Le renoncement de la maîtrise pour mieux se connecter
Note 1 : Dans le présent document, les termes employés pour désigner des personnes sont pris au sens générique, ils ont à la fois la valeur d’un féminin et d’un masculin.
Note 2 : Dans cet article, je vais essayer de vous expliquer pourquoi le renoncement de la maîtrise nous permet de mieux se connecter à l’autre dans le BDSM ou dans les cordes selon mon point de vue.
Comment faire pour se connecter à autrui ? il faut déjà consentir à ne rien savoir, oublier ce que l’on sait, ce qui laisse toute la place à l’attention d’accueil et à une disponibilité sans frontières. Il faut renoncer à toute forme de maîtrise, mettre en lumière, en exergue sa maîtrise, c’est faire un show, se mettre en spectacle.
Il faut mettre en place une disposition à une forme de passivité tranquille.
Lorsqu’on est Top (Maître, Dominant ou encordeur), le temps est notre ami. Au fil du temps, ce qu’on doit faire nous apparaît simplement, d’une manière limpide. Les pièces du “puzzle” se mettent en place, les repères nous apparaissent. On peut ainsi tisser notre scène dans une zénitude, dans une passivité tranquille.
En tant que Top (Maître, Dominant ou encordeur) dans la recherche de se connecter à autrui, il ne faut pas chercher à juger autrui mais noter toutes informations attitudinales et comportementales pour aller chercher une fidélité attitudinale, comportementale et subie :
- La fidélité attitudinale résulte d’une attitude positive et d’une préférence à l’égard de notre action (corde que l’on pose, impact du fouet, etc.) ;
- La fidélité comportementale est proche de la fidélité subie, elle résulte essentiellement de l’habitude de la répétition d’une action ;
- La fidélité subie est une situation de fidélité à l’égard d’une action qui ne découle pas de son attrait, mais qui s’explique par un ressenti particulier que l’action apporte.
Accepter qu’on ne sait pas grand chose de la personne nous permet d’assigner le statut d’une “voix off” à nos connaissances et à nos savoir-faire, ainsi ce que l’on sait ne gouverne plus notre scène, ce qui laisse libre court à des complexités nouvelles, ainsi notre scène se déploie différemment en s’adaptant à chaque personne.
L’intention claire de renoncer à toute forme de maîtrise préserve l’intégrité morale et physique d’autrui, met en avant notre care, ce qui facilite grandement et laisse libre court à la connexion.
Renoncer à toute forme de maîtrise nous permet de réapprendre notre pratique, et ce réapprentissage ne se fait pas seul, mais à deux ! Ce qui laisse la place à la personne bottom (esclave, soumise ou encordée) de nous aider à reconstruire notre pratique, notre maîtrise. On n’est plus seul à chercher à construire la scène ou la corde, on n’oriente plus, les choix se font à deux.
Il est vrai que cela peut faire penser qu’on est incompétent, la personne bottom ne verra pas en cela de l’incompétence, mais au contraire, elle y verra du care.
Nos droits statutaires en tant que Top (Maître, Dominant ou encordeur) ne doivent pas être les metteurs en scène, la connexion doit être la metteuse en scène. Oublier la technique pour permettre de vivre la scène ou la corde, la technique sera au service de la connexion.
Il ne faut pas oublier que se donner à autrui est une situation insolite, angoissante et stressante. Il faut établir des conditions qui permettent à la personne bottom (esclave, soumise ou encordée) de poursuivre la démarche qu’elle a engagée. Se rappeler que les codes sociaux du BDSM ou des cordes ne définissent pas la personne qu’on a face à nous.
La personne bottom (esclave, soumise ou encordée) n’est pas le produit typique de notre société BDSM. Chaque bottom se situe personnellement. Chacune a ses expériences, son caractère, sa parenté, son histoire, sa manière à elle de s’approprier les données communes. Les représentations et modes de penser traditionnels nous permettent seulement de mieux approcher, de mieux comprendre et respecter les positions singulières de chacune. Enfermer les bottoms dans une posture au nom d’un décodage culturel BDSM, serait renoncer à la position d’analyste. La personne bottom (esclave, soumise ou encordée) est souvent en proie à un passé qui la hante, elle cherche à s’en dégager mais elle est souvent obscurément immobilisée par son passé, la plupart du temps elle tâtonne, oscille et est déchirée, à la recherche d’un compromis à inventer.
