Être et non pas avoir ou ma vision de l’amour BDSM et de l’amour vanille
Avant-propos :
Cet article est le fruit de ma réflexion personnelle à un instant donné et n’est doté d’aucune valeur universelle.
Dans mon propos, ce que j’appelle « l’amour BDSM » entend le vécu d’un amour au sein d’une relation BDSM où, qu’importe le lieu, le moment, la date, l’heure, le Maître est Maître, la soumise est soumise : chacun reste toujours à S/sa place.
Ce n’est ni un amour « vanille épicé », ni un amour « BDSM vanillé ».
Amour, passion et relation
Si je dois le définir en m’aidant des définitions piochées de-ci, de-là, je le définirais comme un sentiment d’attachement très fort à la personne que l’on dit aimer, par un sentiment de bien-être vécu en sa présence et qui devient moindre quand cette personne n’est plus présente à nos côtés. Je dirais que c’est aussi pour moi une forme de feu intérieur qui est toujours là, qui physiquement se ressent par du bien-être, des hormones de plaisir qui se diffusent, des frissons au contact, et des « papillons » qui volent dans le ventre.
Je mettrais le sentiment amoureux en parallèle, et parfois au croisement avec la passion. Passion que je définis personnellement par un enivrement intellectuel et physique au contact de la personne. C’est une excitation physique et psychique qui vient se nourrir de chaque geste, parole, regard de l’autre et qui contrevient un peu à la raison, qui fait davantage parler les affects plutôt que la raison, le rationnel, l’esprit cartésien. Ce qu’on ressent n’est pas vraiment tangible. Comme une personne animée d’une passion sportive qui va mettre des mille et des cent pour aller assister à un match même si financièrement il n’est pas très fortuné, comme une personne qui va faire l’effort d’apprendre le nom de tous les joueurs d’une équipe, l’histoire du club, l’histoire du sport, et une personne qui va faire de son sujet de passion quelque chose qu’il va tenter de maîtriser un maximum, tant rationnellement qu’avec des affects : à chaque évocation du sujet, le passionné change, s’anime, s’éveille et alors qu’il est raisonné, le sujet le déraisonne paradoxalement.
Dans une relation vanille où l’amour réside au sein d’une relation passionnelle entre deux individus, je pense qu’il y a un réel échange de l’un envers l’autre mais qu’il n’est pas toujours réciproque. Ce sont les apports de l’un qui enrichissent l’autre à un moment donné et les apports de l’autre qui serviront à l’un dans un autre moment. L’autre donne quand il a envie de donner et peut se renfermer sur lui à tout moment, préférant ne penser qu’à lui. De plus, je pense qu’il y a toujours un moment où on attend quelque chose de l’autre en retour.
Le don à soi VS le don de soi
Je mets déjà une différence avec ma vision de l’amour BDSM où par cette relation de don de soi, tant pour la soumise qui s’offre au Maître dans la relation, que le Maître qui donne pour la relation et donc à la soumise, il y a une notion de « donner » sans compter, et surtout sans attente d’un retour. Le retour n’est pas que tangible, dans les faits, il se fait aussi au travers d’une attitude, d’un mot, d’une attention et il est peut-être moins contrôlé, moins « voulu ». Cela dans le sens où quand il est contrôlé, il y a l’enjeu de manipuler l’autre « tu as vu, je t’ai remercié pour ce que tu m’as donné, je suis gentille hein ? ». Il faut être vu. Alors que dans le BDSM, je crois qu’on se fait moins remarquer les détails et on se laisse voir mutuellement ce que l’un et l’autre Nous nous sommes donnés. De plus, le Maître est très attentif aux détails, Il observe sans cesse là où un « mari » / ou une « femme » serait beaucoup moins dans cette recherche de sens mais plus de satisfaction personnelle, ne va pas voir l’effort de sa femme/son mari et la femme/le mari ne va pas noter comme « splendide » l’attention pourtant non habituelle de son mari. Il y aurait peut-être selon moi une forme de « dû » qu’il n’y a pas dans l’amour BDSM.
Le Maître n’est pas censé obtenir tout ce qu’Il désire en tant que Maître car c’est un « dû » mais parce qu’Il est. La place que la soumise Lui confère vient de tout ce qui a été ressenti/vécu/construit en amont. De même pour la place que confère le Maître à Sa soumise. Dans l’amour BDSM, il y aurait peut-être davantage d’attention portée à chaque « effort » (dans le sens travail, attentions pour l’A/autre, détails d’apparence, etc) réalisé pour l’A/autre.
Séduire pour avoir VS m’offrir pour être
Il y a aussi un temps de séduction dans la relation qui amène dans l’amour vanille les deux amoureux à vite considérer que c’est acquis. J’ai toujours été super impressionnée par les femmes qui au bout de 6 mois de relation arrêtaient de s’épiler, de mettre de jolis dessous et de se faire belles pour leurs hommes sous prétexte que maintenant qu’il était là, pourquoi continuer à fournir des efforts ? Tout comme celles se plaignant ne jamais recevoir de compliments, ou de fleurs de leur mari mais qu’en est-il de la réciprocité ?
Dans les deux cas (BDSM ou vanille), pour moi l’amour reste beau et la passion qui anime les deux est magnifique et peut se lire, tant dans un cas que dans l’autre. Tout va dépendre de l’intensité, de l’intention tout comme de l’attention et de l’engagement mis tout au long de la relation.
Le BDSM met peut-être plus en exergue cette notion d’engagement, cette notion aussi de volonté de vivre des choses. Il n’y a peut-être moins l’autosuffisance que l’on peut trouver dans l’amour vanille entre deux personnes.
La différence de sincérité se pourrait être aussi questionnée.
