Le BDSM vu à travers la foi
Les scientifiques disent que l’homme est un être symbolique, qui recourt à la représentation, il porte en lui le langage. Parler, s’exprimer, signifie transformer la réalité en symboles.
Une lettre n’est ni plus ni moins qu’un dessin qui forme un symbole. Un mot est une suite de lettres qui forme un dessin aussi qui représente sous forme de symbole une ou des choses réelles. C’est cette faculté de tout symboliser qui fait notre spécificité et nous différencie de l’animal.
Mais pour que ce symbole nous parle, il nous faut y croire, engager notre foi en la valeur du symbole. Notre vie est essentiellement culturelle, c’est-à-dire qu’elle s’organise autour d’un ensemble d’interprétations symboliques nécessitant la foi en la valeur des représentations symboliques abstraites reconnues par la communauté.
Évidemment si je parle de foi, il est difficile de parler de foi BDSM, c’est plutôt ici un regard du BDSM à travers une notion de foi. Foi pris dans son sens étymologique (du latin fidem) : avoir confiance. Je ne vais pas parler de la foi religieuse ici, mais d’une foi philosophique. Les personnes non vanilles vont rejeter notre foi, mais en réalité ils ne rejettent pas notre foi, mais la foi des autres, des autres croyances. Ils confondent très souvent foi et religion. Ils oublient qu’on peut engager sa foi dans n’importe quoi, pas uniquement dans une religion.
La foi est sans fin. L’humain est un être qui a besoin de croire pour vivre. Elle est le fondement de toute motivation.
Comme a dit Jasper (psychiatre allemand) : “À sa mort, Dieu a tout simplement été remplacé par la science qui, curieusement, répondait aux mêmes critères : l’amélioration continue et perpétuelle vers le meilleur.”
L’homme est un être de transcendance, c’est-à-dire un être d’ouverture. Dans un sens philosophique, cette transcendance est une ouverture horizontale au monde. Dans un sens chrétien, c’est aussi une ouverture verticale, une ouverture à Dieu. Dans un sens BDSM, c’est une ouverture verticale, hiérarchisée, une ouverture au Maître, ainsi qu’une ouverture horizontale, une ouverture au monde. Cette transcendance dans le BDSM pour la soumise ne doit pas lui permettre d’échapper du monde, mais elle doit lui permettre de vivre avec et autrement dans le monde.
Avoir la foi en son Maître, c’est re-découvrir la vie, une vie nouvelle. Une vie dans laquelle la “Discipline” de son Maître va s’inscrire. Même si l’on voit sur les réseaux sociaux, dans les munchs ou soirées, une crise de la foi chez les soumises. Une crise qui s’accroît année après année. L’individualisme, le désintérêt pour la foi, même son refus systématique, se répandent dans le monde BDSM et pas qu’ici… La foi n’étant plus le moteur principal des engagements sociaux et/ou culturels.
La foi dans le BDSM implique chez la personne soumise de mettre en adéquation le contenu de sa foi et ses actes de foi. Cela peut constituer une originalité de la foi dans le BDSM comme une forme de porta fidei (la porte de la foi), Le BDSM serait-il alors la clé de cette porte de la foi ? La clé qui permettrait à la soumise de prendre, de re-trouver, enfin confiance en elle et en la vie.
Dans cette foi, je pense que l’important étant de mettre l’accent sur le contenu et non sur les faits, les faits se construiront à partir du contenu. Il importe donc, en se plaçant à l’intérieur du BDSM, d’y travailler pour faire, selon cette foi (principes, valeurs, protocoles, codes…), une conception de ce monde BDSM plus haute, plus riche, plus cohérente, de tirer de cette foi une philosophie de vie.
La foi de la soumise séduit la “raison” du Maître, et la philosophie BDSM du Maître répond à la quête de la soumise. Ainsi lorsqu’il l’acceptera comme sienne, il donne par cette acceptation une réalité, une vivance à sa foi. L’acceptation comme sienne donne un pouvoir à la soumise, le pouvoir pour montrer et vivre sa foi, par ses actes de foi.
Les actes de foi se traduiront dans les faits par des actes de soumission, actes qui respecteront la discipline BDSM (philosophie BDSM) que le Maître aura dessinée pour leur relation.
Ses actes de soumission, lui permettent de vivre pleinement et consciemment sa soumission, de montrer son consentement et son assentiment à la soumission. J’en ai énuméré neuf :
Acte d’adoration -> le Maître
L’adoration est une attitude de respect envers son Maître, celui de qui tout dépend.
L’acte d’adoration peut s’évaluer dans sa façon qu’elle a de vivre le Maître.
Acte de foi -> confiance
La soumise montre par ses actes de foi toute la confiance qu’elle a en son Maître, et qu’elle croit en lui.
Acte d’offrande -> don de soi
La soumise s’offre entièrement corps et âme à son Maître, elle fait le don d’elle-même au Maître.
Acte d’espérance ->promesses
L’espérance est à vivre au cœur de la vie BDSM, surtout au cœur des limites de la soumise et de ses fragilités. Plus que de l’optimisme, elle repose essentiellement sur une certitude : Le Maître est un guide qui accompagne la soumise sur tous les possibles.
Acte de courtoisie -> humanisme
L’acte de courtoisie se traduira par un “BDSM courtois”. Courtois pris dans le sens d’une rigueur dans sa politesse, son maintien, et dans ses bonnes manières : une courtoisie BDSM, quelque soit le lieu, les personnes, les pratiques, l’heure…
Acte de contrition -> pénitence
La soumise montre par sa repentance, son regret d’avoir fauté, et elle montre cela par son engagement à réparer sa faute.
Elle peut s’agenouiller, et incliner la tête pour réfléchir à comment mieux respecter et servir le Maître.
Acte d’humilité -> être humble
La soumise va travailler pour cesser d’écouter son orgueil, sa prétention, pour mettre en exergue son humilité. Dans ses actes d’humilité, elle montre qu’elle a pris conscience de son état, du travail qu’elle a encore à faire.
Pour la soumise, être au pied de son Maître est une manière de lui montrer son humilité.
Acte de demande -> activisme
La soumise ne doit pas attendre passivement, elle doit demander, elle doit anticiper, elle doit réfléchir aux possibles.
Acte de remerciement -> remercier en toute occasion
La soumise doit savoir remercier son Maître pour tout ce qu’il lui fait vivre. Comment faire lorsqu’on est un Maître pour qu’on puisse accepter de faire “mal” (punitions, impacts, marques…) à une personne qu’on “aime”, mais si ce qu’on fait est un puissant générateur, amplificateur émotionnel ?
Conclusion
On peut voir la foi comme une forme de paradigme pour le BDSM. Paradigme dans lequel chacun peut regarder son BDSM pour le penser, l’analyser, le vivre autrement, et lui donner un sens, qui pourra le sublimer.
Dans ses actes de foi, de soumissions, la soumise peut y trouver sa place, peut trouver un axe dans lequel évoluer et travailler sa soumission ; tout comme le Maître qui peut donner une orientation similaire dans l’éducation et le chemin de vie BDSM qu’il souhaite donner à la relation.
Rappelons que la maîtrise du BDSM est un véritable travail du quotidien, et qu’il est préférable d’en faire un chemin de foi, plutôt que de croix.