Fessées (Spanking)
Les fesses, aussi nommées région glutéale, distinguent l’homme du vulgaire quadrupède.
Chez les primates, leur rebondi permet le confort de la station assise, chez l’Homme elles sont d’autant plus imposantes que la station debout développe les muscles fessier tout en en marquant joliment le pli. Libérant ainsi ses mains permettant la création d’outils, l’Homme doit toute son humanité à ses fesses. Comme le disait Pierre Desproges lui-même :
« Si nous asseyons côte à côte un employé de banque que nous appellerons A et un épagneul breton que nous appellerons Catherine – en hommage à Catherine de Médicis qui était pas mal velue elle aussi – et si nous disons : « Haut les mains ! », seul l’épagneul breton se casse la gueule. »
Les fesses sont-elle pour autant le propre de l’Homme ? Non, mais c’est leur usage qui distingue l’animal de l’être évolué que nous sommes.
C’est bien la fessée, au sein d’un rapport entre adultes consentants, qui redonne aux fesses leurs lettres de noblesse…
La fessée ne se pratique pas habillé-e, ou alors par des personnes de peu de goût : elle suppose une certaine nudité, dévoilant, sans oser l’affirmer puisque de dos, les parties les plus sensibles du/de la partenaire dévêtu-e.
Enfin la fessée ne se pratique pas n’importe comment. Elle se distingue en cela de la vulgaire tape sur le cul administrée par ces individus un peu lourds qui se croient revenus à l’âge de pierre. Elle nécessite une mise en scène, c’est-à-dire l’anticipation qui permet d’en savourer l’attente…
A l’origine, la fessée fut un facteur de sociabilisation entre différents villages africains, car utilisée comme moyen de communication. Moyen jugé barbare par les outils de communications nommés « gosses », mais amusant par les utilisateurs, il finira cependant par être remplacé par le djembé, moins puissant et efficace, mais jugé plus simple à attraper.
L’art grec ancien dépeint le BDSM. Le Kama Sutra (300 après J.-C.) vante la fessée érotique et les références européennes datent du XVe siècle :
« Les coups sont une sorte de mignardise », annonce d’emblée le Kama Sutra, qui détaille les sons, sifflements et petits cris accompagnant une bonne fessée. Ainsi le son « Phat ! » imite-t-il le bambou que l’on fend. « Phut », le son d’un objet qui tombe dans l’eau… Mais on peut aussi agrémenter l’affaire avec « l’imitation du bourdonnement des abeilles, du roucoulement de la colombe et du coucou, du cri du perroquet, du piaillement du moineau, du sifflement du canard, de la cascadette de la caille et du gloussement du paon ». » — La fessée à confesse, Libération.
Asclépiade, un médecin grec raconte que les personnes instables psychologiquement, type maniaques, bipolaires…, doivent être fouettées. Pareil pour Sénèque qui explique que la flagellation fait disparaître la fièvre.
Ovide au Ier siècle : « La même posture ne convient pas à toutes. Que celle qui brille par les attraits du visage, s’étende sur le dos ; que celle qui s’enorgueillit de sa croupe élégante, en offre à nos yeux toutes les richesses. » (Ovide, L’Art d’Aimer)
Dans le même genre, au Moyen Age, on raconte que la claque sur le cul permet de soigner la « mélancolie érotique », et toutes les sortes de troubles psychologiques. Tu es triste ? Fessée ! Tu as un peu trop envie de baiser ? Fessée ! Pas assez ? Fessée ! Tu as trop faim ? Ou pas assez ? C’est pareil. La fessée stimule. Tous les prétextes sont bons !
La fessée se reconvertit alors en un jeu pour adulte très prisé, qui s’exporte alors dans le monde entier, en même temps que les déplacements des premiers hommes. La fonction première demeure malgré cela à travers les âges, ainsi Louis XIV avait coutume dans sa jeunesse de faire fesser son petit frère pour annoncer la venue de son règne, ce qui explique d’ailleurs le fait qu’il obligeait ledit frère à porter des robes, car l’accès à sa messagerie en était ainsi facilité.
