Un essai pour comprendre le subspace
Note 1 : Dans le présent document, les termes employés pour désigner des personnes sont pris au sens générique, ils ont à la fois la valeur d’un féminin et d’un masculin.
Note 2 : Dans cet article, c’est un essai pour comprendre le subspace selon mon point de vue et mon expérience. Guide qui n’a pas valeur universelle.
Je vais essayer dans cet article de vous expliquer ce qu’il se passe lors d’un subspace. Malheureusement n’ayant jamais pu ou eu l’opportunité de faire partir en subspace une soumise dans un laboratoire de neurologie, je ne peux donc que faire des rapprochements entre ce que j’ai vu, compris, entendu et ce que rapportent certaines études de scientifiques dans d’autres circonstances telles que les transes.
Je pense déjà qu’on n’est pas soumise, on naît soumise. Par contre, même si c’est congénital, il n’en demeure pas moins que cette posture se travaille. Ce n’est pas parce qu’on se couche sur un banc à fesser, qu’on se met sur la croix de Saint André qu’on est soumis. Tout le monde peut se dire soumis, mais l’être réellement, cela représente un long apprentissage, un long travail sur soi.
Pour certaines personnes, le cerveau va imposer cette posture de soumise comme une stratégie de survie pour permettre à la personne de faire face à la vie, à la société. La soumission est une bonne stratégie pour accepter la fatalité.
Quant au subspace, pourrait-on définir le subspace comme une “capacité” de mettre son cerveau dans un état “pathologique”, et d’en revenir par simple volonté ou par la volonté du Maître, sans garder aucune séquelle ? Pathologie est pris dans le sens du grec ancien pathologikos qui traite des passions.
Le subspace a certainement un potentiel cognitif, car il s’exprime par exemple de façon très naturelle dans les situations d’urgence, où le cerveau va l’imposer comme une stratégie de survie pour permettre d’y faire face. On va ressentir moins de douleur, avoir davantage de force, de lâcher-prise, de vivre une distorsion du temps qui peut donner parfois l’impression de vivre une scène au ralenti, ou de voir la scène comme spectateur. Ce sont vraiment les grandes caractéristiques de cet état de subspace.
Le cerveau change d’état de conscience en permanence. Il adapte ainsi son état de conscience en fonction des besoins. Dans une scène BDSM ou dans une corde, il est possible de ressentir une accentuation des perceptions, de l’intuition, de la connexion au Maître, à l’encordeur, ou à l’environnement. Ce qui peut ressembler à un état de méditation, d’autohypnose, voire de transe… tous ces états sont des propositions de notre cerveau pour s’adapter au mieux à une situation donnée.
L’état de conscience, lors d’un subspace, passe d’un mode de pensée analytique à un mode de pensée plus intuitif, tourné vers l’expérience immédiate. Ceci grâce à une désactivation du cortex préfrontal (régissant le raisonnement, l’inhibition, le contrôle des actions, la prise de décision etc.) et une activation du cortex postérieur somatosensoriel (zone recevant les informations provenant de la surface du corps).
On a pu s’apercevoir à l’aide d’IRM, EEG, stimulation magnétique transcrânienne lors d’une transe que l’activité de la matière grise du cortex tend à se réduire, mais qu’à l’inverse, il y aurait libération de l’activité de réseaux neuronaux plus profonds, plus anciens à l’échelle de l’évolution, et moins soumis aux processus de pensée rationnelle.
Je pense que lors d’un subspace qu’il y aurait une modification de la connectivité entre les différents “étages” du cerveau, qui permettrait à des zones plus émotionnelles de se libérer du contrôle exercé par le cortex.
La transe est vue aujourd’hui comme un état modifié de la conscience. Il existe différents états modifiés de la conscience, placés sur un spectre allant du normal au pathologique (passions et/ou maladies). Dans les états de conscience modifiée normaux, nous retrouvons les états méditatifs ou encore le flow (état d’engagement et de concentration maximal atteint par une personne lorsqu’elle est complètement absorbée par ce qu’elle fait). Ce sont des états de conscience modifiée et volontaires. Dans les états de conscience modifiée pathologiques (passions et/ou maladies), nous allons trouver les altérations non volontaires de la conscience comme la perte du sentiment de soi ou les hallucinations.
