La sexualité et l’érotisme dans le BDSM et dans les cordes
Note 1 : Dans le présent document, les termes employés pour désigner des personnes sont pris au sens générique, ils ont à la fois la valeur d’un féminin et d’un masculin.
Note 2 : Dans cet article, je vais parler de ma vision de la sexualité et de l’érotisme
Dans notre société occidentale contemporaine, l’individu est une personne qui possède un corps et qui a des droits, que se passe-t-il lorsqu’une pratique sociale remet en cause ces principes ? Cela est le cas des pratiques sexuelles sadomasochistes nommées BDSM. En effet, « elles se présentent comme des pratiques sexuelles ludiques qui ne cessent de jouer avec les concepts de propriété et de pouvoir » (Véronique Poutrain). Les anthropologues définissent aisément le BDSM comme des pratiques sexuelles ludiques. Les anthropologues font apparaître la notion de sexualité dans le BDSM.
Initialement, la sexualité désignait plutôt l’état sexué, puis il a désigné le comportement sexuel, avant de désigner le plaisir sexuel et tout ce qui est directement lié à ce plaisir (Foucault M). Avec le développement de la psychanalyse, qui affirmait que tout plaisir est sexuel, le terme de sexualité a fini par désigner presque tout l’ensemble des comportements et des états affectifs de l’être humain.
Il faut différencier dans la sexualité, l’érotisme de la pornographie.
Il faut savoir qu’il y a déjà de grande différence dans la perception de l’érotisme et de la pornographie suivant les cultures. Différencier l’érotisme de la pornographie est purement occidentale.
L’érotisme comme la pornographie sont des représentations du corps.
Dans le Dictionnaire du corps, Michela MARZANO définit la pornographie pour entrer dans la problématique de l’érotisme et de la pornographie : « D’un point de vue étymologique, le terme « pornographie » vient du grec, et signifie littéralement « écrit concernant les prostituées », c’est-à-dire tout texte décrivant la vie, les manières et les habitudes des prostituées et des proxénètes. » « Aujourd’hui, la signification du terme a toutefois changé, et la pornographie est en général définie comme une représentation (par écrits, dessins, peintures, photos) de choses obscènes destinées à être communiquées au public ».
Le commissaire du gouvernement, M Genevoix, proposa en 1981, une dialectique assez problématique entre érotisme et pornographie : « Le propre de l’ouvrage érotique est de glorifier, tout en le décrivant complaisamment, l’instinct amoureux, le geste amoureux. Les oeuvres pornographiques, au contraire, privant les rites de l’amour de leur contexte sentimental, en décrivent simplement les mécanismes physiologiques et concourent à dépraver les moeurs s’ils en recherchent les déviations avec une prédilection visible. Est de caractère pornographique le film qui présente au public sans recherche esthétique et avec une crudité provocante des scènes de la vie sexuelle et notamment des scènes d’accouplement. »
Alain ROBBET-GRILLET disait que la pornographie, c’est l’érotisme des autres.
L’activité sexuelle de reproduction est commune aux animaux sexués et aux hommes, mais il semblerait que seuls les hommes ont fait de leur activité sexuelle une activité érotique, ce qui différencie l’érotisme et l’activité sexuelle simple étant une recherche psychologique indépendante de la reproduction.
« D’une façon générale, la sexualité concerne les individus dans leur intimité, leur corps, leur épanouissement et leur fécondité ; il concentre effectivement les enjeux de la reproduction biologique et sociale, c’est-à-dire ceux de la discipline et de la maîtrise des individus. » (Laurent Bazin, Rommel Mendes-Leite et Catherine Quiminal)
Le dictionnaire définie la pornographie comme une représentation sexuelle particulièrement obscène, sans visée artistique et dont l’unique intention est de provoquer l’excitation sexuelle du public. Etymologiquement, le mot pornographie vient du grec porné, dérivé du verbe pernemi qui veut dire vendre. Il désignait à l’origine celles et ceux qui vendaient leurs corps, autrement dit les prostitué(e)s. Le terme important ici est « obscénité » . L’obscénité renvoi à l’indécence, à des représentations de la sexualité qui peuvent blesser la délicatesse par des représentations grossières de la sexualité.
