Le sauveur dans le BDSM ou dans les cordes : égoïste ou altruiste ?
Note 1 : Dans le présent document, les termes employés pour désigner des personnes sont pris au sens générique, ils ont à la fois la valeur d’un féminin et d’un masculin.
Note 2 : Dans cet article, je vais essayer de vous parler de l’égoïsme ou de l’altruisme dans le BDSM ou dans les cordes selon mon point de vue.
Note 3 : Suite de l’article sur le triangle de Karpman adapté au BDSM.
Êtes-vous un sauveur ? Sauvez-vous par altruisme ou par égoïsme ?
Dans le BDSM ou dans les cordes, peut-on agir de façon totalement désintéressée ? Derrière les actes généreux, les aides, les conseils n’y aurait-il pas un égoïsme caché ?
On peut lancer un débat sur l’égoïsme ou l’altruisme dans le BDSM ou dans les cordes comme dans les motivations des philanthropes.
La conception de l’homme comme un individu calculateur qui cherche en toutes circonstances à “maximiser” la satisfaction de ses intérêts ou à promouvoir ses préférences constitue le paradigme dominant dans les sciences humaines.
Le débat altruisme/égoïsme a, depuis trente ans, donné lieu à une immense littérature scientifique sur les fondements (biologiques et neurologiques) de la morale, l’économie des comportements (intéressés ou non) et la philosophie morale.
Dans les théories du lien social, un des principes est la satisfaction de nos propres intérêts. Les êtres humains sont des mammifères sociaux. À ce titre, ils n’échappent pas à certaines contraintes. Que l’on soit une personne dominante ou soumise, nous sommes nous aussi soumis à des pulsions de vie et de survie qui nous poussent à atteindre des buts individuels de toute sorte (de la nourriture au sexe, de l’autodéfense au confort personnel). Or, chez les animaux sociaux, la satisfaction de ces pulsions suppose le concours d’autrui. Cette dépendance à l’autre fait que les animaux sociaux se sont dotés d’une gamme de comportements sociaux (dont les affects d’attachement ou d’amour) nécessaires pour se faire des amis, des alliés, des parents et de “partager” toute sorte de choses.
Mais les humains que nous sommes ont ajouté à cela des aptitudes spécifiques : l’intentionnalité (se fixer des buts conscients), la réflexivité (capacité d’auto-analyse), la création de cultures symboliques (faites de règles, de devoirs et d’interdits). Tout cela fait de nous des “agents moraux” ayant une notion du “bien” et du “mal”. Cette conscience morale enrichit considérablement le répertoire de conduite des humains. Mais compliquent singulièrement leur compréhension.
Dans le BDSM ou dans les cordes, il en est de même : la satisfaction de nos propres intérêts est la motivation première. Le lien qui unit la personne dominante ou encordeur à la personne soumise ou encordée prend racine sur la satisfaction de ses propres intérêts et la réalisation de ses propres préférences.
Pour les psychologues contemporains, l’égoïsme est l’axiome au fondement de toute tentative de comprendre pourquoi nous agissons et pensons comme nous le faisons.
Selon Michel Terestchenko : “L’anticipation de récompenses, personnelles ou sociales, le désir d’échapper aux condamnations de notre conscience ou de celle d’autrui, ou encore la volonté d’éviter les sentiments d’anxiété que produit le spectacle de la détresse sont présentés comme les raisons véritables et le but ultime de conduites qui ont l’apparence de l’altruisme mais dont la nature est, en réalité, égoïste.”
Si l’on parle d’altruisme, on peut voir la notion d’intention de la conscience : la volonté résolue et réfléchie de promouvoir le bien d’autrui.
Pour les défenseurs de l’égoïsme psychologique, leurs arguments tendent à démontrer que l’altruisme supposé n’est en réalité qu’un moyen de n’aimer que soi et ne considérer que soi.
Agir en vue du bien d’autrui est un comportement altruiste, qui prend tout de même racine sur le sentiment d’empathie.
Dans cette recherche de satisfaction de nos propres intérêts et de réalisation de nos propres préférences, sommes-nous plutôt égoïste ou altruiste ? Si nous sommes altruiste, le sommes-nous par empathie ou par sympathie ?
Selon l’égoïsme psychologique, il n’est aucun comportement, fût-il apparemment désintéressé et altruiste, qui ne puisse ultimement être rapporté à l’intérêt, à l’avantage ou au bénéfice du sujet, quelle que soit la nature de ce bénéfice, matérielle ou symbolique (ce que La Rochefoucauld appelait des intérêts de “bien” ou de “gloire”).