Jean-Jacques Rousseau parle lui aussi de la fessée, celle de Mademoiselle Lambercier, dans Les Confessions (Livre I : 1712 à Mars 1728).
» Comme Mlle Lambercier avait pour nous l’affection d’une mère, elle en avait aussi l’autorité, et la portait quelquefois jusqu’à nous infliger la punition des enfants quand nous l’avions méritée. Assez longtemps elle s’en tint à la menace, et cette menace d’un châtiment tout nouveau pour moi me semblait très effrayante ; mais après l’exécution, je la trouvai moins terrible à l’épreuve que l’attente ne l’avait été, et ce qu’il y a de plus bizarre est que ce châtiment m’affectionna davantage encore à celle qui me l’avait imposé. Il fallait même toute la vérité de cette affection et toute ma douceur naturelle pour m’empêcher de chercher le retour du même traitement en le méritant ; car j’avais trouvé dans la douleur, dans la honte même, un mélange de sensualité qui m’avait laissé plus de désir que de crainte de l’éprouver derechef par la même main. Il est vrai que, comme il se mêlait sans doute à cela quelque instinct précoce du sexe, le même châtiment reçu de son frère ne m’eût point du tout paru plaisant. Mais, de l’humeur dont il était, cette substitution n’était guère à craindre, et si je m’abstenais de mériter la correction, c’était uniquement de peur de fâcher Mlle Lambercier ; car tel est en moi l’empire de la bienveillance, et même de celle que les sens ont fait naître, qu’elle leur donna toujours la loi dans mon cœur.
Cette récidive, que j’éloignais sans la craindre, arriva sans qu’il y eût de ma faute, c’est-à-dire de ma volonté, et j’en profitai, je puis dire, ensûreté de conscience. Mais cette seconde fois fut aussi la dernière, car Mlle Lambercier, s’étant sans doute aperçue à quelque signe que ce châtiment n’allait pas à son but, déclara qu’elle y renonçait et qu’il la fatiguait trop. Nous avions jusque-là couché dans sa chambre, et même en hiver quelquefois dans son lit. Deux jours après on nous fit coucher dans une autre chambre, et j’eus désormais l’honneur, dont je me serais bien passé, d’être traité par elle en grand garçon.
Qui croirait que ce châtiment d’enfant, reçu à huit ans par la main d’une fille de trente, a décidé de mes goûts, de mes désirs, de mes passions, de moi pour le reste de ma vie, et cela précisément dans le sens contraire à ce qui devait s’ensuivre naturellement ? «
Ce châtiment a produit en lui un déterminisme sexuel. Premier contact charnel à mains nues, première relation dans la soumission/humiliation qui régiront ensuite sa sexualité… Le philosophe éclairé relate ainsi le plaisir de la fessée reçue par son objet d’amour, mère idéalisée, et son paradoxe fruit d’un clivage : la « peur » de la fâcher, de ne pas lui faire plaisir, de ne pas être l’objet de son désir. Que faire ? S’abstenir et la satisfaire ou recevoir et se satisfaire ? Rousseau s’abstient. Il est altruiste et tient compte de l’Autre. Il n’en demeure pas moins que cette expérience empirique développera très certainement, de façon occulte et irrationnelle, son goût pour les femmes plus mûres susceptibles de le con-fesser et de le punir.
