux me focaliser même sur des conversations loin de moi sans que quiconque me remarque, et je peux regarder aussi Maître autrement, interagir avec les autres et mieux profiter des réactions des A/autres sans que cela ne soit perçu comme intrusif dans une conversation. Dans le silence, et « d’en bas » j’ai un espace d’observation infini et ça de manière très très discrète. Même Maître ne sait parfois pas que je L’observe quand Il est pris dans une conversation, sourire. Ainsi j’apprends de Lui toujours et encore et il devient impossible à quiconque de me cacher quoi que ce soit. Tout comme je suis parfaitement bien consciente qu’Il passe Son temps Lui aussi à m’observer sans que je m’en aperçoive et je trouve justement ce « jeu », cette communication implicite particulièrement belle et source ensuite de tellement de dialogues, d’échanges.
Ce qui me fascine chez Maître est aussi Sa faculté de pouvoir lire sur mon corps ce que je ressens, de voir dans le tressaillement infime de ma peau l’effet de Sa corde, l’effet du cracker venant me susurrer Ses maux. Mes frissons parlent pour moi, tout comme sa main arrivant sur mon dos parle pour Lui à ce moment-là.
Nous nous conscientisons l’U/un et l’A/autre tout en gardant Nos places respectives.
C’est source d’énormément d’apaisement, car je sais qu’Il sait que je prends le temps de L’observer, d’apprendre à Le connaitre, et je sais qu’Il fait de même. Ainsi, quand je n’ai pas les mots pour dire, je peux compter sur Lui pour le dire à ma place, ou pour le savoir.
Dans une corde, dans un moment où je vais serrer les dents, ou, où par fierté, par besoin de contrôle de ma soumission, je ne vais pas exprimer ma douleur, je ne vais pas exprimer mon mal être, ou à l’inverse ma joie, je Lui fais entièrement confiance pour savoir qu’Il sait que là que je vais super bien ou que j’ai mal et par là, je sais aussi qu’Il saura arrêter ou poursuivre au bon moment, dans la maîtrise.
Je lis souvent « oui mais il faut avoir confiance quand même pour se soumettre ». Je pense que cela réside dans le fait de s’assurer à l’U/un et l’A/autre qu’on a bien entendu ce qu’I/l nous disait. Et dans entendre, il y a les mêmes racines que comprendre.
Pour moi il faudrait donc apprendre à lire l’A/autre dans les moments « anodins » de la vie, penser à orienter sa pensée au maximum sur Lui/elle, pour que dans les moments où on ne peut plus se poser ce genre de doute, la confiance soit là et que la scène BDSM se passe pour le mieux.
Avoir écrit tout cela me fait penser à celles et ceux qui détourneront justement mon propos, alors je précise que je n’ai pas dit qu’il ne fallait plus se parler, mais simplement, que selon moi, la communication ne passe pas que par ce qui est explicitement dit, mais par bien des canaux qu’il faut creuser encore et encore.
Car dire n’est pas montrer, et montrer n’est pas dire. L’un ne va pas sans l’autre. Ou alors si l’un va sans l’autre, à un moment se créera un gap, un trou qu’il faudra franchir et cela deviendra compliqué.
La parole s’accompagne d’actes. Fantasmer sa relation est possible mais si les fantasmes ne sont jamais réalisés, les protagonismes auront le manque de réalité, de réalisme et perdront leur place. Dire « je Vous remercie » avec de la brillance dans les yeux et en face n’aura pas le même effet que les mêmes mots dits avec la mine défaite, les épaules basses et le regard fuyant. Tout peut avoir du sens, à nous T/toutes et T/tous d’aller le chercher et de s’assurer ensemble que c’est bien le bon qui ait été pris et compris.
Réfléchir à cela m’aura fait prendre conscience que l’erreur réside aussi dans les échecs de communication verbale ou non verbale aussi, et que ma soumission, ce n’est pas que dans les actes que je me dois de la travailler, mais aussi dans mon discours et dans la congruence entre ma pensée, ma posture, mes gestes, et mes mots.
