L’activisme : une clé pour vivre pleinement sa soumission ?
Note 1 : Dans le présent document, les termes employés pour désigner des personnes sont pris au sens générique, ils ont à la fois la valeur d’un féminin et d’un masculin.
Note 2 : Dans cet article, je vais essayer de vous parler de l’activisme dans le BDSM selon mon point de vue.
Beaucoup de personnes dominantes attendent des soumises qu’elles soient passives, elles ne devraient pas utiliser leur initiative, elles attendent qu’on leur dise ce qu’il faut faire. Dans les cas extrêmes, leur vie peut être micro-gérée par leurs Dom… Cela peut être utile dans leur formation pour accentuer et intégrer le contrôle d’un Maître ou juste comme une discipline utile à certaines occasions. Cependant, la plupart du temps, une personne dominante dans le playing, préférera une soumission plus active. N’est-ce pas le but d’une personne soumise de pourvoir au plaisir et au bonheur de leur Maître ? Quel Maître n’aimerait pas que sa soumise lui propose une tasse de thé, de café … avant qu’il lui demande ? Quel Maître n’aimerait pas qu’elle s’offre gracieusement pour une fessée ou autre ?
En tant qu’individu cherchant la maîtrise de ma relation, ma préférence va pour la soumission active. Cela ne veut pas dire qu’une personne soumise ne devrait pas être obéissante et parfois passive, mais ce modèle ne m’intéresse pas tellement. Je ne veux pas de « paillasson », de « béni-oui-oui ». Je veux une soumise intelligente, brillante et enthousiaste avec une obéissance active.
Est-ce que ce n’est pas actif plutôt que passif de servir et de plaire à son Maître ? Peut-être que je suis juste paresseux mais je ne prends pas toujours mon plaisir à commander, à ordonner. Au contraire, je serais ravi qu’elle cherche constamment des moyens de me plaire. J’ai toujours essayé d' »éduquer » mes soumises de cette façon. Cela peut être difficile à faire, ça demande très certainement de la maîtrise.
Pour de nombreuses soumises, la passivité est une solution facile, elles aiment que l’on s’occupent d’elles, elles aiment avoir de la reconnaissance, être mise en valeur. Les personnes soumises ne devraient pas négliger le service actif dans la recherche de moyens de plaire à leur maître.
Il est beaucoup trop facile de se dire, je suis soumise, il est mon Maître, donc j’attends qu’il me demande pour faire… Et la personne soumise attend, attend… Lorsque le Maître demande, si cela plait à la personne soumise, elle obéira, si cela ne lui plait pas, ou qu’elle préfère autre chose, alors elle s’exprimera… et s’exprimera de différente manière, jusqu’à ce que la personne dominante, modifie sa décision et aille dans le sens de sa soumise.
Il est facile de se plaindre de la personne Dominante, qui face au comportement énoncé précédemment, ne s’occupe pas d’elle… Mais elle, mise à part attendre, que fait-elle pour attirer le Maître à s’occuper d’elle ? Que fait-elle pour générer l’envie ? En restant dans une position passive, penserait-elle qu’elle attire par le simple fait d’être soumise ?
Être soumise ou esclave d’un Maître est plus qu’une obéissance passive, c’est une obéissance active (ce qui autorise et encourage la soumise à exprimer son esprit et analyse critique) ! Je lis ou entends souvent beaucoup de conseils pour être une « bonne » ou une « vraie » soumise, comme : « toujours obéir » et « ne jamais dire non », ce qui induit la passivité. Or il faut quelque chose de plus pour construire les bases d’une relation « 24/7 » : le service actif !
Pour que les relations BDSM ne s’épuisent pas, elles nécessitent d’exister à l’extérieur d’une scène BDSM aussi bien qu’à l’intérieur ! Les relations BDSM qui n’existent qu’à l’intérieur d’une scène BDSM reviennent à lire toujours le même scénario encore et encore.
Par conséquent, être une meilleure soumise ou esclave nécessite plus que de simplement savoir quoi faire et de suivre passivement les ordres. Pour maitriser la soumission active, cela demande une compréhension profonde du Maître, ce qui l’excite et ce qui l’éteint. Prendre l’initiative d’étinceler et de surprendre le Maître peut sembler facile, mais en réalité cela peut être plus difficile qu’on ne peut le croire. C’est une compétence de connaître le Maître, et ce qui est désiré de ce qui ne l’est pas.
Il y a une omniprésence de la notion de service actif, notamment dans la communication, dans les interactions. L’ambition initiale du paradigme du service actif dans le BDSM, est de proposer une stratégie globale pour faire de la soumission un atout pour les personnes soumises. Cette omniprésence se traduit par la mise en œuvre d’une politique et de stratégies BDSM visant à maximiser leurs implications dans leur soumission au bénéfice de la relation comme de leur autonomie propre. Ainsi, la version utilitariste et sexuelle de la soumission passive s’efface lorsqu’elles entrent dans un service actif, c’est-à-dire dans une soumission active. L’activisme de leur service à leur Maître, nous permettent d’utiliser leurs capacités, compétences, connaissances et ressources tout au long de la relation afin de faire vivre la relation et dans cette recherche du » 1 + 1 = 1 « .