Rousseau relate également la façon dont il est devenu un « grand garçon », suite à l’épisode de la fessée, quand Mademoiselle lui interdit l’accès à sa chambre… « à la porte de la loi » pour reprendre la formule de Kafka. Le « non! » signifié par cette femme, mère idéalisée, fait office de tiers séparateur, c’est-à-dire de loi/Père symbolique, à laquelle Rousseau s’opposera toute sa vie, en s’affranchissant. Rousseau l’insoumis, Rousseau l’indomptable! Celui qui n’a jamais renoncé et qui « corrige » les injustices de LA loi (loi de séparation/frustration/inégalité/injustice) par des lois, des lois sur les droits humains et un Contrat social. Magnifique ! La fessée, violence physique exercée sur le plus faible, est une maltraitance ressentie qui ne doit pas être une pratique recommandée et encouragée dans une société recherchant le pacifisme, l’égalité et le progressisme.
Au siècle des lumières, la popularité croissante de la fessée en fait un préliminaire à toute bonne soirée mondaine, notamment grâce aux éminent travaux du grand philosophe qu’était le Marquis de Sade.
En 1791, le français Marquis de Sade (1740-1814) publie le premier roman SM, Justine, qui comprend des impacts, et des contraintes. Son nom nous a donné le «sadisme». DeSade a été emprisonné pour la folie criminelle , une raison pour laquelle beaucoup de gens considèrent les pratiques sexuelles qu’il a popularisées folles.
Extrait de Justine ou les malheurs de la vertu du Marquis de Sade (1791) :
« Thérèse,, me dit-il, vous allez cruellement souffrir (il n’avait pas besoin de me le dire, ses yeux me l’annonçaient que trop) ; vous serez fustigée partout […] il me retourne, me fait m’agenouiller sur le bord d’une chaise dont mes mains doivent tenir le dossier […] « Tiens-toi bien ma coquine », me dit-il, « tu vas être traitée comme la dernière des misérables ». Je reçois à ces mots cinquante coups, mais qui ne prennent que depuis le milieu des épaules jusqu’à la chute des reins exclusivement ».
En 1870, Léopold von Sacher-Masoch (1836-1895) publie le roman “La vénus à la fourrure” sur la soumission sexuelle masculine. Son nom inspirait le «masochisme». L’œuvre de Masoch est inspirée par tous les récits que sa nourrice Handscha lui conte, les romans du folklore slave où les femmes ont un rôle prédominant.
Son œuvre prend aussi sa source dans l’univers burlesque où il est élevé. Cette maison de police qui est la maison de son enfance, il y aperçoit des vagabonds, des criminels enchaînés, des « prostituées ricanantes et fardées » « Chaque jour on administre la schlague sous les fenêtres ». Lorsqu’il évoque la maison de son enfance « il hésite entre la nostalgie du paradis perdu et l’évocation d’un enfer ».
La fessée érotique se comprend définitivement à travers sa sociologie. Elle marque un rapport de domination physique qui est aussi un rapport de domination sociale. Il n’est pas innocent que chez Musset encore, au XIXème, ce soient à nouveau des moines qui l’administrent dans Gamiani ou deux nuits d’excès :
« – C’est par là que la femme pèche, c’est par là qu’elle doit souffrir ! dit le moine d’une voix sépulcrale. (…)
Elle s’expose bravement toute nue, écartant les cuisses, les tenant élevées. Les coups pleuvaient ; le bourreau était impassible. (…) Ma tante restait inébranlable, criant par moments : Plus fort !… ah !… plus fort »
C’est que la fessée est punition du supérieur à l’inférieur, à l’inverse d’une bataille à coups de poings entre deux boxeurs égaux, et que, contrairement à la gifle, elle ne permet pas la réplique. Ainsi des moines transforment l’acte de conFESSion en acte… de fessée tout court !
Mais attention, les femmes ne sont pas les seules à recevoir la fessée. Loin de là. Au XIXème siècle, un très grand nombre de clients demandent à être flagellés dans les maisons de tolérance. Il existe aussi tout un système de petites annonces. Les annonces ne sont pas là que pour trouver une femme complaisante ou un mari riche. On peut aussi trouver des maîtresses sévères ou une au cul plat à force de recevoir. Mais aussi des relations entre hommes. Un homme avait passé cette annonce : « Précepteur sévère et désintéressé offre leçon à élèves arriérés ».