Pour ce qui est de l’érotisme, il est plus dans la suggestion. Il éveille le désir sexuel et augmente l’excitation sexuelle. La différence avec la pornographie réside avant tout dans le fait que ce dernier est un produit de consommation pur et le plus souvent explicite. L’érotisme est plus suggéré et contrairement à la pornographie peut avoir une approche esthétique et artistique. Dans l’érotisme, tout est question d’enrobage. Le « problème » de la pornographie vient donc avant tout du fait qu’il ne renvoie pas l’image d’une sexualité normale et approprié pour tous. Tout y est plus violent, obscène et explicite.
Le problème que pose l’étude des sexualités, c’est qu’elle renvoie à une question d’ordre épistémologique sur la capacité qu’ont les individus à intégrer des thématiques et des approches nouvelles. La sexualité apparaît comme un phénomène social total, elle renvoie à des productions sociales, symboliques, et imaginaires de toute société. La sexualité fait ressurgir le sens des transformations sociales, des tensions et des ruptures.
« La sexualité est donc le lieu où s’exercent de très fortes normes et contraintes, profondément intériorisées et cristallisées dans les institutions propres à chaque société. Elle est pour cette raison même, à la fois dans l’imaginaire et dans la réalité tangible, un des sites privilégiés de la domination et de la soumission, de l’oppression et de la libération, de la dépendance et de l’émancipation, de l’intégration et de la division. L’imaginaire social des sexualités traverse l’ensemble des rapports sociaux, dans leurs dimensions symboliques et idéologiques autant que dans la forme concrète des relations interpersonnelles. Inversement, la réalité sociale globale s’exprime et se subvertit chimériquement dans la construction du désir, des fantasmes, du plaisir ou des stratégies de séduction. » (Laurent Bazin, Rommel Mendes-Leite et Catherine Quiminal
La pornographie se définirait plutôt dans l’économie politique de la sexualité. La pornographie répond à un véritable marché sexuel. « Parallèlement, un ensemble d’associations se constituent dans un but d’affirmation sociale et politique de minorités sexuelles (homosexuelles, bisexuelles, « transgenres » , etc.) et de défense contre la stigmatisation dont elles sont l’objet » (C. Deschamps).
Les logiques de la consommation qui reposent prioritairement sur la mise en spectacle d’une infinité de produits offerts au désir, au plaisir s’étendent aujourd’hui non seulement aux loisirs et à la sphère culturelle mais aussi à la sexualité. « L’activité s’y décline comme la génération de produits proposés à l’usage individualisé du public : ces derniers deviennent la source de médiations entraînant une série de différenciations et d’appartenances ainsi que la création de nouvelles valeurs collectives scandées dans un kaléidoscope d’identités virtuellement conflictuelles et pouvant alors devenir le creuset d’une revalorisation symbolique d’individus diversement assignés à l’indignité. » (Laurent Bazin, Rommel Mendes-Leite et Catherine Quiminal)
La spectacularisation contemporaine de la sexualité est source d’interprétations divergentes. Elle est le produit de l’insertion de l’érotisme dans les processus mercantiles, accélérée dans les dernières décennies selon différentes voies qui se recouvrent partiellement. « La spectacularisation de la sexualité, intervenant comme mode de constitution de valeurs différentielles sur un marché identitaire recomposé dans le cadre de la mondialisation. » (Badie, 1999)
Les spectacles érotiques ou pornographiques se présentent sous divers aspects dans un marché en pleine expansion et qui font de plus en plus l’objet de reportages médiatisés, de littératures, de chansons, de documentaires ou de films, qui mettent en exergue autant la fascination que la réprobation. Plus ils font naître ce paradoxe fascination/réprobation et plus ils auront de l’audience. La sexualité est de plus en plus exhibés dans les sociétés occidentales.
Comment différencier des pratiques qui seraient à la « marge » ou dans la « normalité » ?
La marge renverrait vers la prostitution, la pornographie, le multipartenariat, les pratiques prenant place pour le commerce sexuel, dans son sens marchand ou général : lieux de prostitution, d’échanges de partenaires, espaces de rencontre « anonymes » privés ou extérieurs, etc.
la normalité renverrait l’image d’une sexualité spécifiant la relation d’un couple, temporaire ou stable, hétérosexuel ou homosexuel. La normalité définirait justement ce qui est rejeté comme marginal, étrange, déviant ou scandaleux.
Le BDSM comme pratique sexuelle ludique et consensuelle entre deux individus serait-il en marge ou dans la normalité ?
Je rappellerai les travaux d’A. Giami ou de T. Apostolidis, à la suite de Devereux (1980) : La sexualité n’est pas réductible qu’aux comportements sexuels.
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