Le don de soi
Note 1 : Dans le présent document, les termes employés pour désigner des personnes sont pris au sens générique, ils ont à la fois la valeur d’un féminin et d’un masculin.
Note 2 : Dans cet article, je vais essayer de vous parler du don de soi dans le BDSM ou dans les cordes selon mon point de vue.
Quand on est enfant, on n’a pas conscience de la notion de don. En tout cas de don de soi. Au départ, une personne n’a pas envie de se soumettre. Lors d’une expérience, que ce soit à l’école, avec un petit ami, ou autre, sans être capable de l’expliquer, une individu sent que cela lui fait du bien. Cela a donc pris de plus en plus d’importance au fil du temps et cela a eu une grande influence sur l’évolution, la construction de la personnalité de cet individu. Si une personne a cette capacité à “se donner”, c’est aussi lié à un paradoxe, on retrouve la même chose dans le sport : le “don de soi” est lié à une forme d’égocentrisme. Se soumettre peut être considéré comme une forme de concentration, un contrôle, une maîtrise extrême de soi, ce qui peut même nous couper du monde.
Se donner pour quoi et jusqu’à quel point ? Quelle est la finalité de ce don exigeant et entier, qui prend toute la personne ? Le don est finalisé par l’acceptation de ce don par la personne dominante, ce qui responsabilise d’autant la personne dominant !
Ce don suppose une confiance radicale, qui ne met de frontière ni dans celle qui se donne ni dans celui qui reçoit ce don personnel. Chacun donne le meilleur de soi mais aussi ses limites, ses imperfections, ses faiblesses. Il donne tout en se donnant. La personne qui se donne à l’autre, se livre dans sa “nudité”, c’est-à-dire dans la vérité de sa personne, telle qu’elle est. Cette vérité est bien sûr approchée et devinée avant l’acceptation, mais elle se découvre également dans l’acte de se donner. La promesse fait jaillir la vérité. Il y a un saut à faire, un risque à prendre : ils permettent la découverte d’une nouveauté.
Le don relève donc davantage de la notion de choix. La motivation implique une organisation pour vivre cela pleinement. Ne plus penser à faire autre chose. Se donner à la discipline. Mais est-ce ainsi que le “don” prend toute sa signification ? Dans cette façon de voir les choses, il y a un côté dépendant qui déplaît. Le don de soi peut être une question… d’amour, d’amour BDSM !
Le don de soi peut ressembler aux premiers temps de l’amour, voilà pourquoi souvent une personne soumise à la sensation d’être trahie, lorsque la personne dominante cesse la relation.
Le don de soi est une inconscience, on ne sait pas pourquoi les choses se mettent en place. Puis, on fait tout pour continuer, faire durer cet “amour”. Pratiquer sa soumission touche le côté zen, martial de cette pratique. Cela apporte un équilibre. Pratiquer la soumission se définit humainement, physiquement et stratégiquement, cela demande beaucoup de contrôle et beaucoup de maîtrise.
L’engagement
La notion de don est plus proche de celle de l’engagement. C’est ce qu’il y a d’excitant, de passionnant, et c’est cela que l’on se donne à soi. La personne soumise peut obtenir des résultats juste en demeurant dans la notion de choix mais c’est dans la confrontation avec l’autre (son Maître) qu’elle trouvera son chemin. Elle a besoin de l’autre (son Maître). La confrontation avec l’autre et non contre l’autre (son Maître), bien différencier “avec” et “contre” ! “Se confronter avec l’autre” c’est se construire avec l’autre, “se confronter contre l’autre” c’est se battre contre l’autre.
Cette confrontation avec l’autre n’est en réalité qu’une confrontation contre soi ! Les réactions verbales et non-verbales de “l’autre” permet de mettre en exergue soit le manque de contrôle, de maîtrise de soi, soit la reconnaissance d’être, on se sent exister ! Se confronter avec l’autre, c’est se confronter à la réalité !
Le combat qu’elle aura contre elle, c’est un apprentissage, un enrichissement mutuel entre le Maître et sa soumise. C’est une conséquence de ce combat. Si la personne soumise ne suis pas le Maître dans cette relation à l’autre totalement, entièrement, complètement, si la personne soumise ne donne pas tout ce qu’elle a dans ce combat, qu’elle gagne ou qu’elle perde, elle aura des regrets.