Où se situe le subspace sur ce spectre ? S’apparent-il à une forme de transe chamanique ? Peut-on le placer proche des états de conscience pathologiques ou plus proche des états normaux ? Pour moi, ce serait un état nouveau du cerveau, qu’on ne peut donc pas comparer à des états pathologiques. Ce serait même un potentiel qu’on a tous en nous.
Qu’est-ce qui déclenche cet état, ce subspace ? Est-ce la corde ? L’encordeur ? La douleur ? La connexion ? Est-ce un ou des rythmes particuliers dans les cordes ? Les états de subspace seraient-ils un potentiel inexploité de l’Homme plutôt qu’une psychopathologie ou un don ?
Pour ma part, je ne définirais pas le subspace comme étant un état de conscience modifiée, mais plutôt comme un état de conscience altérée. Altéré non pas dans le sens “dégradé, dénaturé”, mais dans le sens “transformé”.
Cet état de subspace amène à un modèle de perception de la réalité qui est augmenté. Augmentation qui peut aller au-delà du réel. Ce que nous voyons dans un état de conscience normal n’est pas le monde, mais un modèle du monde créé par notre cerveau. Le subspace pourrait-il être un moyen de voyager ou d’accéder à des informations qui sont autour de nous mais qu’on ne percevrait pas dans un état de conscience ordinaire ? En effet, le cerveau fonctionne comme un filtre. Il reçoit des millions d’informations à la seconde, mais toutes ne sont pas conscientisées et utilisées. Le cerveau sélectionne seulement ce dont nous avons besoin. Le subspace permettrait-il au cerveau d’accéder à des informations issues de l’inconscient ?
Le subspace pourrait-il être aussi un outil favorisant le développement individuel ? La connaissance de soi ? La confiance en soi ? L’estime de soi ? Le bien-être ? Faciliterait-il le processus créatif ?
Le subspace permet une interaction, dans la mesure où il permet d’avoir un accès amplifié à l’autre et à notre environnement. Ce qui signifie aussi un rapport modifié à soi, plus intuitif, plus juste de façon à mieux percevoir ce qui est bon ou néfaste pour soi. Ce rapport-là, qui fait partie de l’intelligence du vivant, permettrait-il ainsi d’accéder à ces informations dans son esprit, dans son inconscient ? Il semble que cet état de subspace permet à certaines personnes soumises d’établir des connexions amplifiées à leur environnement, à leur corps, à leurs perceptions, ressentis, des connexions amplifiées avec leur Maître ou encordeur.
Chaque personne soumise vit son subspace qu’elle a besoin de vivre et il y a autant de formes de subspace que de personnes soumises qui la vivent. Ces niveaux d’accès au subspace sont dus au parcours de chacun, mais aussi à plus ou moins d’appréhension, à plus ou moins de confiance dans le processus, en soi, et/ou dans le Maître, l’encordeur qui l’accompagne, qui la guide.
Concernant les personnes qui n’y arrivent pas du tout, j’ai pu observer une frayeur chez elles, comme si elles avaient des choses à cacher, des choses dont elles ne veulent pas qu’on sache. J’ai pu observer aussi que certaines avaient un très grand manque de confiance en soi, une très grande peur, peur qui est plus forte que leur envie de découvrir cet état de subspace. Peur de lâcher-prise ! d’autres portent en elles des traumatismes auxquels elles ne sont pas prêtes à faire face, et qu’elles ressentent dans le subspace une capacité de transformation, transformation dont elles ne sont pas non plus capables de faire face.
Par contre, la personne soumise est consciente pendant son subspace et peut décider à chaque instant de laisser faire ce qui émerge ou de le bloquer si elle ne se sent pas prête ou pas en sécurité. Ce n’est pas comme avec un psychotrope où elle n’aura pas le choix.