Deux extraits de lettres de l’époque :
En 1904, dans L’étrange passion : la flagellation dans les moeurs d’aujourd’hui (Gallica), Pierre Guenole explique que la passion pour le plat de la main ou le fouet n’arrive pas subitement à l’âge adulte. Non. Cela vient de l’enfance. Comme si l’humain avait une sorte de fascination pour la fessée. D’autant plus que la fessée se pratique le plus souvent cul-nu (même les enfants, lorsqu’ils sont corrigés). Pour mieux corriger. Pour mieux marquer de sa main la peau de la personne soumise. Bref, ça érotise le truc, la paire de fesses bien dodue nue et à la vue de tous, ou du moins de son bourreau. Aussi, est-il bien malvenu de fesser en public un enfant de plus de 8 ans. En revanche, entre adultes…
Extrait de Myriem favorite de Don Brennus Aléra (1914) :
“Les jupons retroussés parmi le crissement de la soie découvrirent deux jambes charnues, moulées dans un fourreau clair et miroitant, deux cuisses appétissantes et une croupe plantureuse, épanouie, auréolée par la mousse des dentelles. […] Les esclaves regardèrent la croupe lumineuse dont les contours arrondis s’étalaient avec une majestueuse ampleur.
-Vingt coups prononça Mme de Rochegude. Myriem, donne lui vingt coups. […]
Les coups se succédèrent avec régularité ; Mercedes, dont les tressaillements devenaient plus accentués, poussait tantôt des cris aigus, tant des gémissement plaintifs.
– Je ne te croyais pas si douillette, un coussin si bien capitonné devrait être moins sensible il est vrai que ta peau blonde est d’une remarquable finesse… […]
A mesure que la flagellation avançait, la croupe plantureuse, d’abord très blanche, puis rosée, prenait une teinte de plus en plus vive…”
Au début du 20 ° siècle, c’est le grand cerveau-physicien que fut Sigmund Freud qui popularisa cette technique dans l’éducation des enfants, faisant reconnaître que « une bonne fessée ne fait pas de mal » et que « ça aide à réfléchir », idées qui seront ensuite reprises par Françoise Dolto dans son affirmation de l’importance du stade anal chez l’enfant.
En 1905, Freud invente le mot «sadomasochisme». Le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-I, 1952) a qualifié le sadisme sexuel de «déviation». Le DSM-II (1968) a fait de même pour le masochisme. DSM-III (1994) énumère SM comme un trouble de la personnalité sadique.
Cependant, l’âge d’or de la fessée connait un arrêt brutal avec le naufrage du Titanic, en 1912, due à l’union improbable d’un bateau et d’un iceberg, alors que la vigie censée empêcher la rencontre se faisait joyeusement fessée par un matelot sous l’œil intéressé du capitaine censé tenir la barre du bateau et non celle du matelot. Ce jeu est alors considéré comme prônant l’oisiveté et comme une distraction néfaste au travail nécessaire dans ce nouvel âge industriel. Deux ans après le naufrage, les dissensions sont telles entre pro et anti-fessée qu’une terrible guerre politique éclate, ce fut la « Grande Guerre », qui fut remportée au bout de 4 ans, par les anti-fessée, voyant l’avènement de deux nouveaux grands régimes politiques, chargés de prévenir les débordements: Le capitalisme et le communisme.
Tout de suite le capitalisme apparaît comme plus libéral que le communisme où tout résistant au régime était envoyé au goulash pour se faire manger par les « êtres non fessés » (en russe: « moujik ») ce qui fit dire à l’historien Moshe Lewin, vers 1921, que la société russe était « plus moujik que jamais ».
