Se mettre à genoux
En lisant la citation d’un de mes amis : « Elle s’agenouille par obéissance, révérence et amour. Ce sont des moments où il se tient au-dessus d’elle. Mais quand elle s’agenouille parce que le poids du Monde est tout simplement trop lourd à porter… Il s’agenouille à côté d’elle. », je me suis mis en mode réflexif…
Je vous livre cette réflexion :
La soumise par dévotion, se met-elle à genou ou se met-elle à « je -> Nous » ?
Lorsqu’elle se met à genou, elle montre bien par là une articulation. Une articulation est une zone de jonction entre deux extrémités osseuses. Une articulation, on pourrait dire une jointure aussi, est plus ou moins mobile selon sa constitution, sa forme, et la nature des éléments environnants. Une jointure synoviale est une articulation mobile. Il s’agit du type d’articulation la plus courante et la plus mobile dans le corps. Elle relie deux os en les séparant par une cavité synoviale et en les maintenant par des ligaments.
Lorsqu’elle se met à genou, on pourrait parler d’une forme d’articulation synaptique (synapse). Wikipédia définit La synapse ainsi : « du grec súnapsis, « contact, point de jonction », dérivé de sunáptô, « joindre, connecter », c’est une zone de contact fonctionnelle qui s’établit entre deux neurones. Elle assure la conversion d’un potentiel d’action… ». La définition parle de jonction donc on peut y voir une jointure, et que cette jointure s’appuie sur le fait de joindre, de connecter.
En observant cette articulation, lorsque la soumise se met à genou au pied de son Maître, cette articulation montre qu’elle se joint à son Maître, qu’elle se connecte à lui, il devient donc assez aisé de dire qu’elle se met à « je -> Nous ».
Le genou a une énorme valeur dans la dynamique articulatoire de l’être humain. Je pense que le « je -> Nous » a lui aussi une énorme valeur dans la dynamique articulatoire de la relation Maître / soumise (M/s).
Si l’on se met dans la peau d’un observateur, en regardant non seulement ce qu’il se passe entre les deux personnes M/s, mais que l’on regarde aussi l’articulation interne de leur relation M/s, on peut voir la symbiose dans cette articulation, comme l’on peut aussi observer les entorses ou les dérives du cadre. On peut s’interroger sur la flexibilité suffisamment solide du Maître à tenir le cadre et tisser le lien de la relation. Le cadre et le lien étant inséparables.
La vie est faite d’expériences, une relation BDSM n’échappe pas à cette règle. Toutes ces expériences vont secouer le cadre et éprouver le lien. Tout au long de cette relation BDSM, il y aura des moments où le temps va s’éclaircir et d’autres où il va s’assombrir. Le temps va conduire inexorablement la relation vers une routine, vers une forme d’habitus (Pierre Bourdieu utilise le concept d’habitus : « pour rendre compte de l’ajustement qui s’opère le plus souvent spontanément, c’est-à-dire sans calcul ni intention expresse, entre les contraintes qui s’imposent objectivement aux agents, et leurs espérances ou aspirations subjectives. »), donc vers une « autre » relation que celle définit au départ. La relation subira des rhumatismes articulaires, aigus, inflammatoires…
À cet habitus, à cette routine, à cet « autre », JE vais clairement répondre que NON, ce n’est pas une relation routinière, comme avec les autres, parce que JE ne suis pas un autre et donc NOUS sommes dans un lien autre. Je pense que ce NON est déterminant dans l’entorse articulaire, vers laquelle cette relation tente de conduire le couple M/s inconsciemment. Ce NON qui nomme son existence et celle de l’autre, ce NON assure la fonction structurante de la relation.
La relation affective, voire amoureuse, qui s’installe au sein du couple M/s pourrait faire boiter la relation et donc éloigner la relation de la visée BDSM. Nombre de fois où des béquilles seront offertes au couple M/s, à la soumise, au Maître, à chacun de s’en dessaisir pour ne pas trébucher dans un emmêlement de verves, de parades et de résistances.
Il faut mettre une articulation, un « je -> Nous » dans la relation, cela forme un cadre-lien rassurant qui permet à chacun d’exprimer à l’autre : « je suis là ! ».
L’habitus, la routine, l’autre engendrent des alternatives de présence-absence dans la relation BDSM, il faut positionner des ajustements re-créatifs du cadre, ces ajustements re-donneront vie et consentement à la vie BDSM, et surtout du désir à renaître, attestant de l’engagement réciproque, de la connexion tout en gardant le cadre, le lien BDSM.
Ce « je -> Nous » BDSM en écho à l’articulation GENOU, la cohérence du corps et de l’esprit, invite le Maître et sa soumise à une unité, à se re-trouver.