J’aime cette vision infinie que cela donne à voir et qu’une même direction peut prendre plein de sens qu’on est libre ou non d’aller emprunter. Et donc que je reste toujours libre dans ma soumission de faire les choix qui m’incombe dans l’interprétation sans avoir à les imposer mais de pouvoir en discuter et les remettre en question.
“La violence, elle n’est pas que dans les coups, elle est dans les situations établies, existantes, qu’on refuse de remettre en question, qu’on refuse de changer.” L’Abbé Pierre.
La communication oui peut-être, mais entendons davantage compréhension de l’A/autre que discussion derrière ce mot ?
One thought on “La communication : la solution miracle pour toute « bonne » relation D/s ?”
La communication : lien indéfectible d’une relation saine entre le Maître et sa Soumise
J’ai décidé de faire cet article suite à celui d’Allotei sur la communication, afin de vous exposer mon ressenti sur le sujet.
Tout comme elle, cette notion de communication est venue heurter ma réflexion et quoi de mieux que de nourrir son esprit au réveil, quand tout vos sens sont en éveil.
Ce matin, je me lève sans la présence de mon Maître et même si mon esprit est auprès de lui, mes Rituels s’en trouvent un peu bouleversés ce qui me fait prendre conscience de l’importance de la communication autre que verbale.
Dans la vie, nous cherchons toujours à communiquer et le plus direct est la parole, mais voilà, la parole est trompeuse : une personne peut dire quelque chose et vouloir dire toute autre chose ou induire en erreur délibérément son interlocuteur en mentant ( chose qui normalement ne doit pas arriver dans une relation D/S qui est basée sur la franchise et l’honnêteté,). Tromper quelqu’un par son langage corporel est en revanche nettement plus compliqué, car il est en grande partie inconscient. À partir des gestes, des expressions faciales et également de la posture générale, il est possible de déduire chez beaucoup de personnes ce qu’elles pensent à un instant précis. Il suffit simplement de savoir interpréter les signes.
Quand je suis aux pieds de mon Maître cette perception me donne paradoxalement de la hauteur. Je peux scruter le moindre signe d’expression de mon Maître, mais pas que…
Cela me permets aussi d’avoir une interprétation silencieuse sur les interactions sociales que nous pouvons avoir mon Maître et moi dans le monde BDSM comme dans le monde Vanille.
En sachant déchiffrer correctement le langage corporel, on a un gros avantage pour communiquer avec les autres. Il peut s’adapter à l’état émotionnel de son interlocuteur et créer plus facilement une ambiance de confiance, propice à la discussion. Cela peut s’avérer utile aussi bien dans la vie privée (même si la mienne appartient à Maître) que professionnellement que BDSM. Parallèlement, la compréhension des signes non-verbaux est la première étape pour pouvoir utiliser son propre langage corporel de manière ciblée. Il n’est pas question ici de tromper délibérément les autres, mais d’accompagner nos propos d’une façon d’être authentique et confiante.
Le langage corporel est la principale forme de communication non-verbale, car nos gestes, nos expressions faciales et nos postures expriment nos sentiments de manière essentiellement indirecte. Cela me permet de garder mon attention envers mon Maître et me donne des informations autant sur son état mental que physique. Mais je sais qu’il en est de même de sa part. Cela est dû au fait que la plupart de ces signaux sont envoyés de manière inconsciente. Lors des moments chargés d’émotion, en particulier, que ce soit de la joie, de la peur, de la colère ou de la tristesse, il est presque impossible de les réprimer.
J’en ai encore fait l’expérience, il y a peu, où nous avons vu comment des paroles mal exprimées ou mal comprises peuvent entraîner des expressions non verbales qui interpellent immédiatement l’autre. Mais ceci à condition de garder une attention allocentrée.
Cependant, il existe aussi des signaux émis consciemment par le corps qui peuvent être utilisés de manière bien précise pour communiquer. Les gestes de la main donnent plus de poids aux arguments, tandis que les expressions faciales peuvent indiquer une envie ou au contraire un besoin de tranquillité.