Les années 1930 c’est un peu l’heure de gloire de la tape sur la fesse féminine. C’est le top de l’érotisme. On retrouve alors de nombreuses cartes postales dont la mise en scène est très claire. Si c’est un peu léger pour les vrais adeptes du sadomasochisme, les libertins de l’époque pratiquent ou rêvent de pratiquer la fessée. On raconte que c’est comme un exutoire. On pratique une violence consentie et érotique pour oublier la Première Guerre. Celle qui a fait tant de morts, de blessés et de gueules cassées. On embellit la violence et les coups, comme si ce n’était qu’un jeu et on oublie la tragique guerre.
Extrait de la Guinguette aux orties de René-Michel Desergy (1936) :
“ Elle était seule avec l’homme énergique dont elle rêvait de faire son bourreau. Elle courba la tête sur sa poitrine houleuse et pétrit sa robe sur le coté de ses cuisses, la remontant juste assez pour montrer la boucle de ses jarretelles. […] Monsieur Tampard […] appuya sa main sur l’épaule de Mme Germaine et la contraignit à s’incliner si bas que sa croupe gonfla sa robe en une position qui ne faisait plus d’elle qu’un impudent et évasé postérieur. Toujours la maintenant ployée, il passa sa main sous la robe et la combinaison […] La croupe bondit tout à coup, relevée par une série de claques sèches sous son arrondissement capiteux, puis la main fesseuse suivit la courbe du derrière et étala le rouge ardent de la fessée. Les globes jumeaux frétillaient spasmodiquement, leur peau rapidement et chaudement colorée et la fessée s’accentuant, Mlle Germaine se mit à battre en cadence le parquet de ses pieds, tout en criant, mais langoureusement.”
Sous le régime capitaliste la fessée demeure autorisée mais est combattu par une propagande accusatrice qui amène ce jeu à se raréfier, ainsi il est notable de constater que ce jeu est totalement absent des festivités du grand carnaval de 1968. Aujourd’hui la fessée demeure mal vue en dépit de l’insistance de certains au maintien des traditions humaines et ceci en dépit de ses valeurs morales dans l’éducation des petits et des grands (n’est ce pas par le jeu que les félins apprennent à chasser ?).
Les moyens technologiques modernes de communication tel que le téléphone, le journaliste, la massue, le politique, le tambour, la parole, ou la cuisine de mémé charlotte, rendent la fessée obsolète, en dépit des tentatives ratées d’adaptation de certains vieux nostalgiques, comme pour fesse-book. Aujourd’hui on parle de lois interdisant la fessée pourtant considérée par certains fans comme une façon saine et ludique de passer le temps, notamment dans le domaine du scoutisme et de l’église qui se réfère au dicton latin « Mea maxima culpa » se traduisant -Mea: verbe mériter à la 1° personne du singulier au présent: « Je mérite », -Maxima: « la plus forte », -culpa: contraction du terme cul et du bruit d’une claque, soit « fessée ». Il convient donc d’apprendre ce jeu tant qu’on peut encore y jouer.
Des sociétés qui existent depuis, au moins, l’antiquité et son droit de Pater, lesquelles ont besoin de castes de guerriers. Les sociétés où l’on apprend la soumission à la violence et l’amour du statut de victime/jouissance dans la souffrance, sont des sociétés nihilistes pour faire référence à Nietzsche (le privilège des sectes et castes sacerdotales). Il s’agit d’un constat socio-historique. Durant l’antiquité et sa violence, pourtant, bon nombre de sages et courants de pensée préconisaient de connaître/faire l’amour (la racine primaire hébraïque est identique) dans l’équilibre, la tempérance, la dialectique et donc l’échange, le respect de l’Autre qui n’est pas Moi.
