L’esprit critique dans le BDSM ou dans les cordes
Note 1 : Dans le présent document, les termes employés pour désigner des personnes sont pris au sens générique, ils ont à la fois la valeur d’un féminin et d’un masculin.
Note 2 : Dans cet article, je vais essayer de vous parler de l’esprit critique dans le BDSM ou dans les cordes selon mon point de vue.
Notre 3 : Suite de l’article sur le doute dans le BDSM ou dans les cordes.
L’esprit critique porte aussi d’autres appellation comme la zététique ou l’autodéfense intellectuelle.
L’esprit critique dans le BDSM permettra de lever les doutes, lever les doutes ne veut en aucun cas dire enlever tous les doutes !
La recherche en psychologie montre que la croyance humaine se développe selon un continuum : nous n’adhérons jamais totalement à nos croyances. Nous attachons à chacune d’elles un niveau de fiabilité qu’on peut comprendre comme une probabilité.
La thèse des pyrrhoniens consiste à dire qu’il existe toujours des arguments pour et des arguments contre une hypothèse donnée, que par conséquent nous ne pouvons aboutir à une certitude absolue et qu’il faut donc suspendre son jugement en toute chose. Il nous faut accepter, même avec toute l’expérience et réflexion qu’on peut accorder, le fait qu’une absolue certitude est difficilement atteignable. En revanche, pour qu’elle soit raisonnable, il faut qu’elle s’accorde à la fiabilité des différents arguments. Il faut comprendre l’adhésion à telle ou telle affirmation comme se développant selon des degrés, évoluant de la certitude du faux à la certitude du vrai.
Plutôt que de suspendre le jugement sur toute chose au motif qu’aucune certitude n’est possible, il vaut mieux régler notre degré d’adhésion finement, en prenant en compte fiabilité et risque d’erreur. Au lieu de refuser de faire confiance aux autres et à soi, au lieu de rejeter toute démonstration au motif qu’elle est peut-être trompeuse, accordons notre degré de confiance à la crédibilité de l’information considérée. Dans cet esprit, la raison ne nous conduit pas à une méfiance extrême, mais à un ajustement du niveau de confiance et de croyance. Bien calibrer sa confiance dans les informations est d’ailleurs une des définitions de l’esprit critique.
Pour cela, il faut accepter et prendre en compte le risque. On peut sombrer dans l’erreur, les expériences les mieux pensées peuvent toujours avoir un défaut qui nous échappe. Personne n’est entièrement fiable, et nos sens nous trompent à l’occasion. Croire, c’est toujours courir le risque acceptable de se tromper.
Il faut aussi accepter de réviser ses croyances chaque fois qu’une nouvelle information, qu’un nouvel argument raisonnable se présente.
Le niveau d’adhésion doit dépendre des connaissances sur le fonctionnement, sur l’expertise du BDSM ou des cordes. Accorder plus de poids aux actes. Il y a dans cet art de la calibration de la confiance quelque chose de l’esprit raisonné, quelque chose de l’esprit logique aussi. Cela s’éduque également, c’est du moins l’espoir que j’ai.
L’esprit critique a ceci de commun avec l’intelligence que tout le monde estime spontanément en être suffisamment bien pourvu selon ses besoins propres, et personne ne souffre d’en manquer. Cela tient au fait que c’est avec notre intelligence que nous jugeons notre intelligence, et de même pour l’esprit critique. Nous ne sommes donc pas bons juges de l’une et de l’autre : nous manquons d’objectivité. Mais comment établir des hiérarchies objectives d’esprits critiques s’il est vrai que ceux-ci s’illustrent justement par leur capacité à mettre en question de ce qui se présente comme objectif, établi, normal, légitime ? Seul un esprit critique peut juger des insuffisances d’un autre esprit critique. La difficulté persiste toutefois car deux esprits critiques peuvent se juger réciproquement en défaut, et personne ne peut arbitrer cette querelle, puisqu’un tel arbitre serait également jugé par les deux autres. On tourne en rond.
La solution serait de trouver une procédure que tout le monde reconnaisse légitime et efficiente de mise à l’épreuve de la capacité critique. Cela s’appelle la discussion argumentée. Puisque nous avons la raison en commun, nous pouvons soumettre nos arguments et nos connaissances à cette rationalité partagée, et réciproquement, évaluer ceux des autres. Idéalement, cette expérience devrait révéler des défauts de cohérence, mais aussi de capacité analytique (distinguer ce qui a été amalgamé) ou synthétique (identifier ce qui a l’apparence du divers), des préjugés, des impensés, de la crédulité chez les uns, de l’ignorance chez les autres, bref, elle pourrait fonctionner comme un révélateur de la qualité critique des pensées. Dans les faits, cette procédure est faillible, comme chacun sait. Les passions pénètrent la raison, les ignorants se croient savants, la mauvaise foi et la langue de bois répandent partout leur venin. Résultat : les plus crédules des contestataires passent pour des champions de l’esprit critique. Bien souvent je remarque que certains confondent esprit critique et esprit de contradiction, intelligence discursive et attaque ad hominem (argumentum ad hominem désigne un argument de rhétorique qui consiste à confondre un adversaire en lui opposant ses propres paroles ou ses propres actes), et finalement pensée éclairée et conviction subjective.
Le souci dans le BDSM ou dans les cordes, pour développer un esprit critique, il ne suffit pas de participer ou d’organiser des débats, il faut préalablement que les débattants soient formés, qu’ils aient de l’expérience, de l’expérimentation, du vécu.
De plus, certaines personnes dans les BDSM ou dans les cordes débattent parfois sous contraintes (contraintes imposées par sa personne soumise ou par la personne dominante). La contrainte imposée ne montre pas une maîtrise, mais simplement une domination. La contrainte imposés favorise la domination de la pseudo-connaissance sur la connaissance authentique.
L’esprit critique, dans le BDSM ou dans les cordes, est directement menacé par un retour en force de la crédulité la plus bornée, d’autant plus dangereuse qu’elle se revendique du pluralisme démocratique des gamers. L’esprit critique est mis à mal par le gaming.
Source : Audrey Bedel, Vincent Citot, Nicolas Gauvrit, Anne-Sophie Lamine, Sophie de Mijolla-Mellor
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