Correction, punition et sanction (2ème partie)
Suite de l’article sur la correction, punition et sanction (1ère partie)
Quoiqu’il en soit, que ce soit une faute ou une erreur, il va falloir la corriger. Il y a deux orientations qui déterminent la notion de /correction/ : ce qui ressort des pratiques en aval et ce qui tient à l’axiologie en amont (science et théorie des valeurs morales). Du côté des pratiques, ce que j’appellerai l’activité corrective peut être considérée comme “naturelle”, non pas d’essence ontologique mais comme intervention pragmatique cherchant à modifier une situation.
Schéma de Patrick Chardenet, 1997
L’axiologie dans le BDSM se détermine par rapport aux codes du BDSM. Forcément que les valeurs morales des codes du BDSM sont soumises à l’interprétation, donc à la subjectivité. Corriger les écarts de l’axiologie subjective en amont des codes du BDSM passeront forcément par une discussion au sein de la relation afin d’intégrer ou pas tout ou partie des codes dans les règles de la relation.
Du côté des pratiques, l’activité corrective peut être considérée comme naturelle, comme intervention pragmatique cherchant à modifier une situation : un comportement, une attitude ou une action. On se retrouve dans une situation (formation) éducative, formalisée en situation de transmission/apprentissage, cette activité qui vise à établir un lien entre l’indicateur d’écart (segment fautif ou inadéquat), et la norme de référence (segment attendu).
L’acte de correction suppose donc un diagnostic : repérage de l’écart et son identification (pour repérer l’écart, il faut poser des indicateurs).
Je pense qu’il faut faire la distinction entre fautes de compétence et fautes de performance. La compétence représente la connaissance permettant à une soumise idéale (playing) de se soumettre, la performance étant la réalisation pratique de cette connaissance.
Lorsque la soumise est dans une posture de /postulante/, il n’y a aucune faute ou erreur, elle découvre, elle n’a donc aucune obligation d’obéir à une quelconque règle ou code BDSM. Il n’y a donc pas de transgression (passer par-dessus la ou les règles).
Lorsqu’elle entre dans un noviciat de soumission, le Maître va lui transmettre ses règles et il peut lui communiquer ou l’informer sur les codes du BDSM. Les codes du BDSM que le Maître s’approprient feront partie de ses règles. Il n’est donc pas possible d’évaluer les codes de soumission d’une soumise, car ces derniers appartiennent au monde BDSM et non à la relation mise en place. Un Maître ne peut évaluer que l’obéissance aux règles qu’il a posées. Il n’y a pas de transgression des codes.
La notion de correction dépendra des pratiques en aval des règles instaurées en amont dans la relation.
La correction qui reste toujours un peu ambivalente, vise la forme, alors que l’évaluation met en avant le fond plutôt que la forme.
L’/évaluation/ doit être prise et appliquée comme un outil de formation à l’éducation BDSM de la soumise. Évaluer l’écart est inhérent à l’attitude, au comportement et à l’action dans la mesure où pratiquer le BDSM lorsqu’une soumise est novice c’est davantage reproduire que produire.
Demander à sa soumise d’être active dans son BDSM, c’est l’amener à réfléchir sur ce qu’elle peut produire, maintenant qu’elle maîtrise ce qu’elle a appris (reproduction). Il est possible d’évaluer ce qu’elle produit, on apportera une correction à sa production par “médiation”.
Lorsqu’elle commence à produire, qu’elle reproduit de moins en moins, elle quitte sa posture de novice pour entrer dans sa soumission.
A partir de cet instant il devient possible de corriger sa faute (“reproduction” ou transgression des règles) par une punition, mais l’on corrigera sa production par une médiation au sein de la relation.
La punition dans le BDSM devrait reposer sur le binôme “délit-peine” : pas de peine sans délit (un délit est une attitude, un comportement ou un fait prohibé par la règle). Il y a en effet comme une relation de cause à effet entre le délit et la peine : le délit cause la peine. Dans le BDSM, l’acte délictueux devrait toujours être un acte moral, oral ou physique imputable à la relation.
Il faut faire attention à ce que la peine ne soit pas due à un acte délictueux envers le Maître. Un Maître ne doit pas punir pour soi ! Si c’est une atteinte personnelle au Maître, après analyse, une sanction et non une peine peut être appliquée.
Que se passe-t-il chez le Maître offensé ? Ses sentiments vont osciller entre deux pôles, l’exigence de réparation et le désir de vengeance. Le premier est une attitude rationalisée qui en appelle à la justice et à l’équité. Le second, au contraire, est un sentiment très fort, qui n’est pas seulement engendré par le dommage subi, mais bien plus encore par la blessure narcissique.
“Dis-moi pourquoi et comment tu punis et je te dirai qui tu es…” Le Dominant punira par vengeance (réactivation de l’autorité) ou par jeu, le Maître punira par éducation.Dans un cadre éducatif, comme dans l’éducation anglaise par exemple, il y a une grande différence entre punir parce que nous sommes en colère, agacés ou à bout de nerfs, et punir en lui demandant de croire, en plus, que sa souffrance est juste. Il se peut néanmoins que la punition ait une certaine efficacité, pour permettre à la soumise fautive de calmer ses angoisses, sa souffrance. Il ne s’agit donc pas de renoncer à la punition, ni de croire que la relation sera plus juste si la personne dominante renonce à toute forme de punition. Il s’agit plutôt, à l’occasion de la punition, quand la personne dominante décide de punir, de se poser à nouveau la question de la justice : qu’est-ce qui est juste ? Certes, la réponse n’est pas aisée. C’est une question redoutable et difficile. Mais cette difficulté ne doit pas nous servir de prétexte pour ne plus nous poser cette question. La justice est ce doute sur le droit qui sauve le droit.
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Suite dans une troisième et dernière partie à venir : Correction, punition et sanction (3ème et dernière partie)
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