Le taoïsme et l’hindouisme, dominés dans l’histoire par des castes, ont gardé la trace de cette sagesse : la recherche de l’unité/équilibre en Soi avec l’Autre/Monde extérieur y est fondamentale et symbolisée à travers le Ek (« un » en sanskrit) renvoyant au « Om ». Cette sagesse est également véhiculée dans la philosophie grecque, à travers notamment la pensée socratique dans laquelle dieu signifie tout simplement « intelligence » (un accès à la jouissance sublimée), laquelle est indissociable du bien-être lié au soma (le corps), la psyché (psychisme/esprit), eux-mêmes reliés au souffle de vie (phusis ou pneuma) qui nous anime. Pas de fessée, pas de morale de la castration, humiliation, ressentiment, soumission et renoncement (décrite par Nietzsche dans sa Généalogie de la morale) à travers une telle sagesse.
Les fessées ont donné naissance à d’autres objets dédiés pour remplacer la main : Martinet, cravache, paddle, cane anglaise, maman, badine, orties, ainsi que des objets contondants : Règle en bois, cuillère en bois, journal gratuit (et roulé),torchon mouillé, planche à découper, raquette de jokari, massue, rail de chemin de fer, pylône électrique.
A la douleur physique du châtiment, peut s’ajouter de par la volonté du fesseur celui de l’humiliation publique. Ainsi se faire fesser par sa Directrice des Ressources Humaines dans son bureau devant sa secrétaire lesbienne peut être très excitant mais se faire fesser par sa Directrice des Ressources Humaines le midi, cul nu, en plein milieu de la cantine, ça c’est c’est vraiment l’extase.
Le mot « fessée », et le verbe correspondant « fesser », proviennent du mot latin classique fascia de genre féminin, qui désignait au sens concret le plus souvent une bande, un bandage, une bandelette, un ruban, parfois encore un soutien-gorge rudimentaire, une sangle de lit, une bande de jonc, une trainée noire dans le ciel, une bande de l’architrave d’une colonne, une bande ou zone de terre observable, un bandeau royal ou diadème…
Mais les Romains se servaient surtout de ces bandes de tissus ou de joncs, parfois associées à des baguettes, des fascines ou des verges en bois fin, pour fouetter enfants, femmes et esclaves mal dressés ou impertinents. Aussi un rapprochement sémantique net avec les fesses s’est semble-t-il imposé au cours de l’évolution ultérieure de ce terme en latin médiéval ou en langues romanes. Il faut dire que les sanctions primitives dénommées « fessées » pouvaient être diversement violentes, nous dirions aujourd’hui d’un coût humain élevé pour ne pas dire qu’elles causaient des souffrances vives, ou encore comme le disaient les vieux paysans radins, gardiens mitigés de la tradition : « ça coûtait la peau des fesses ». Nos sociétés policées les ont incontestablement amoindries, et un grand nombre de familles n’ont gardé que le mot simple menace pour effrayer par ce baratin leurs progénitures sans efforts ou applications concrètes.
Il en va autrement d’adorateurs italiens d’une Antiquité sublimée et des objets associées à cette pénible sanction, les bien dénommés fascistes, quelquefois eux-mêmes esthètes cultivés et raffinés adeptes de la fessée, qui l’ont pris comme symbole afin de justifier leurs rassemblements de bandes (admirer le sens figuré du mot antique) de voyous parasites et de petits juges autoproclamés d’une autorité arbitraire apte à spolier l’intérêt public.
Succès du Mommy Porn
Comme Elise, une Française sur quatre déclare avoir déjà reçu une fessée de son partenaire, contre 8% en 1985, selon une enquête IFOP de 2013. Quatre sur dix se disent aussi disposées à recevoir ou donner une fessée.
Une évolution des moeurs sexuelles que viennent confirmer les succès d’ouvrages dits de “Mommy Porn” tels les 5O nuances de Grey.
Le fantasme de la fessée est relativement répandu et tend à se développer depuis quelques années, probablement parce que la sexualité est de plus en plus librement évoquée dans les médias. Ces derniers abordent aujourd’hui explicitement des thématiques qui avant étaient tabous.
