Se soumettre, c’est l’art de la subtilité ?
Texte de ma soumise novice allotei.
Avant-propos : Maître Baïkal m’a dit un jour « se soumettre, je le définirai comme l’art de la subtilité ». Ses mots m’ont questionnée et je Lui ai livré ma réflexion.
Quelques définitions qui m’ont aidée à réfléchir :
Subtilité :
Dictionnaire numérique : « Distinctions ou raisonnements qui sont trop raffinés et qui échappent à l’intelligence. »
CNTRL : « aptitude à penser, à parler ou à agir avec finesse et habileté. Synon. finesse, ingéniosité, intelligence, pénétration, perspicacité, sagacité. Subtilité grecque; admirable, merveilleuse, prodigieuse subtilité »
Subtile or not subtile, that is the question … ou autrement dit « être ou ne pas être » …soi-même.
L’intelligence humaine se définit généralement par la capacité de l’être humain à s’adapter à son environnement en permanence. Il est courant, pour avoir à s’adapter à son entourage, que nous changions plus ou moins consciemment de facette, que nous jouions un rôle particulier, ou que nous endossions une tout autre personnalité voire identité vis à vis d’autrui.
Je me rends compte que dans le BDSM cette fausse semblance est courante. Je dirai même « normale » car elle est probablement présente pour se protéger de soi-même vis à vis des autres, pour cacher un manque de confiance en soi, une fantasmagorie débordante mais irréalisable par ailleurs ou encore par l’envie de paraitre plus grand, plus beau, plus fort, plus soumise que celui ou celle d’à côté. Mais cela finit toujours par nous mener à des échecs et des revers plus ou moins douloureux. Face à ces constats, certain.es vont décider d’en sortir, de s’allier avec la sincérité, et d’autres s’enfermer davantage dans ce jeu.
J’ai pris conscience dans ce long chemin et travail qu’est la soumission que la sincérité est la clé pour faire confiance et se faire confiance. Et que c’est justement en étant (et pouvant (souvent enfin) être) telle que nous sommes que se joue toute la subtilité de nos personnalités. On se découvre soi-même des facettes inconnues et on offre au Maître la possibilité de découvrir des choses uniques tant de nous que de l’espèce humaine.
En effet, nous sommes constamment en présence de gens qui font semblant, légitimement ou non, ainsi, nous avons plus ou moins l’habitude de tel ou tel trait de caractère. Mais quand on se livre, au maximum de ce qui est possible de s’offrir avec sincérité, nous (le Maître et soi-même) nous retrouvons dans une découverte, une nouveauté qu’il devient riche d’explorer et de faire grandir.
Le dire avec des mots et non des maux
Se soumettre et travailler dans sa soumission c’est aussi apprendre à dire et faire les choses avec tact, émotions, finesse et surtout respectueusement.
C’est finalement apprendre à se contrôler en permanence, non pas dans sa pensée qui doit rester, je pense, pure et sincère mais dans sa manière et façon de livrer cette pensée / cet acte au Maître.
Au départ je pensais qu’être subtile revenait à édulcorer notre pensée, à ne pas vraiment dire l’entière vérité voire à mentir par omission parfois, alors que non.
C’est dire / faire les choses telles que nous les pensons mais en y mettant des formes, en prévenant le Maître que ce que nous avons en tête peut Le heurter, peut être perçue désagréablement. C’est aussi prendre une posture qui n’invite pas à remettre en cause la place du Maître mais qui, tout en Lui laissant Sa parole, Son rôle, Ses responsabilités, l’acte décisionnel, L’invite à écouter notre propos / à regarder notre acte.
La logique et l’éducation que je reçois voudrait que je ne remette pas en cause Maître, que je ne remette pas en cause Son autorité (Son pouvoir décisionnel, Sa voie/voix, Ses compétences). Néanmoins, je suis libre de Lui exprimer mes craintes, mes déceptions, mes souhaits et d’agir. Cela sans rien exiger, sans vouloir expressément qu’Il m’entende et surtout qu’Il accueille ma parole ou mon acte comme s’il était juste, véridique et sans effet émotionnel.
Finalement, c’est apprendre à faire preuve de care, à prendre en compte l’Autre dans Son entièreté et ne pas penser qu’à soi et à ce qu’on a en tête ou sur le cœur.
L’expression « dites-le avec des fleurs » pourrait être remplacée par « dites-le avec d’autres mots que vos maux ».