On peut voir l’égoïsme comme une forme d’altruisme, on ne peut pas dire qu’une personne égoïste agit toujours contre autrui. Dans l’égoïsme, on peut aider autrui parce que cette action produit un bénéfice pour soi. L’égoïste n’accepte pas d’autre mobile que le bénéfice propre.
Un altruiste concédera que cette action produit un bénéfice pour lui, mais il contestera que c’est la seule raison de son action. Pour l’altruiste, la recherche du bien des autres n’est pas incompatible avec l’obtention de quelque satisfaction personnelle ou rétribution.
On peut en déduire qu’en terme de motivation, que l’égoïste à une conception moniste des motivations humaines, que l’altruiste a une conception pluraliste.
Sober et Wilson distinguent trois théories de la motivation humaine : l’hédonisme, l’égoïsme et l’altruisme.
- L’hédonisme est la doctrine qui soutient que la recherche du plaisir et l’évitement de la peine sont les seuls buts que poursuit l’action humaine, tout autre but ne pouvant être qu’instrumental au regard de ces deux fins.
- L’égoïsme a une vision moins restrictive : son principe premier est que les comportements humains se rapportent toujours à soi, sont “dirigés vers soi“ (selfdirected) et n’ont d’autre finalité que notre bien-être. Définir l’égoïsme comme étant “dirigé vers soi” ne signifie pas nécessairement qu’il est intéressé (selfish). Le terme intéressé (selfish) véhicule une idée de désapprobation. L’analyse de la nature des motivations psychologiques de la volonté humaine ne se prononce pas sur la question de savoir lequel, de l’égoïsme ou de l’altruisme, est moral.
- L’altruisme, en revanche, reconnaît qu’existent parfois des actions qui ont pour fin en soi le bien d’autrui. Le propre de l’altruisme est d’être “dirigé vers autrui (other-directed) (Le terme parfois, écrivent Sober et Wilson, désigne une différence logique entre l’hypothèse altruiste et les hypothèses de l’hédonisme et de l’égoïsme).
L’hédonisme et l’égoïsme sont des affirmations qui portent sur tous les désirs ultimes d’un individu, alors que l’altruisme ne formule aucune affirmation de portée universelle semblable. L’égoïsme affirme que tous les désirs ultimes se rapportent à soi, mais la théorie de l’altruisme ne dit pas que tous les désirs ultimes sont dirigés vers autrui. Il nous faut considérer l’altruisme comme faisant partie d’une théorie pluraliste de la motivation, qui soutient que les gens ont des désirs ultimes envers les autres aussi bien qu’envers eux-mêmes.
Les intentions bienveillantes envers autrui peuvent prendre deux formes :
- soit vouloir le bien que les autres veulent pour eux-mêmes ;
- soit vouloir un bien qu’ils ne désirent pas actuellement et que même, ils peuvent rejete, mais qu’on estime devoir leur être bénéfique.
Le pluralisme de l’altruisme admet parfaitement que les individus puissent se comporter à la fois de façon intéressée et désintéressée.
L’altruisme exclut donc toute instrumentalisation directe des conduites en faveur du bien d’autrui, mais non les rétributions indirectes qui peuvent en résulter.
Pour décrire la différence entre l’égoïsme et l’altruisme, on peut dire qu’une conduite bienveillante qui n’aurait d’autre fin qu’un bénéfice personnel ne saurait être considérée comme altruiste, mais plutôt comme égoïste. L’altruisme n’exclut pas tout bénéfice ou conséquence heureuse et profitable pour soi, il n’exige pas que le bien d’autrui soit la seule et unique fin désirée. L’altruisme admet une pluralité de motivations là où l’égoïsme s’en tient à une seule. Un comportement n’a pas besoin de procéder d’un altruisme pur, entièrement désintéressé et sacrificiel, pour être réellement altruiste.
Les conduites altruistes procèdent-elles des émotions de sympathie ou d’empathie ?
L’empathie est définie comme cette émotion qui naît du partage de l’émotion d’un autre, sans qu’il y ait nécessairement phénomène d’identification entre les personnes.
À la différence de l’empathie, la sympathie ne présuppose pas nécessairement que l’on partage les émotions dont nous sommes témoins.
Sober et Wilson écrivent : “Bien que la sympathie et l’empathie exigent toutes deux la formation d’une croyance (belief), les types requis de croyance sont différents. L’empathie entraîne une croyance sur les émotions éprouvées par une autre personne. Les individus empathiques sont des “psychologues”; ils ont des croyances sur les états mentaux des autres. La sympathie ne requiert rien de semblable. Vous pouvez sympathiser avec quelqu’un simplement en étant ému par sa situation objective; vous n’avez pas besoin de connaître son état subjectif “.
Finalement, si vous êtes un sauveur, l’êtes-vous par altruisme ou par égoïsme ?
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