Ce service actif permet de les inclure dans la relation plus aisément et surtout d’une manière active, participante, tout en leur offrant une certaine autonomie dans leur soumission. Ce service actif les autorise à travailler, à s’investir afin d’évoluer vers la maîtrise de leur soumission, et ce indépendamment de leur Maître, d’où cette autonomie. Cette autonomie qu’on leur offre en les guidant, les accompagnant dans leur service actif, va leur permettre de travailler leur soumission pour se diriger vers l’allonomie, qui cette dernière mettra en exergue la maîtrise de leur soumission.
Cette stratégie politique opposée au passivisme renverse certains mouvements de pensée (Stratégie politique : les stratèges que l’on met en œuvre pour vivre la relation BDSM en dehors du « nid intime BDSM »). Cette stratégie politique offre une longévité accrue à la soumission, ainsi qu’à la relation. La soumission n’est plus un problème mais une opportunité pour changer sa relation à l’autorité non seulement dans un cadre BDSM, mais dans la vie de tous les jours, qu’elle soit privée, personnelle, professionnelle, sportive ou autre. La soumission active replace la personne soumise dans une perspective de cours de vie.
La soumission devient un processus de régulation des humeurs dans les inter-relations et le service actif permet à la personne soumise de s’émanciper, autant que peut se peut, de la dépendance que génère un service passif. L’activisme autorise l' »injonction biographique » (Astier, 2007) à être responsable de sa propre vie et, bien sûr, des échecs rencontrés.
L’activisme oblige le Maître à lever toutes les contraintes pesant sur les choix des personnes soumises en matière d’organisation de leur soumission, afin de libérer leur potentiel de ressources.
Le Maître doit gérer, conduire, construire la relation BDSM. Mais il ne peut pas le faire seul, il a besoin d’être accompagné dans sa tâche, tout comme la soumise doit être guidée dans sa tâche aussi. Le Maître doit faire sentir à sa soumise qu’elle est sa soumise, mais le Maître a aussi besoin de sentir qu’il est le Maître ! Chacun doit mettre l’autre à sa place, comme chacun doit aussi se mettre à sa propre place. La passivité ne permettra jamais de mettre un Maître à sa place de Maître. Au plus il sentira qu’il est le propriétaire, ce qui flattera son égo, mais il ressentira une soumise sans vie, comme un objet, ce qui lassera la relation au long terme. Si l’on prend l’exemple du chien du Berger, le chien est il passif ? Ne prend-il pas des initiatives ? Avec une table ou une armoire, la relation est passive, on se sert de la table ou de son armoire, il n’y a pas de relation humaine, sentimentale ou affectueuse, aucune interaction, mais l’armoire obéit bien, elle tient bien le linge qu’on lui a donné, mais elle n’est pas vivante, elle n’a aucune vie, elle aura tout au plus une durée de vie…
L’énoncé précédente peut, peut-être pour certains, aller à l’encontre de la notion d’IE (l’Asservissement Interne), mais n’oublions pas que l’IE est seulement un choix de mode de vie réalisable pour une très petite minorité des relations BDSM. Pour d’autres qui ont choisi un mode de vie en 24/7, cela se complique, et nécessite plus qu’une simple dynamique de pouvoir à sens unique. C’est un concept difficile, qui implique de traiter délicatement la contradiction de l’abandon du contrôle tout en exerçant un certain contrôle.
Les relations sont un échange. C’est ce que « l’échange d’énergie » est. C’est le travail de la soumise de chercher les indices, de suivre les pistes et de comprendre les déclencheurs. Avec les connaissances, une soumise peut offrir un plaisir sensuel à son Maître – l’esprit, le corps et l’âme – qui rendra la relation solide, nourrissante et durable.
Tellement de soumises pensent qu’elles devraient simplement se laisser aller et laisser volontairement les choses arriver. Elles ne reflètent pas activement l’amour et l’affection, en les retournant avec toute la passion qu’elles éprouvent pour leur Propriétaire / Maître / amant / Top. Une soumise se doit de tout donner d’elle et de mettre toute sa passion dans chaque acte de sa soumission.
Un petit extrait de ce que j’ai pu lire qui montre qu’une soumise peut aller jusqu’à dire qu’elle ne veut pas être soumise, qu’elle veut être conquise : « Je ne veux pas qu’on me dise de ne pas m’asseoir sur le siège des toilettes ou de refuser un orgasme. Je veux être dominée, je veux être dominée, je veux être subjuguée, me qualifier de « soumise » me semble faux parce que moi, alors que je respecte énormément les femmes qui le font, je ne ressens pas mon principal sentiment d’identité. Je ne veux pas l’identité d’une soumise, je veux être avec un homme qui détient le titre de Dominant, il peut être un Dominant, un Maître, un Guerrier, un Roi …, je veux avoir mon identité. non de la qualité de mes actions, mais de Lui, c’est là que je veux dériver mon identité, et avec elle tous les adjectifs que j’utilise pour me décrire. » En lisant une telle prose, on peut se dire que cela va au-delà de la soumission active, dans quelque chose qui pourrait être appelée : soumission agressive.
Pour que la relation vive, la soumise doit vivre, donc être acteur de sa propre vie au service du Maître qu’elle a choisi et qui l’a acceptée !