Elle ne peut pas être dans l’attente, dans la retenue, quand elle se donne. Il y a beaucoup de similitude avec le théâtre. Si l’on est en retrait, que l’on se noue, que l’on a peur de mal faire, d’être mal perçu, du coup, on n’est pas efficace, ce qui explique peut-être pourquoi certains ont besoin de scénariser leur BDSM. C’est ça la part de l’engagement dans le don de soi. On peut associer ce don de soi à de la générosité.
Le don de soi est un travail, un travail qui consiste à faire appel à tout ce que l’on est. Il faut se mettre à nu. Si l’on se retient, il y aura de la frustration.
Passer d’un “ego” à un “duo”
L’Église insiste sur la capacité de l’homme et de la femme à s’engager librement dans l’amour, l’un vis-à-vis de l’autre et devant Dieu. Dans la liturgie, une des questions posées aux futurs époux est la suivante : « Êtes-vous venus librement et sans contraintes ? » C’est une condition de validité du sacrement. La liberté est une valeur décisive pour la vérité du sacrement.
Notre liberté est toujours conditionnée, mais elle n’est jamais totalement sous conditions. Pour se donner, il convient que l’engagement soit le plus “déconditionné” possible : il ne faut pas se donner par habitude, par intérêt, par nécessité. Il n’y a pas de don dans la crainte et la contrainte. Dans le don de soi, on offre sa liberté pour être libre. On entre dans un “exode” de soi pour goûter une “nouveauté” : on passe d’un “ego” à un “duo”. Le don de soi, qui est le don de sa liberté individuelle est générosité, abondance, déploiement de l’être et s’oppose à une vision égoïste ou à un partenariat contractuel.
le partage
On peut y associer une autre notion à l’engagement : Le partage.
Pour aller vers le don de soi, il y a la nécessité de partager. Il faut partager ce que l’on croit avoir compris. Pour partager, il faut aller vers les autres, il faut transmettre. Aller vers les autres et transmettre, c’est aller chercher un sourrire, aller chercher de la reconnaissance.
La personne soumise a reçu, elle a compris, elle a appris, elle doit partager. C’est ainsi aussi qu’elle se sentira privilégiée. Elle a travaillé dur pour vivre ce qu’elle a vécu, et en partageant, elle aura en retour l’impression d’avoir reçu de l’amour, du bonheur.
Le partage lui permettra aussi d’évaluer son équilibre. Comme elle aura vécu des choses extraordinaires, ne pas partager ce qu’elle a vécu l’enfermera sur soi. Certes elle ne vit pas sa soumission, elle ne se donne pas au Maître pour le show, pour les autres, mais dans ce partage qu’elle prendre mesure de toute l’ampleur, la profondeur de ce qu’elle aura vécu. Il ne faut pas qu’elle garde son vécu pour elle, même si les choses intimes doivent rester “intime”.
La mort, c’est la vie
Le BDSM apprend la notion de mort et de vie.
Pour arriver au don de soi, la personne soumise doit faire faire le deuil des poids de son passé qui entravent son évolution, afin de se libérer pour s’ouvrir à cette nouvelle vie qui s’offre à elle.
Cette notion de laisser derrière, de faire le deuil de ce passé, rendra la personne soumise plus forte pour affronter sa nouvelle vie, pour affronter la vie et cela grâce à cet équilibre qu’elle aura trouvé. La personne soumise qui fait le don de soi, sait ce qu’est la douleur, cela aussi joue dans l’appréhension d’un changement.
Dans le don de soi, la situation de doute dans laquelle la personne soumise est, est en même temps sa manière de rebondir par rapport à l’échec. La douleur renvoie à d’autres combats, renvoie à d’autres luttes, d’autres douleurs.
Conclusion
Le don de soi oblige aussi à assumer ses erreurs, ses fautes et ses échecs. Assumer ne veut pas dire renoncer ! Assumer ne veut pas dire être faible !
Aller vers le don de soi, c’est faire un voeux, le voeux de faire l’effort d’accepter qui l’on est, et de se comprendre soi-même.
Ce don n’est pas une fusion ou une dilution des personnalités dans un tout uniforme ou une entité qui asservit les libertés humaines. Il y a une condition pour pouvoir faire le don de soi : La personne doit garder sa personnalité et doit trouver dans ce don un terrain favorable pour grandir, se fortifier, s’épanouir. Et il est vrai, même si c’est difficile, que l’on peut rester soi-même en posant un regard d’admiration et d’encouragement sur l’autre. On peut rester soi-même en aimant et en cherchant à promouvoir l’autre. Cette connaissance suppose que l’on se quitte pour se trouver. C’est à cette condition que la personne qui se donne pourra fleurir.
Se donner, c’est dire à l’autre qui l’on est.