Il y a un véritable attrait pour tout ce qui est un peu sulfureux, comme la fessée ou les cordes. Sans parler de la littérature new romance et érotique qui met l’accent sur le ‘SM Soft’. Tout cela permet sans doute aux individus d’exprimer plus facilement leur envie d’essayer.
Pour les sexothérapeutes, la fessée est liée à la transgression. On sait tout que ce qui est interdit est excitant.
Sur un plan psychanalytique, la fessée peut être analysée comme une régression symbolique à un stade infantile, avec un désir de soumission à l’autorité paternelle. En psychanalyse, c’est en effet le père qui représente le cadre, l’autorité, donc la punition en cas de transgression.
A l’inverse, celui ou celle qui souhaite donner la fessée est dans une dynamique de domination, d’ascendant sur l’autre et éprouve un plaisir dans la correction infligée à son ou sa partenaire. Mais, tout dépend du profil et de l’histoire de chacun. Il est hasardeux, voire impossible de généraliser les raisons qui font apprécier cette pratique.
On peut en tout cas y trouver une vertu déculpabilisante. La personne, homme ou femme, est dominée, elle délègue le contrôle. Finalement, il se passe quelque chose mais ce n’est pas vraiment de sa faute. La fessée peut aussi aider à se désinhiber.
L’explication peut parfois être beaucoup plus prosaïque. Le plaisir peut être simplement lié à l’excitation des parties génitales situées près des fesses. La fessée entraine une onde de choc et un afflux de sang qui se répercutent à cet endroit du corps.
- La fessée et la recherche de la pureté… détournée.
La fessée est entrée définitivement dans l’imaginaire collectif grâce aux flagellations expiatoires religieuses, et ce dès les origines du christianisme. En effet, dans la typologie chrétienne le corps est opposé à l’âme et c’est le corps qui, corruptible, est susceptible de pécher. La fessée ou la flagellation en général permet donc de corriger ce corps faible. On retrouve cette même dynamique dans l’ensemble des mouvements sado-masochistes occidentaux.
Elle devient donc d’autant plus attirante qu’elle dévie cette intention première vertueuse. Ainsi la nourrice de Rousseau et bien d’autres avec elle ont dû se rendre compte de cette étrange dualité que Guillaume Apollinaire explique dans Les exploits d’un jeune Don Juan : « Déjà, autrefois, lorsque j’avais dix ans, ma mère, à cause d’une bêtise que j’avais faite, m’avait pris entre ses cuisses, ôté mes culottes et avait tapé dur sur mes petites fesses, de telle façon, qu’après la première douleur, j’avais conservé toute la journée un sentiment de volupté. »
Il faut dire qu’avant même d’être punitive ou séductrice, la fessée est… curative !
On expliquait les vertus curative de la fessée de deux façons : soit parce qu’elle stimule le corps, comme lorsqu’on suggère d’utiliser des orties (!), soit parce qu’elle permet la pénitence de l’âme face à aux divinités.
- Alors, la fessée : soumission ou audace libératrice ?
Pour ce qui est de l’anatomie, le sujet est clair, et comme le proverbe italien le dit : « Sotto l’umbilico, ne veritate ne religions » : sous le nombril, ni vérité ni religion.
Mais derrière le nombril ? Le popotin a le mérite d’être un impensé, une zone de liberté : le fessier est érotique à condition que son propriétaire le veuille bien, à l’inverse des seins qui pâtissent parfois malgré eux d’une forte charge érogène. Il peut être une masse de graisse flasque ou un rebondi appétissant, c’est selon.
La fessée n’existe que pour le plaisir de celui qui la reçoit, c’est donc à lui de l’érotiser. Sans cela, ce n’est qu’un simple châtiment corporel parmi d’autres : châtiment religieux, traitement médical, punition enfantine…
Un bon résumé de la situation ambivalente dans laquelle se retrouve la fessée se trouve d’ailleurs dans la définition du fouet par le dictionnaire de l’Académie de l’humour français de 1934 : « La terreur des gosses, l’espoir des vieillards ».