S’il n’y a pas eu de mensonges aux prémices de la relation, il n’y a pas de mauvaises surprises. Il peut toujours y en avoir, dans un cas comme dans l’autre mais je pense que la sincérité mise dans la relation peut permettre déjà de gommer ce qu’on retrouve dans les débuts d’une relation vanille : « je montre que ce que j’ai envie de montrer pour avoir », « dis-moi celui/celle que tu voudrais que je sois, et je le serais ».
La différence aussi que je mettrai c’est que j’aime le Maître parce que je suis celle que je suis à Ses pieds, et non parce que je L’« ai ».
La notion d’appartenance appelle la sécurité, le care, pas le fait d’avoir, de collectionner, d’avoir un « doudou » à soi qui n’appartient pas aux autres. Le Maître et la soumise sont là pour l’A/autre, même à des kilomètres. Je me dois de travailler sur moi afin de ne rien exiger qui ne serve pas le Maître. Ce ne doit pas être mon plaisir égocentré qui prévaut.
Je ne pense pas qu’on puisse avoir une vision universelle et limpide sur l’amour car tout dépend vraiment des deux individus.
La plus grande différence que je ressens entre l’amour passionnel vanille que j’ai pu vivre et l’amour BDSM que je peux ressentir, c’est le fait de donner en sachant que le Maitre réceptionne ce don au plus profond de Lui et qu’il Lui parle. Là où l’amour vanille est beaucoup plus égocentré, on veut avoir, tout voir et entendre de l’autre mais sans jamais lui donner, l’écouter ni véritablement le regarder. Il y a du sens, de l’écho dans le BDSM qu’il y a peut-être moins, selon moi, dans le vanille.
Une recherche d’égalité VS d’unité
Je pense que dans le vanille c’est perpétuellement un amour où l’un cherche à comparer son égo avec celui de l’autre. A celui qui sera plus fort momentanément que l’autre. Il y a cette recherche d’égalité qui ne peut pas, par définition, exister dans une relation hiérarchisée.
Dès le départ, je sais que je ne suis pas (et ne souhaite pas être) Son égale, je ne suis donc pas dans une recherche permanente pour l’être. La place de la soumise et du Maître sont définies, alors qu’elle est toujours très floue dans un amour vanille.
L’amour est un des sentiments que je ne questionne quasiment jamais car c’est là, cela me nourrit mais ne m’étouffe pas et ce n’est pas ce que je fais parler en premier. Contrairement à un amour vanille.
Je suis aux pieds du Maître dans une recherche d’unité et non de parallèle.
Cette recherche d’unité n’est pas reliée au fait d’être au « même niveau » que le Maître, mais bien reliée à une forme de complémentarité.
Il EST le Maître, je SUIS la soumise, Nous SOMMES la relation : l’unité.
Un égocentrisme VS une connexion
Pour les points communs, je pense qu’il y a l’idéalisation de l’autre. Mais dans un amour BDSM quand cela dérange, on le ressent tout de suite là où en amour vanille, parce qu’on ne veut pas perdre le confort d’une relation, on ne va pas y porter beaucoup d’attentions jusqu’à un certain seuil. Mais à ce sujet, je pense que chacun est vraiment différent.
Dans un livre que j’ai lu, j’ai trouvé une dichotomie entre deux définitions données de l’amour :
- « Inclinaison passionnelle, qui fait d’un seul être le centre de votre univers et la condition de votre bonheur. »
- « Micro-moments de connexion qui font résonner tout notre corps et notre esprit d’une énergie positive qui se cumule pour nous créer une vie plus heureuse et plus longue. »
Je pense que dans l’amour vanille, il y a cette forme d’obligation sociale à faire que l’autre doit nous manquer, que l’autre s’il n’est pas là, on est mal et quand on est avec lui, on a à regret ces moments où il n’était pas là et où il ne sera pas là. Alors que dans l’amour BDSM, on s’affranchit de ces codes sociaux qui veulent que « quand on aime, l’autre devient coupable de notre mal être ». Il n’y a pas de volonté de faire culpabiliser l’autre, on est dans un accompagnement et non dans une forme de « compétition ». L’autre qui est absent nous manque, mais on retrouve la seconde définition des « micro-moments de connexion qui font résonner … ». Le terme de connexion est je crois le mot le plus important. Et le terme résonnance vient accentuer cela.
En conclusion
Que ce soit dans l’amour vanille ou dans l’amour BDSM, les deux détiennent l’action d’aimer mais c’est la saveur, l’intentionnalité, le regard porté sur l’autre, et sur soi et la notion de construction qui diffèrent.
Je pense qu’on laisse l’amour vanille s’épanouir, s’affaiblir, qu’on le nourrit avec des efforts à plus ou moins long terme et naturels (et souvent presque contre nature) alors que l’amour BDSM est construit, vécu, et travaillé en 24/7 dans une réelle volonté d’évolution (et non pas simplement pour trouver des compromis arrangeants pour soi).
L’écoute active de l’autre est bien plus centrale que dans l’amour vanille. L’amour vanille peut pour certains enfermer sur soi, tandis que l’amour BDSM ouvre sur l’A/autre et sur l’infini …
Tous les deux (l’amour vanille et l’amour BDSM) portent leurs protagonistes sur un fil en perpétuel équilibre, toujours en prise avec le vent.
Mais alors que les vanilles avancent sans filin, les BDSM sont portés par le cadre et les fondations (codes, règles, protocoles) clairs et définis de ce qui les a unis dès le départ.
Ce cadre et ces fondations permettent une liberté immense que les vanilles n’ont pas car ils sont attachés à des principes qu’ils sont eux-mêmes souvent incapables de définir.