S’exprimer et non exiger
C’est apprendre aussi le fait que demander quelque chose ne veut pas dire avoir. Trouver sa place dans l’honneur que le Maître nous fait de nous accepter à Ses pieds et casser petit à petit nos exigences vis à vis de Lui pour les orienter vis à vis de nous.
Si je souhaiterais cela de Maître, je me dois de le travailler en moi-même.
Je prends l’exemple : « je souhaiterais que Maître ait plus d’attentions à mon égard » : avant de Le remettre en cause, Lui donnais-je moi l’attention que je demande de Sa part ? Si oui, est-ce vraiment les attentions qui Lui plaisent à Lui particulièrement ou sont-ce en réalité des choses qui me plaisent à moi mais qui ne sont pas spécifiquement et uniquement que pour Lui ? Ne puis-je pas déjà recueillir dans le quotidien qu’Il m’offre des petites attentions qu’Il fait naturellement et qui me touchent mais que j’ai arrêté de relever ?
La subtilité reviendrait en quelque sorte à casser la routine et son ego, pour relever la beauté de chaque instant et m’orienter vers Lui.
Lui parler
La subtilité réside aussi, je pense, dans toutes les petites attentions que nous sommes les seules à avoir pour le Maître. Car au fil du temps, nous devenons les mieux placées pour savoir ce qui Lui plaît et ce qui ne Lui plaît pas. Cela demande bien entendu que le Maître nous laisse la possibilité de les connaître et qu’Il s’exprime sur cela. Des attentions que seul Lui et sa soumise sont capables de comprendre et d’apprécier.
Faire des choses « qui Lui parlent », qui ainsi dépassent l’entendement d’autrui mais qui ont du/un sens pour Lui.
Quelle limite entre faire preuve de subtilité et manipuler ?
Je me demande réellement, si, quand je fais preuve de subtilité dans ma manière de m’exprimer ou d’agir envers Maître ou un Dominant, si je ne suis pas en train de Le manipuler pour que ma parole / mon acte (pouvant être désagréable) passe bien alors qu’en toute logique il ne devrait pas être aussi bien accueilli et que finalement, j’arrive à me faire entendre sans heurt.
N’est-ce pas se jouer de l’Autre dans ces moments-là en étant « plus maline que Lui » ?
Maître Baïkal a une manière de définir la manipulation qui a fait grand sens en moi.
Selon Lui, on est dans la manipulation dès lors que cela est une demande faite à l’autre dans un but égocentré, pour soi, et non pour la relation ou pour l’Autre.
La nuance est subtile… justement, mais bien réelle.
Au regard de cette manière de définir la manipulation, finalement on voit bien que la subtilité est à l’opposé de cela car ma soumission est normalement (selon ma vision du BDSM) orientée vers le Maître et non vers moi-même.
Tout est discutable mais je dirai que raisonnablement tout réside dans mon intention de départ (LA question que je devrais toujours me poser si je doute de mon approche) :
- Lui dis-je cela pour permettre d’évoluer, de prendre en compte un autre point de vue, une autre approche ?
ou
- Lui dis-je cela pour obtenir quelque chose à des fins personnels, juste pour moi, me fichant, au fond, complètement de Son intérêt à Lui ?
Dès lors que la réponse est la première proposition (1.), je grandis dans ma soumission et mon activisme (l’opposé de la passivité). Il est libre ou non de prendre en compte ces nouveaux éléments car je me retire du pouvoir décisionnel et Il garde Sa liberté d’accueillir ma parole / mon acte comme Il voudra et pourra.
Par conséquent j’assume mes responsabilités dans ce que je suis et ce que je fais et/ou relate. Et je dois accepter Son choix de m’entendre ou non, tout comme Il a accepté ma parole, mon acte.
Mais si c’est la seconde proposition (2.) qui répond à ma question intérieure, alors je suis dans la manipulation, volontaire ou non, saine ou malsaine, et c’est à essayer de comprendre. Quoi qu’il en soit, c’est une chose sur laquelle je dois porter une vigilance accrue, quotidienne et surtout travailler pour réorienter ma soumission vers l’infini de Son BDSM et non vers l’un fini de mon ego.
Pourrais-je conclure par …. ?
L’art de la subtilité c’est chercher à être /raison/ et non à avoir /raison/.
Une nouvelle fois, ma réflexion m’amène à reconsidérer ces deux auxiliaires de vie (être et avoir) pour choisir lequel d’entre deux sera mon meilleur allier pour grandir et évoluer à Ses pieds.