La mémoire affective est un passé-présent qui ne se dévoile que dans l’éclairage des difficultés et des possibilités actuelles. Le sens n’est pas caché derrière les apparences, il est dans les relations entre les apparences.
Le but de la connexion pour un Top (Maître, Dominant ou encordeur) est de rejoindre l’autre pour l’accompagner, pour la suivre, pour la guider dans son voyage, et le but de la connexion pour la bottom (esclave, soumise ou encordée) est de partager son voyage avec le Top. Il faut se laisser dépayser, déstabiliser et instruire par celle que nous accueillons dans notre scène ou dans notre corde, accepter de passer par des voies qui nous sont insolites. Il faut renoncer à orienter la bottom pendant la scène ou la corde.
Il nous faut renoncer en tant que Top comme en tant que bottom à vouloir établir une anamnèse. En tant que Top, on doit recueillir ce qui vient, comme cela vient même si nous n’en comprenons pas l’enchaînement ni l’orientation… plus tard peut être qu’on pourra comprendre, le temps est notre ami, on doit s’accorder au rythme de la bottom, se synchroniser à elle. Ne jamais rien forcer est une règle de conduite, ne solliciter qu’avec une extrême prudence aussi, respecter les protections de la bottom dont nous ignorons les assises aussi.
Orienter le voyage de la bottom revient à inviter la bottom à rejoindre nos intérêts donc à l’éloigner de ses intérêts.
Il faut comprendre qu’en laissant la bottom (esclave, soumise ou encordée) orienter son voyage, c’est lui donner l’opportunité de se construire, de se reconstruire, de trouver sa place, sa voie dans la relation, dans le monde BDSM, dans les cordes, c’est lui donner vie ! Ne jamais oublier que la personne bottom vit son BDSM, parce qu’elle a sa place dans le BDSM. La base de toute société humaine : le droit de chacun à avoir une place reconnue par l’entourage.
Sans connexion la relation est non maîtrisé, non maîtrisable où la bottom (esclave, soumise ou encordée) est menacée de perdre son humanité, alors que le BDSM ou les cordes sont des espaces humanisés d’une communauté construite sur des rapports de places individuelles différenciées.
Sans connexion, la bottom se retrouve dans un immense désert, dans lequel elle est debout, scrutant les horizons… mais rien ni personne n’apparait qui lui permettrait de s’orienter, de s’avancer ; elle reste donc immobile, paralysée et scrutant toujours, espérant apercevoir… un signe, une indication… en vain.
Il faut en tant que Top permettre à la bottom d’emprunter son BDSM au BDSM et non de lui transmettre le BDSM. L’emprunt sélectif doit donc se comprendre comme une reprise, une réorganisation, une appropriation par la bottom de tel ou tel trait puisé dans le BDSM, lequel devient un moyen d’autorégulation dans sa vie émotionnelle. Dès lors, on peut aisément comprendre comment l’emprunt devient un élément formateur de la personnalité.
Il ne faut pas cloîtrer les émotions de la bottom dans un théâtre intérieur, sinon les émotions perdront leur pouvoir corporel d’expression, capable d’imposer sa marque à l’ensemble d’une situation investie de valeurs positives ou négatives, opportunes ou dangereuses.
Il faut rendre à la bottom sa mobilité vivante au cadre dans lequel elle puisse exprimer sa quête personnelle d’une place dans la vie BDSM. Mais pour cela, il faut sortir du théâtre d’ombres où se multiplient les causes imaginaires, fantastiques, ces entités nominales qui prétendent expliquer ce qu’elles sont impuissantes à décrire. L’entreprise est, certes, difficile.
La mémoire affective conditionne la possibilité de se situer et de s’orienter dans une vie BDSM. Oublier nos connaissances, c’est créer un climat de confiance, c’est installer la confiance, Aller au-delà de la connaissance, c’est rejoindre l’autre.
Sans authenticité il ne peut y avoir de connexion !
Qu’est-ce que l’authenticité ?
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